Alors que la cathédrale Notre Dame de Paris rouvre ce samedi 7 décembre, celle de Nantes, victime d'un incendie volontaire le 18 juillet 2020, est toujours en chantier. Le public devrait retrouver l'édifice religieux en septembre 2025.
Cinq ans, il aura fallu cinq ans pour que la cathédrale Notre-Dame renaisse de ses cendres. "Plus belle et plus impressionnante que jamais", disent ceux qui ont eu le privilège de redécouvrir l'édifice étincelant de "blondeur".
"C'est ce jour tant attendu", réagissait ce samedi matin sur Franceinfo Philippe Jost, président de l'établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris. Le patron du chantier de Notre-Dame, qui a succédé au général Jean-Louis Georgelin décédé en 2023, s'est dit "heureux, heureux de vivre ça et de donner à voir cette cathédrale", tout en rendant hommage aux "2 000 hommes et femmes qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes pendant cinq ans", "dans la lignée des bâtisseurs de cathédrale du XIIIe siècle".
Le 18 juillet 2020 les flammes jaillissent de la cathédrale de Nantes
Victime d'un incendie volontaire le 18 juillet 2020, la cathédrale de Nantes, elle, est toujours en cours de restauration. Les chantiers se succèdent pour une réouverture au public en 2025. Un chantier là aussi hors norme.
"On a été chercher du granit qui peut correspondre en termes de couleur"
Le silence a laissé place au bruit des tailleurs de pierre. Depuis ce jour d'été où les flammes jaillissaient de la rosace, les travaux sont permanents. Un chantier colossal que Valérie Gaudard la conservatrice des monuments historiques de la région suit au quotidien.
"Là c'est le pilier de l'orgue de Cœur qui a été totalement endommagé par la présence de la console de l'orgue qui se trouvait devant et qui a été incendiée. On est venu changer l'ensemble des pierres. Donc ça, c'est du granit, on a été rechercher un granit qui pouvait correspondre en termes de couleur et de porosité, de densité. Les pierres ont été taillées et donc on a le résultat final qui est vraiment tout à fait satisfaisant", explique-t-elle.
Déjà quatre ans de travaux pour effacer les traces du feu. Un drame qui en rappelle un autre, celui du 28 janvier 1972.Un départ d'incendie accidentel avait ravagé l'intégralité de la charpente du XVIe siècle.
Les pompiers avaient stoppé le feu avant qu'il ne se propage à l'intérieur, mais la cathédrale était restée fermée pour travaux pendant trois ans.
En 2020, les flammes partent cette fois du cœur de la cathédrale. C'est un bénévole qui a provoqué l'incendie. Le bâtiment brûle et se consume de l'intérieur. Les dégâts sont considérables.
Il y a des traces, il y a de l'eau, la fumée a envahi l'édifice. Je me suis dit que ce n'est pas demain la veille où on pourra reprendre des célébrations dans la cathédrale. Mais j'ai l'impression que le bâtiment est sauvé quand même
Hubert Champenois, le 18 juillet 2020Recteur de la cathédrale de Nantes
"Un travail très minutieux"
Sauvée, mais il ne reste plus rien de l'orgue de cœur ou des vitraux de la façade. Après le choc et la sidération, un chantier colossal débute. Du sol jusqu'à la clé de voûte, la pollution au plomb s'est glissée dans les moindres recoins. Il faudra plus d'un an pour tout nettoyer.
"Les compagnons brossent à l'aide d'un pinceau. Ensuite, à 10 cm de ce brossage, ils aspirent avec un aspirateur à très haute efficacité. C'est un travail très minutieux, un travail très long parce que la cathédrale fait des milliers de mètres carrés", détaille Anne-Marie Chepeau-Malhaire, ingénieure du patrimoine et chargée de l'opération de décontamination et de restauration.
Après la dépollution, place à la restauration. Depuis quelques mois, ils sont une douzaine de tailleurs de pierres à travailler dans les hauteurs de la cathédrale pour lui redonner sa splendeur.
"J'ai enlevé les pierres qui étaient abîmées et puis je les remplace par la même pierre, la même origine de tufeau, avec les mêmes moulures, tout ça, pour refaire un pilier qui soit propre", raconte Dominique Dupont, tailleur de pierre.
"On est tous ensemble. Ceux qui vont poser les cailloux, c'est important. Moi, mon joint, même si c'est qu'un petit joint comme ça, il est important aussi. Celui qui va mettre un petit coup de griffe, les trois outils, ça peut paraître rien du tout, mais c'est important aussi. C'est un peu comme une drogue. Quand on commence dans les monuments historiques, après, on ne peut plus faire autre chose", ajoute un collègue.
