Cent ans avant Paris 2024, Alice Milliat pionnière de l'olympisme au féminin, "elle était d'une modernité absolument incroyable"

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Au début du 20ᵉ siècle, les femmes n'avaient pas accès aux compétitions sportives. La Nantaise Alice Milliat, née il y a 140 ans jour pour jour, a milité toute sa vie pour leur intégration. Elle a fini par créer des jeux mondiaux féminins, manière de dénoncer l’exclusion des femmes des JO de l’époque et surtout de prouver qu'elles étaient, à l'instar des hommes, capables de gagner des médailles.

Si aujourd'hui, chacune dans leur discipline, des championnes peuvent prétendre participer au JO 2024, c'est en grande partie grâce à une autre femme, une Nantaise, Alice Milliat.

"Sa conception est très moderne pour l'époque. Pour elle, les femmes peuvent faire du sport, tous les sports à l'égal des hommes, parce que c'est juste bon pour leur équilibre personnel. C'est bon pour leur bien-être", explique Stéphane Gachet, biographe et auteur du livre "Alice Milliat, les 20 ans qui ont fondé le sport féminin",

Nous sommes en 1915, Alice Milliat, férue d'aviron- discipline qu'elle a découvert en Angleterre-, jeune veuve, sans enfant, fonde la première fédération sportive féminine. Très vite, elle organise des compétitions en marge des championnats masculins.

"Elle arrive quand même dans un contexte qui lui est favorable, qui est favorable à cette évolution-là, d'abord parce qu'au moment où elle devient une femme adulte, il y a de nouveaux sports qui apparaissent en France, qui sont des sports par essence différents de ceux qui existaient jusqu'à présent, qui étaient des sports à finalité militaire principalement, poursuit, là apparaissent notamment le football, le rugby, qui sont des sports très populaires, qui n'ont pas de finalité guerrière".

Les hommes libèrent leur place

"Elle évolue aussi, et elle a à ce moment-là entre 30 et 40 ans, dans une séquence historique où les femmes commencent à avoir une place dans la société, dans l'histoire, raconte Stéphane Gachet, je pense à la guerre 14-18, bien entendu, puisque les hommes partent évidemment au combat, libèrent leur place, à l'usine, dans les champs, et aussi sur les terrains de sport. Il y a un contexte favorable à cette prise de pouvoir des femmes dans le sport".

Alice Milliat profite du moindre espace de liberté qui lui est concédé, mais elle se heurte au patriarcat, et à celui qui l'incarne dans le sport mondial, Pierre de Coubertin. Ce dernier est très clair sur la place que les femmes sont censées occuper, à la ville comme dans les stades... il le proclame sans ambages à la radio :

"Je n'approuve pas, personnellement, la participation des femmes à des concours publics, aux Jeux Olympiques, leur rôle devrait être surtout, comme aux anciens tournois, de couronner les vainqueurs".

Pierre de Coubertin

discours radio diffusé

"Pierre de Coubertin, qui a créé les Jeux Olympiques, il ne faut pas l'oublier, a, comme encore aujourd'hui, une conception des Jeux Olympiques qui met évidemment en lumière et en valeur l'athlétisme, le sport roi des Jeux Olympiques, poursuit Stéphane Gachet, et là, pour le coup, et sur le modèle des Jeux Antiques d'ailleurs, la femme n'a pas sa place sur des épreuves d'athlétisme".

Des jeux mondiaux féminins dès 1924

Puisque "ses" sportives n'ont pas le droit de participer aux épreuves reines des JO, Alice Milliat active ses réseaux et organise les premiers Jeux Olympiques strictement féminins. Quatre éditions auront lieu entre 1922 et 1934.

"Alice Milliat ne pensait pas comme les autres à l'époque. Elle est une femme du 20ᵉ, voire du 21ᵉ siècle. Pour ça, elle a été précurseure,dans la manière de voir la place de la femme dans le sport, précurseure de près d'un siècle, raconte Stéphane Gachet, c'est une femme d'une modernité absolument incroyable et ce n'est pas un hasard si finalement, 

100 ans après son combat, un certain nombre de choses pour lesquelles elle a fortement milité prennent corps aujourd'hui. La parité aux Jeux Olympiques de Paris 2024, c'est son combat d'il y a un siècle, c’est un vrai symbole".

Stéphane Gachet

biographe d'Alice Milliat

Alice Milliat disparaît de la vie publique en 1936. Elle meurt dans l'indifférence générale en 1957 et tombe dans les oubliettes de l'histoire.

En 1941, cinq ans après qu'Alice Milliat retourne à la vie civile, le maréchal Pétain et le régime de Vichy décident de gommer toute cette histoire des débuts du sport féminin en interdisant purement et simplement aux femmes de pratiquer certains sports.

Il faudra attendre le septennat de Valérie Gérard d'Estaing dans les années 70 pour que les femmes en France aient à nouveau le droit de jouer, notamment, au football.

À la faveur des JO 2024, et d'un film documentaire "les Incorrectes", co-produit par Lucien prod et la Fondation Alice Milliat, 140 ans après sa naissance, l'œuvre d'Alice Milliat est enfin mise en lumière.

À Nantes, dans le sud de la ville, une école, encore en construction, portera son nom. Une avenue bordant un nouveau quartier résidentiel, située à une centaine de mètres du cimetière Saint-Jacques où elle est enterrée, devrait aussi être baptisée Alice Milliat.Un timbre à son effigie sera même prochainement édité. Si la société civile tend aujourd'hui à la faire reconnaître, en revanche, aucune référence à son œuvre, aucun hommage officiel n'est prévu à l'occasion des Jeux de Paris.

Le reportage de Sandrine Gadet, Cyril Dudon, Eric Guillaud et Christophe Person

Crédit photos: BnF-Gallica - Fondation Alice Milliat

Crédit Images: Göteborg 1926- Sveriges Television (SVT)

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