A Nantes, une association interpelle le gouvernement et la ville pour une reconnaissance du travail des couturières solidaires. Pendant le confinement, 200 professionnelles de Loire-Atlantique ont fabriqué gratuitement 4000 masques et 250 blouses pour les soignants.
Depuis le début de la crise sanitaire, Pascale est une coutière en colère, prête à piquer mais pas gratos...
Elle fait tourner l'association Re-act et l'atelier "Mûe", spécialisés dans la création textile à partir de tissus recyclés. Le principe, c'est de réutiliser de la matière existante. "Nous réalisons des masques depuis trois semaines à destination des particuliers et des entreprises. Pas de bénévolat, ici tout travail mérite salaire."
"Trés rapidement, quand la crise est arrivée, les couturières ont été ultra sollicitées pour soutenir les personnels hospitaliers. C'était assez violent pour nous d'entendre que notre travail n'allait pas être rémunéré. C'était trés compliqué. On était dans une culpabilité si on ne réagissait pas face à cet appel et ce besoin qu'avaient les soignants."
On n'a pas demandé à des caissiers ou des éboueurs de bosser gratuitement. Je dis ça tout en respectant le travail de tout le monde. Il y a eu une véritable dévalorisation de notre job. Pour pallier ses propres manquement et sécuriser les salariés en première ligne, l'Etat nous a demandé de faire gratuitement ! C'est violent ! Pascale Bereni, couturière
Alors, Pascale a résisté. Contrairement à d'autres, elle n'a pas cédé : "C'est comme si notre métier n'avait absolument aucune valeur. Et tout cela en culpabilisant de rester en retrait et de ne pas répondre le doigt sur la couture du pantalon. Je comprends que des amateures aient pu le faire, des professionnelles beaucoup moins. Il aurait du y avoir une réaction plus tôt mais face à l'urgence, c'est extrêmement difficile. Aujourd'hui la mobilisation est là, c'est tant mieux!.
"Nous, on a toujours été sur des valeurs éthiques de consommation alternative. Aujourd'hui, on vend des masques recyclés et lavables plus de 50 fois. 7 euros 50 l'unité. A deux, on a la capacité d'en fabriquer 150 par jour" conclut Pascale.
4000 masques et 250 blouses
4000 masques et 250 blouses, c’est le fruit du travail réalisé par des couturières volontaires et bénévoles mobilisées autour de l’association nantaise Stations Services pour répondre rapidement à la crise sanitaire. Des couturières. L’association interpelle aujourd'hui http://change.org/SOSCouturieresNantes la ville de Nantes et surtout l'État pour une une reconnaissance du travail de ces femmes solidaires qui ont prêté main forte, sans compter leurs heures, afin de faire face à la pandémie de Coronavirus.“Nous pensons à l'engagement des couturières amateures bien entendu, mais aussi à toutes celles dont c'est le métier et qui n'ont pas hésité à participer à ce magnifique élan de solidarité en stoppant leur production lucrative afin de mettre en fabrication solidaire, masques et surblouses. Nous admirons et remercions ces femmes.” précise les auteures de la pétition pour souligner l’engagement des couturières.Des masques récupérés grâce à la ville de @nantesfr et au groupe des Couturières solidaires de Loire-Atlantique.
— Nicolas Robin (@_NicolasRobin) April 30, 2020
Afin d’assurer une gestion plus humaniste de la crise et développer une économie locale, l'association Stations Services propose les solutions suivantes : "Réserver à l'avenir une partie des achats de masques grand publics aux actrices locales de la confection textile. Le code des achats publics le permet jusqu'à hauteur de 25 000 € HT".#SolidariteCOVID19 510surblouses livrées par les #CouturieresSolidaires &confectionnées par 400 bénévoles
— ARS Pays de la Loire (@ars_pdl) May 8, 2020
Nous nous associons aux remerciements des soignants de l’EHPAD de Guémené Penfao à la livraison #MERCI pr votre engagement & votre travail remarquable #AvecVous #Prendresoin pic.twitter.com/15VlyWAgW4
L'association réclame en parallèle "la mise à disposition d'un local et de machines pour les couturières professionnelles en les rémunérant à la pièce fabriquée".
Soutien de @MathildePanot.
