C'est le début de la COP 28, mais pourra-t-on toujours boire du vin de nos régions en 2050 ? Les conditions climatiques sont de moins en moins favorables à la production viticole locale, un véritable défi pour les vignerons.
À Dubaï, la COP 28 a commencé. Ce grand rendez-vous pour le climat doit dresser le bilan mondial des engagements pris par les Etats à Paris en 2015.
Mais qu'en est-il en Pays de la Loire ? Comment sera rempli notre verre dans 30 ans, en 2050 ? Et surtout, à quoi va ressembler le vin du futur ?
Les défis de la vigne
Le changement climatique vient altérer les pratiques viticoles en profondeur : " les évolutions du climat vont influencer la croissance de la vigne, mais aussi modifier les caractéristiques du raisin lui-même" analyse Hervé Quénol, Directeur de recherche au CNRS à Rennes.
D'un côté, les vignes sont de plus en plus précoces. Elles commencent leur cycle au début du printemps et se récoltent de plus en plus tôt. De l'autre, la chaleur joue sur les caractéristiques du fruit et les vins ont un degré d'alcool plus important, ainsi qu'une acidité moins développée.
Sur le long terme, il faudra une modification des cépages
Hervé QuénolDirecteur de recherche au CNRS
Les cépages sont adaptés à un climat donné, si les conditions climatiques changent, les cépages devront, eux aussi, évoluer. "Selon les scénarios, certains cépages atteindront leurs limites à la fin du siècle. D'ici là, les vignerons pourront continuer à produire les cépages de leurs terroirs en adaptant leurs pratiques." tempère Hervé Quénol.
"On ne va pas changer de cépage d'ici 2050, par contre les extrêmes climatiques sont un sérieux problème pour les vignerons, dès aujourd'hui". Que ce soit les vagues de chaleur ou le gel début avril, les cultures sont en danger, chaque année.
S'adapter pour mieux réagir
Le manque d'eau, la sécheresse des sols, la hausse des températures et les gelées de printemps : autant de facteurs qui altèrent la vigne. "On constate du gel tous les ans, ce qu'on n’avait pas avant" remarque Jean-Gabriel Tridon, vignerons et propriétaire du domaine des Hautes Noëlles à Saint-Léger-les-Vignes (Loire-Atlantique).
Si ça continue, les cépages du sud de nos latitudes vont sûrement remonter dans nos régions
Jean-Gabriel TridonVignerons, Domaine les Hautes Noëlles
Si le vigneron est encore dans le flou, c'est parce que les évolutions climatiques sont très variables. D'une année sur l'autre, la vendange peut être décalée d'un mois entier. "On essaye de voir comment ça évolue et comment, d'année en année, on peut s'adapter." explique-t-il. Il ajoute : "Les changements ne sont pas stables, on reste dans l'observation. Mais à l'avenir, on va sûrement devoir modifier certains de nos cépages."
Changer de variété n'est pas l'unique solution. Il faut également revoir l'environnement de la vigne et les techniques de viticulture. Avec les hausses des températures, les vignerons devront proposer plus d'ombre et d'espaces frais sur leurs parcelles.
Jean-Gabriel Tridon essaye de se tourner vers l'agroforesterie, un modèle d'exploitation des terres associant les arbres aux cultures. Il a planté une parcelle selon cette technique il y a deux ans et mise de manière générale sur les solutions naturelles.
C'est un défi intéressant, il faut trouver les meilleurs solution possible
Jean-Gabriel TridonVignerons, Domaine des Hautes Noëlles
Autre moyen d'adaptation, le domaine cultive plus de dix cépages. La diversité de la production permet aux vignerons de mieux s'adapter en cas de problèmes sur une variété. "Il faut trouver un compromis entre les variations climatiques et la qualité du vin" souligne Jean-Gabriel Tridon.
Malgré les efforts des vignerons, les saveurs, vont elles aussi forcément évoluer. Les changements climatiques et les modifications de cultures opérés vont se ressentir dans les verres des œnophiles.
Il va sûrement falloir accepter de nouvelles saveurs sur nos tables. "Tout est une question d'équilibre dans le vin, rappelle le vigneron, même si le goût change, tout le travail viticole se concentre sur un équilibre gustatif".
Les fortes chaleurs jouent principalement sur la teneur en acidité. Le début des maturations est décalé vers des périodes plus estivales et l'exposition à des températures élevées provoque une baisse très rapide de l'acidité. Pourtant, elle est un facteur clé dans l'équilibre gustatif du vin. Or, les vignerons doivent attendre que l'ensemble des composants arrivent à maturité pour vendanger.
Le consommateur aussi, va devoir s'habituer
Jean-Gabriel TridonVignerons, Domaine des Hautes Noëlles
Autre facteur gustatif impacté, la teneur en sucre. Avec la hausse des températures et une exposition au soleil plus élevée, la proportion de sucre dans le vin augmente ainsi que son taux d'alcool. Toute la subtilité réside dans l'équilibre qui permettra à la fois de renforcer l'acidité des vins tout en limitant la quantité de sucre, notamment avec des variétés plus tardives et plus résistantes aux grosses chaleurs.
Un changement de goût, de cépage, des nouvelles techniques de productions viticole, c'est à ça que devrait ressembler l'avenir du vin en Pays de la Loire. Si chaque vigneron doit dès à présent se pencher sur la question, c'est aussi par l'échange et le dialogue qu'ils pourront trouver les solutions pour le vin de demain.
Des recherches pour sauver le vin de nos régions
Étienne Neethling, enseignant-chercheur en viticulture et œnologie à l'École supérieure des agriculteurs (ESA) à Angers, est optimiste : "si on arrive à produire du bon vin en Afrique du Sud et en Australie, on peut s'adapter ici aussi". Pour lui, l'adaptation est une urgence, mais il croit que les vignerons sont capables de résilience.
Aujourd'hui, il faut anticiper la sécheresse et le gel, on ne peut plus simplement être dans une posture réactive
Etienne NeethlingEnseignant-chercheur à l'ESA
La solution pour sauver le vin de nos régions, c'est que les vignerons explorent les cépages et les différentes variétés intracépages. Selon le chercheur, il existe suffisamment de variétés au sein même des cépages pour continuer à produire les vins actuels en 2050 et plus loin encore. Par exemple, il existe près de 340 individus rien que pour le Chenin blanc, cépage emblématique de la Loire.
Les vignerons, mais aussi les institutions viticoles et les chercheurs doivent explorer ces variétés internes aux cépages pour trouver les individus permettant de s'adapter. C'est-à-dire, trouver au sein même d'un cépage existant, une vigne moins sensible au gel, par exemple.
Des projections climatiques régionalisées permettent également d'anticiper certains phénomènes météorologiques. Un atlas agroclimatique destiné à la filière viticole pour prévenir et anticiper les changements climatiques est proposé par Interloire, Terra Clima et l'ESA.
Pour Etienne Neethling, la Loire reste un territoire propice à la culture viticole malgré les changements climatiques. "On se rapproche de plus en plus du climat de Bordeaux, très favorable à la production de vin" rassure le chercheur.
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Notre réalité climatique dans 27 ans. Grâce à des projections scientifiques basées sur l'ensemble de l'historique des relevés de Météo France (plus de 110 ans de données) et sur le travail des scientifiques du GIEC, il est possible de consulter la météo de 2050 dans sa préfecture.
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