"C'est un bijou de technologie", pour restaurer l'Hydroptère, le voilier le plus rapide du monde, il lui manque 150 000 euros

L’Hydroptère est un trimaran volant imaginé par Eric Tabarly. Fleuron du patrimoine maritime et technologique français, il a battu de nombreux records de vitesse à la voile. Son propriétaire espère le remettre à l'eau au printemps prochain. Il lui manque 150 000 euros pour restaurer ce bateau volant.

Son projet avec l'Hydroptère, c'est un peu son Everest des mers, son Vendée Globe à lui. Gabriel Terrase est un passionné, pas voileux mais un peu fou. En 2019, il sauve l'Hydroptère, promis à la destruction. Il lui évite la casse pour 8 500 dollars.

À force d'obstination, il rapatrie ce bateau volant imaginé par Eric Tabarly en France et se lance dans un chantier insensé. Son objectif ? Remettre à l'eau le voilier le plus rapide du monde au printemps 2025.

Le chrono est lancé, mais le chantier est titanesque. 

Un bateau volant "pillé" à Hawaï

En escale à Saint-Nazaire en 2023, le géant est aujourd'hui à Nantes. Une équipe travaille à sa rénovation, six personnes au total dont deux ingénieurs. Mais les crédits manquent pour remettre sur pied cet ancêtre des ultimes et d'une certaine façon des IMOCA à foils actuellement à quai aux Sables d'Olonne. 

"Pour l'anecdote, Jean Le Cam et Michel Desjoyeaux ont fait partie des premiers marins à participer à cette immense aventure", glisse Gabriel Terrasse, porteur du projet Hydroptère 2.0.

À Hawaï, le bateau a été pillé. À bord, le travail est donc colossal, il faut réparer le mât endommagé, changer les haubans, rénover les bras de liaison. Et rééquiper la bête ; winchs, poulies, cordages, électricité, électronique, barre, il ne reste plus rien. Un budget bien trop conséquent. 

Il manque 150 000 euros. "On est en mode débrouille. On fait avec du matériel d'occasion, de la récup. L'objectif, c'est d'embarquer des expérimentations dans le domaine de la recherche navale, de l'aéronautique, pour travailler sur des matériaux, sur des systèmes électroniques, des capteurs, l'aéro et l'hydrodynamique. Il y a tout un tas de sujets qu'on peut creuser. Des sujets environnementaux aussi et sociétaux."

Pour boucler le financement, Gabriel et ses équipiers ont lancé une cagnotte "Ensemble refaisons voler l'Hydroptère". "Les donateurs pourront embarquer pour un vol au-dessus de l'eau et les entreprises partenaires pourront apposer leurs logos sur la coque lustrée."

"Ça rendait possible la construction d'un bateau volant"

L'histoire de l'Hydroptère ne date pas d'hier. Elle commence dans les années 70 avec la rencontre entre Eric Tabarly et Dassault Aviation. Ensemble, ils imaginent un bateau à foils. "Ça va être le Paul Ricard, qui va être mis à l'eau en 79. Et en 1980, ce bateau-là, qui avait des petits foils, a pulvérisé le record de la traversée de l'Atlantique."

Dans les années 80, de nouveaux matériaux composites arrivent sur le marché, notamment le carbone. "Ça rendait possible la construction d'un bateau volant. Et donc, Tabarly s'est retrouvé avec un jeune marin qui était avec lui, qui s'appelle Alain Thébault. Il lui a confié la réalisation d'un projet d'un bateau de course volant."

En 1992, la maquette au 1/3 est prête. En fin visionnaire, Tabarly regroupe chez lui les capitaines d'industrie. "Autour de la table, il y avait Naval Group, Serge Dassault, le patron des chantiers de l'Atlantique, l'aérospatiale. Enfin voilà, tout un tas d'entreprises, Alstom, et compagnie", que du beau linge. "Toutes ces entreprises ont financé la construction et travaillé ensemble pendant deux ans."

