C'est une page Facebook, mais aussi un journal, qui documente depuis 10 ans, les mobilisations et les révoltes, relayant également les appels à manifestation. Pour son anniversaire, mais également en vue de la campagne présidentielle, Nantes Révoltée vient de sortir une nouvelle revue. Retour sur une histoire nantaise.
L'arrière-salle du bar est bondée, les derniers arrivés se tiennent debout, dans le couloir. Sur une table, des piles d'une revue dont la photo de couverture fait un instant penser à un ciel étoilé, si ce n'est que les étoiles sont en réalité les étincelles de projectiles dans un nuage de gaz lacrymogène. Débris de grenades sur le sol, deux CRS avancent, derrière leur bouclier, alors qu'autour deux éclatent des feux d'artifice, souvent utilisés par les manifestants.
"Contre Attaque". Le titre donne le ton de cette publication, la dernière née du collectif Nantes Révoltée dont l'un des fondateurs rappelle l'histoire dans l'arrière-salle du bar, toute en pierres apparentes. A l'origine, une page Facebook, née pendant la campagne des présidentielles de 2012, qui voyait s'affronter Nicolas Sarkozy et François Hollande.
La volonté d'être un contre-pouvoir
Alors que le débat droite-gauche leur semble se focaliser autour d'idées sécuritaires, sans offrir, selon lui, d'alternative à un capitalisme libéral, un collectif tente de lever des fonds pour monter un journal, qui serait un contre-pouvoir et qui serait distribué gratuitement dans les rues de Nantes. Faute de donateurs, le groupe décide alors de lancer une page Facebook, alimentée quotidiennement depuis 10 ans par des informations engagées, militantes, et qui se fait régulièrement le relais d'appel à manifestations.
Quelques mois après la création de cette page, à l'automne 2012, l'opération César, tentative d'expulsion de la zad de Notre-Dame des Landes décuple l'audience de la publication. Suivra la mobilisation contre la loi Travail, pendant laquelle Nantes Révoltée se fait notamment l'écho des violences de la police envers les manifestants. En 2016, la page dépasse les 40 000 abonnés. Les membres revendiquent aussi leur présence dans les cortèges, en s'appuyant sur l'histoire des médias d'opinion, comme le journal l'Humanité à l'époque de sa création par Jean Jaurès, ce qui leur vaut d'être régulièrement désignés comme organisateurs de troubles à l'ordre public, et parfois poursuivis en justice.
Un journal papier à l'automne 2017
D'une page Facebook, Nantes Révoltée devient un journal papier à l'automne 2017. Distribués dans des bars et librairies nantaises, les neuf numéros reviennent entre autres sur la révolte des quartiers nantais, le mouvement des gilets jaunes ou encore sur les circonstances de la mort de Steve Maïa Caniço, tombé dans la Loire après une charge policière lors de la fête de la musique en 2019. Dans le même temps, la page Facebook continue de gagner de l'audience, atteignant les 100 000 abonnés à l'époque des gilets jaunes.
Documenter la montée de l'extrême droite
La nouvelle revue veut offrir un regard plus national et international, et documente notamment la montée des idées et des actions violentes menées par l'extrême droite dans les dernières années et les derniers mois. Sur la seule ville de Nantes, elle recense par exemple 11 incidents et agressions entre novembre 2015 et décembre 2021, allant du concert empêché par des catholique intégristes aux deux adolescents roués de coups le soir de l'élection d'Emmanuel Macron, l'une des victimes ayant été laissée pour morte.
Offrant également un regard sur l'histoire, Contre Attaque se veut aussi un réservoir d'idées : "Avant nous, le long sillage tracé par les Enragés de 1793 et ceux de la Commune, l'histoire de la résistance antifasciste et les luttes anti-coloniales (...) Le répertoire des résistances dans lesquelles nous pouvons puiser des forces et des idées est gigantesque et sublime" écrivent les auteurs dans le dossier qui ouvre la revue.