— Bas les Masques (@_baslesmasques) May 12, 2020
Merci !#baslesmasques #notremétieradelavaleur #couturièresencolère https://t.co/rDe4Bgrw4B
Enfin, les couturières appellent "à la création d' une plate-forme de promotion de tous les studios de couture professionnels qui vendent des masques au grand public en s' appuyant sur les chambres consulaires, les collectifs et les maires de la métropole".
Lancée il y a dix jours, à l’occasion de la journée internationale des travailleur-euses, la pétition recueille 629 signatures..
"On les appelle les petites mains, ça en dit long!"
Philippe Contesse est co-fondateur et directeur de l'association Station Services qui s'occupe du réemploi de marériaux collectés en entreprise.
On avait des élastiques, des tissus donc nous avons mobilisé des bénévoles pour confectionner des masques et des surblouses. Toute une cohorte de couturières professionnelles ont délaissé leurs activités rémunérées pour fabriquer gratuitement. Au lieu de coudre des robes de mariées elle se sont mises à faire des protections pour les soignants-Philippe Contesse, directeur de Station Services.
"Aujourd'hui, le gouvernement s'est mis à acheter des millions de masques. Les couturières qui ont fait l'effort de participer à l'élan de solidarité national se retrouvent sur le carreau. C'est dégueulasse. Elles ne sont plus considérées. On les appelle les petites mains, ça en dit long. Nous travaillons en lien avec les collectivités, nous avons des propositions simples pour relocaliser notre économie. Sur cette question-là d'ailleurs, nous alertons le grand public. Faut-il acheter des masques en pharmacie produits en chine, où préfere-t-on solliciter une coutière prés de chez nous?", s'interroge Philippe.
"Les adhérents de l'association militent pour que rien ne recommence comme avant. Nous devons être force de propositions. Nous-mêmes, en interne dans l'association, nous sommes en train de nous réorganiser. Il faut arrêter la frénésie consommatrice et interpeller nos politiques sans pour autant être dans l'opposition frontale", conclut celui qui est à l'origine de la pétition.
"On ne peut pas comparer Nantes à d'autres communes..."
Sébastien Leray, directeur du département citoyenneté vie sociale de la ville, a lancé et piloté le réseau Nantes Entraide. "On ne peut pas comparer la situation nantaise à certaines communes ou des élus ont demandé de fabriquer bénévolement des masques pour la population. A Nantes, très tôt, la ville a fait le choix de faire une commande massive pour équiper les habitants. La distribution d'ailleurs est quasiment terminée", explique- t-il.Les coututières volontaires de Loire-Atlantique, c'était le plus gros réseau : "Elles étaient 200 en Loire-Atlantique et 60 à Nantes. Nous leur avons livré 1000 masques en kit, avec des matériaux prédécoupés pour qu'elles continuent leurs actions sans que cela pèse sur leurs deniers professionnels. Elles ont arreté la semaine dernière pour laisser la main ".
Pour les 250 blouses fabriquées, ce sont les ateliers municipaux qui ont fait la découpe et préparé les kits à monter. "Si on prend une association comme Bonnegarde, nous avons financé les matières premières. Pour "Femmes en fil" qui va fabriquer 15000 masques, une subvention de 28 000 euros dont 24 000 € pour les tissus a été votée. Certaines protections ont été distribuées avec les paniers alimentaires. Il ne s'agit pas de passer une commande publique mais de soutenir une action solidaire. Les personnes qui fabriquent remettent elles-mêmes les masques aux publics les plus précaires", précise Stéphane Leray.
"Cela pose la question du retour à l'activité économique..."
La question est de savoir comment ces professionnels retrouvent une activité économique : "Lorsque nous avons des demandes d'entreprises ou de grosses associtions, nous donnons les coordonnées des collectifs pour passer les commandes de masques. Il y a parfois du délai, trois à quatre semaines. Une forte pression qui devrait s'estomper au fil des jours.""Cela met en lumière des structures essentielles pour l'insertion sociale et le retour à l'emploi. Nous leur avons fourni les matériaux de base pour le faire. Toutes ces associations ont retrouvé une bouffée d'oxygène. Cela a donné du sens à cette période. A nous de capitaliser ensemble désormais".Si on avait pu trouver des fabricants locaux capables de fournir en grande quantité, bien sûr nous l'aurions fait-Sébastien Leray Directeur du département citoyenneté et vie sociale de la ville de Nantes