Dassault, Airbus, la DCN, tous les grands noms de l'aéronautique et du naval ont ainsi contribué à construire ce trimaran d'exception. Fleuron du patrimoine maritime et technologique français, il est le premier voilier à avoir dépassé 50 nœuds et 100 km/h grâce à ses foils, qui équipent désormais les bateaux de course modernes.

Dès sa mise à l'eau, le bateau s'envole, mais pas pour longtemps, il y avait des contraintes d'efforts qui étaient énormes et qui avaient été mal évaluées parce que personne ne savait ce que ça allait donner. Et donc le bateau a cassé", raconte Gabriel Terrasse.

Il y a eu plusieurs casses. On disait que l'Hydroptère, c'était trois journées de navigation et trois ans de chantier

Gabriel Terrasse

Propriétaire de l'Hydroptère

Le bateau devient fiable en 2005 et il enchaîne les records "Il a battu le record de la traversée de la Manche. Après, en 2007 et en 2009, il explose les records de vitesse absolue à la voile."

L'hydroptère, c'est le premier voilier à avoir franchi la barre des 50 nœuds et des 100 km heure. Même aujourd'hui, ces vitesses-là sont des vitesses exceptionnelles

Gabriel Terrasse

Propriétaire de l'Hydroptère

"Le bateau le plus rapide du monde en pleine mer"

En catégorie D, "Il détient toujours le record du monde, presque 103 km/heure. Il a fait ça en pleine mer, entre Toulon et Fos-sur-Mer. Peut-être qu'à la Nouvelle Coupe de l'America, ils ont fait mieux, je ne sais pas."

A ma connaissance, sauf dernière performance, c'est le bateau le plus rapide du monde en pleine mer.

Gabriel Terrasse

Propriétaire de l'Hydroptère

Personne n'y croyait

À l’époque, personne n'y croyait, les détracteurs étaient nombreux. Aujourd'hui pourtant, les ultimes, les multicoques et dans une moindre mesure les IMOCA, sont tous des descendants de l'Hydroptère. Le trimaran est un concentré de technologies.

"Par exemple, les bras de liaison, ce sont deux poutres ventrales d'A340 assemblées entre elles. Toutes les ferrures de connexion du bateau sont en titane, les foils en carbone. C'est la même technologie que les dérives des rafales et des Mirage 2000", explique le fier propriétaire.

L'hydroptère était et est encore aujourd'hui un bijou de technologie. Il a permis de révolutionner le monde de la course au large

Gabriel Terrasse

Propriétaire de l'Hydroptère

Un bijou de technologie qui s'est échoué à Hawaï en 2015 après une calamiteuse traversée du Pacifique depuis Los Angeles. "Il devait mettre 3 jours, l'équipage en a mis plus de 10". Le bateau est longtemps resté à l'abandon.". En 2019, il est mis aux enchères. "Il allait être écrasé à grands coups de pelleteuse". Gabriel Terrasse le rachète. Depuis, il ne l'a plus lâché.

Le bonhomme pourtant n'a pas le pied marin. "Mon métier, à la base, c'est la logistique et la gestion de gros projets. Alors, pour moi, c'est peut-être une chance de ne pas être navigateur. Ça me permet de piloter la rénovation du bateau et sa remise à l'eau avec une certaine sérénité."

On aimerait que le bateau permette de sensibiliser à la préservation de l'environnement marin

Gabriel Terrasse

Propriétaire de l'Hydroptère

150 000 euros, c'est une somme, mais à quelques jours du départ du Vendée Globe, les âmes marines sont sensibles. Romain Attanasio en sait quelque chose, lui qui sera sur la ligne de départ le 10 novembre prochain, grâce à un tsunami de générosité qui lui a permis de remplacer son mât il y a quelques semaines.

Alors Gabriel Terrasse espère lui aussi."Ce n'était même pas un rêve, parce que ça semblait tellement irréaliste que jamais je n'aurais pensé un jour me retrouver avec l'Hydroptère dans les mains. Mais cette possibilité-là s'est présentée. Ma mission, c'est de sauver ce bateau et de faire en sorte qu'il vive et qu'il soit transmis aux générations futures."

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