On a quand même cette chance-là. C'est fantastique. On ne travaille pas à la chaine, on n'est pas à l'usine. On est tout de même dans des endroits où le public ne va pas. On peut aller dans les charpentes, on peut aller sous les voûtes, on voit les clés de voûte en gros plan
Alexandre GuesdeTailleur de pierre
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Apprivoiser le bâtiment, le radiographier sous toutes ses coutures, une plongée dans l'histoire qui permet aux compagnons de renouer avec des techniques anciennes.
"On arrive à retrouver les gestes anciens"
"On a des compagnons qui font ça depuis des années, qui transmettent aux nouvelles générations, à nos apprentis, à nos nouveaux embauchés, qui font ça avec passion" s'enthousiasme Alexandre Godet, directeur des travaux de l'entreprise Lefèvre.
Il faut du temps, mais on arrive à retrouver les gestes anciens et à refaire à l'identique
Alexandre GodetDirecteur des travaux de l'entreprise Lefèvre
Le coût des travaux a été estimé à 32 millions d'euros. Le prix d'une remise à neuf qui permettra à la cathédrale de commencer une nouvelle vie.
Valérie Gaudard, conservatrice des monuments historiques (DRAC) est impressionnée par le résultat. "Aujourd'hui, c'est incroyable parce que la cathédrale a retrouvé totalement sa blancheur et grâce à cette opération de dépollution, on a pu justement retirer non seulement la pollution au plomb, mais aussi tout le voile grisâtre dû à la combustion, charbon de bois, donc à cause de l'incendie, des suies de l'incendie."
"À chaque tableau son histoire"
À quelques dizaines de kilomètres de Nantes, au Poiré-sur-Vie, un autre chantier panse les plaies laissées par l'incendie. Dans cet atelier vendéen, quatre tableaux de la cathédrale sont aujourd'hui en restauration.
"Mais est-ce que ça pourrait être des retouches anciennes qui ont viré à la lumière ? Il y a des matières différentes, alors soit ça a chauffé un peu, soit ça accroche aussi différemment la lumière du fait de la matière différente", s'interroge les artisans.
Posé contre un mur, un tableau du 19ᵉ siècle proche d'un des trois foyers de l'incendie a été relativement épargné. À côté, une œuvre du 17ᵉ, sa restauration est déjà bien avancée.
"Notre travail jusqu'à présent a consisté à refixer la couche de peinture qui s'écaillait, pour nous permettre de commencer le nettoyage et l'enlèvement du vernis ancien, l'enlèvement des repeints. Vous vous doutez bien, depuis le 17ᵉ siècle, il avait été plusieurs fois restauré", sourit Patrick Buti conservateur et restaurateur du patrimoine.
300 heures de travail seront nécessaires pour redonner des couleurs à cette remise des clés à Saint-Pierre. Avec un objectif en tête, rester fidèle à l'histoire du tableau.
"À chaque fois qu'un tableau se fait restaurer, il y a comme une petite enquête qui se met en route. Pourquoi ça a été peint ? À quel siècle ? Pourquoi cet élément-là est différent des autres de la même époque ? ", complète Edwige Offenstein conservatrice et restauratrice du patrimoine.
À chaque tableau, son histoire, donc à chaque fois, c'est assez unique en fait.
Edwige OffensteinConservatrice et restauratrice du patrimoine
Sur les 49 tableaux accrochés dans la cathédrale, un seul a été totalement détruit, une œuvre majeure d'Hippolyte Flandrin. Il fait partie des 14 millions d'euros de pertes.
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Une épreuve de plus pour la cathédrale, mais elle s'en relèvera. Prévue pour septembre 2025, sa réouverture ne signera pas la fin des travaux, mais elle permettra aux fidèles et aux amateurs d'art d'ouvrir avec elle une nouvelle page de son histoire.
Le reportage d'Amélie Lepage, Maxime Jaglin, Laurent Bellanger et Christophe Person
À Notre dame, le monument le plus visité d'Europe, l'équipement électrique et la protection incendie ont été "totalement repensés" avec des "dispositifs très innovants de brumisation", prévus pour diffuser "un brouillard de fines gouttelettes d'eau sur détection automatique d'un départ de feu". Un dispositif avec lequel l'incendie de 2019 "serait totalement impossible désormais", assure Philippe Jost qui conclut en souriant : "Nous avons restauré cette cathédrale pour 860 ans." Prions pour qu'à Nantes, il en soit ainsi...
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