Coronavirus et confinement : psys et associations à l'écoute des plus fragiles d'entre nous

Avant même les annonces de confinement, certains ont été pris de peur panique et de crises d'anxiété. Des psychologues et des associations ont décidé d'assurer une permanence des écoutes et des soins, à distance. Pour ne laisser personne sur le bas-côté.
 

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La période est rude. Pour tout le monde. Mais encore plus difficile à vivre pour bon nombre d'entre nous.

Que ce soit la mère de famille qui élève seule ses enfants dans un appartement HLM avec vue sur les tours, le célibataire solitaire qui se réfugie déjà d'ordinaire derrière son ordinateur, ceux qui, depuis longtemps, ont largué les amarres familiales et n'ont pas de vie sociale, ou pas d'argent pour s'en offrir une.

Pour les plus fragiles, le confinement peut s'avérer une terrible épreuve psychologique. De celle qui risque d'engendrer des comportements (crises de nerfs, tachycardie, spasmophilie, suffocation...) particulièrement délétères pour leur santé physique et mentale.
 

Aider les plus sensibles à sortir "de la cage"

Pascaline Jouis est psychothérapeute, à Nantes, elle travaille particulièrement avec les personnes hyper-sensibles, et hyper-émotives.

"Ces personnes ont ceci de particulier, explique t-elle, qu'elles ont besoin d'espace, de bouger. Là, le simple fait qu'on leur intime de ne pas sortir, les fait se sentir comme prisonnières, mises en cage".

La plupart ne le savent pas, mais elles sont ce que la psychothérapeute qualifie de kinesthésiques : c'est leur corps qui va exprimer leur mal-être et provoquer des effets qu'elless ont du mal à maîtriser.

"Le fait de savoir qu'on ne peut pas accéder à l'extérieur crée une alarme dans le cerveau qui se met en mode choc émotif et qui entraîne des sensations d'étouffement, le cœur qui palpite, et les pensées en boucle", explique la psychothérapeute.. 

A cela s'ajoute un sentiment de culpabilité décuplé et "des sensations de peurs infernales". La peur d'être malade et de mourir, mais surtout d'être vecteur de mort. La crainte aussi de ne pas supporter le confinement "de ne pas être capable".

"Le climat, la lune, peuvent accentuer ces moments de désarroi. Je constate chez les gens qui m'appellent, et mes patients réguliers, beaucoup de colère face aux comportements excessifs de leurs concitoyens. Les ruées dans les supermarchés, les comportements qui ne relèvent ni du bon sens ni du civisme, le non respect des règles, provoquent chez eux un agacement exacerbé", poursuit Pascaline Jouis ​​​​​.

Elle poursuit, "ces colères peuvent entraîner des conflits personnels car ces personnes ont du mal à exprimer leurs sentiments. Ce sont des éponges émotionnelles dont le moral fait constamment le yoyo"

Depuis la mise en place du confinement, la spécialiste prodigue des conseils via sa plateforme Facebook, "je passe mon temps à déculpabiliser les gens de sortir. Beaucoup ont peur d'être critiqués, jugés, voire contrôlés par les policiers. Alors qu'au contraire, ils ont besoin de bouger, de marcher, que leur corps se vide de ces émotions contenues".

Tous les deux jours, Pascaline Jouis réalise sur sa page Facebook un live afin d'apaiser les peurs, et ce sentiment d'oppression. Il est possible de rejoindre un groupe fermé qui compte déjà près de 1 000 personnes.
 

Un accompagnement plus nécessaire que jamais

Le confinement imposé vient renforcer la solitude et la détresse des personnes les plus précaires.

"Il était évidemment hors de question de laisser nos bénéficiaires sans aucun recours" explique Malika Darmoungar. Depuis 2016, Malika est la responsable de l'association AlterSoin 44.

Située au sud du quartier des Dervallières, à Nantes, la structure propose des consultations, à tout petit prix, dans neuf disciplines alternatives à des personnes qui vivent avec des revenus infimes.

"Nous accueillons 700 personnes dont le quotient familial est inférieur à 700 euros. Mais 80% d'entre eux sont plutôt à 500 et leurs besoins de soutien sont énormes" précise Malika.

La plupart des personnes qui font appel à l'association sont, non seulement, en grande précarité financière mais surtout en grande souffrance. "Ce sont des personnes qui ont connu beaucoup de maltraitance physique et psychique... Le confinement risque de fragiliser encore plus notre public. À la base, ils ont besoin de nous et il faut leur montrer qu'on est là pour eux".

Si certaines thérapies comme le shiatsu, les massages ou l'ostéopathie sont désormais exclues de l'offre de soins de l'association, l'accompagnement psychologique est en première ligne. Et gratuit.

Quatre psychologues et psychothérapeutes se relaient, bénévolement, depuis le 23 mars pour écouter et accompagner les bénéficiaires d'AlterSoin44. Et ils continueront tant que cela s'avèrera nécessaire.

"Ce qui ressort de ces premières consultations, note Jean-Philippe Magnen, l'un des psychothérapeutes, c'est que des personnes qui fréquentaient AlterSoin44 mais n'osaient pas ou ne souhaitaient pas avoir à faire à un psy, nous ont appelé. J'ai ressenti un grand besoin d'écoute chez ces personnes mais plus encore la nécessité de s'exprimer".

L'association travaille aussi à l'élaboration d'une newsletter en direction des adhérents afin que les intervenants habituels (diététicienne, ostéopathe ou sophrologue) puissent continuer à dispenser leurs conseils et à accompagner leur patients.

"Nous savons que les situations vont se compliquer jour après jour. C'est pourquoi nous avons mis en place ces télé-consultations. Il faut à tout prix que l'on maintienne ce service et de manière constante...sans quoi l'après-crise risque d'être catastrophique" conclut Malika.
 

L'écoute...toujours

Sur le pont depuis 50 ans, les écoutants de SOS Amitié sont plus mobilisés que jamais.

"Nous avons eu d'abord beaucoup d'appels concernant le virus et la peur d'être contaminé ou de le propager... Maintenant les gens nous appellent plus parce qu'ils paniquent d'être enfermés chez eux. Nous avons beaucoup de nouvelles personnes qui nous contactent parce qu'ils découvrent que le confinement n'a rien d'une période de vacances et qui nous disent : qu'est-ce que je vais faire de ma vie", explique Martine Quentric.
Elle est responsable de SOS Amitié en Loire-Atlantique.

Lorsque je lui demande si les appels se sont multipliés depuis le début du confinement, la réponse fuse : "vous savez, on n'a pas vraiment le temps de faire des statistiques. L'an passé nous avons pris près de 12 800 appels... Et chaque année, la détresse est telle qu' on ne peut répondre qu'à un appel sur quatre, alors, en ce moment la machine s'affole, c'est tout ce que je peux vous dire !".

Pour pouvoir faire face à un afflux d'appels, l'association a augmenté sa puissance de réponses en tchats et en mails, et est en train d'installer des dispositifs informatiques afin que les bénévoles puissent répondre de chez eux, en offrant, comme depuis toujours, la garantie d'anonymat aux appelants.

Dans le département, 48 écoutants assurent nuit et jour une écoute bienveillante.

"C'est important de continuer à écouter. La plupart des personnes qui nous appellent ne mesurent pas leurs capacités à gérer ces événements. Nous les aidons à retrouver les ressources qu'elles ont en elles ou à disposition, comme les sorties autorisées. Des ressources dont elles sont coupées à cause de l'anxiété et de la panique. Nous essayons de les aider à dépasser cette sidération de la pensée qu'entraîne le confinement".

►SOS Amitié : 02.40.04.04.04

 
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