Coronavirus : à Nantes, les chauffeurs de bus acheminent chaque jour 200 salariés vers les établissements de santé

C'est un réseau solidaire qui s'est mis en place sur l'agglomération nantaise. La Semitan a mis gratuitement à disposition ses véhicules Proxitan, d'ordinaire réservés au transport des personnes handicapées, pour l'acheminement des personnels soignants vers les établissements de santé. 

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Lorsque l'idée d'un tel dispositif a germé, personne n'aurait cru qu'elle fonctionnerait aussi bien. Et pourtant, aujourd'hui ce sont près de 200 soignants qui, chaque jour, rejoignent l'hôpital grâce à 250 chauffeurs volontaires.

En pleine crise sanitaire, les transports en commun se sont adaptés. Fréquence réduites, horaires de jours fériés, le réseau est de moins en moins prisé par les usagers. Bus et tramways tournent presque à vide. Le trafic est au point mort.

D'ordinaire, les véhicules Proxitan servent à acheminer les personnes handicapées ou à mobilité réduite. Au total, une trentaine de bus sillonnent depuis le début de l'opération les 24 communes de l'agglomération. Le service est gratuit et fonctionne de 5h à 22h. 
 

"Un taxi individualisé"

"D'ordinaire, nous faisons 500 voyages par jour. Aujourd'hui, nos usagers étant confinés, il n'y en a plus qu'une quinzaine. Du coup, notre activité est presque à l'arrêt. c'est comme ça qu'est née l'idée de transporter les personnels soignants", explique Adrien Ferrand, responsable du service Proxitan.

Le dispositif a été lancé, le lundi 23 mars. La trentaine de mini-bus du parc a été affrétée aux transports des soignants. "Une sorte de taxi individualisé", précise Adrien Ferrand.

Tout le monde est essentiel, on achemine les agents de nettoyage, les cuisiniers, les chirurgiens, tous ceux qui, dans le milieu médical, oeuvrent au quotidien - Adrien Ferrand, responsable du service Proxitan

" L'opération a fonctionné très vite. On a lancé un appel à candidatures sur tous les dépôts de la Semitan. Les chauffeurs ont répondu massivement. Aujourd'hui, on est à plus de 250 agents volontaires. Certains n'ont pas hésité une seconde à sortir de leur zone de confort, dans un service qu'ils ne connaissent pas, avec des fonctionnements qu'ils ne connaissent pas", raconte Adrien Ferrand.

Là, on est au coeur même de la notion de service public, où les personnes, malgré le danger, partent coûte que coûte pour aider les personnes qui en ont besoin -  Adrien Ferrand, responsable Proxitan

"On a fait le choix de prendre les salariés directement à leur domicile. Normalement, le système fonctionne sur les arrêts de bus. Là on a décidé de pousser la chose et de le faire sur les pas de portes. Pour que les voyageurs n'aient pas à marcher", précise Adrien Ferrand.

"Par exemple, avec l'offre de bus qui a baissé, on a une personne qui devait attendre à Neustrie pendant une heure. Son trajet en fait durait 1h45 le matin et 1h45 le soir. Nous on l'a emmené en 15 minutes. Quand vous avez fait 12 heures de garde, c'est du sommeil d'économisé, de la fatigue en moins. Cela fait vraiment gagner du temps précieux et de la sérenité", explique Adrien Ferrand.

C'est aussi un moment de partage, un sas de décompression pour tous ces personnels. Un moment où ils peuvent parler de la pluie et du beau temps, des difficultés qu'ils rencontrent à l'hôpital. C'est un peu plus qu'un transport. C'est ce que disent tous les conducteurs - Adrien Ferrand, responsable Proxitan.
 

Tous les bus sont protégés et désinfectés

Tous les bus ont été minutieusement préparés. Des films plastiques ont été installés entre la cabine de pilotage et l'arrière du véhicule. Rien ne passe entre l'avant et l'arrière. Il n'y a pas de contact proche entre le conducteur et le passager.

"Tous les conducteurs sont équipés de gants en plastique, de lingettes, de gels hydroalcooliques. Les véhicules sont désinfectés après chaque service", précise Adrien Ferrand.

Dans ces périodes difficiles c'est vraiment beau de voir l'élan. Moi j'ai été trés surpris par ça. Les volontaires continuent à se manifester. C'est une chose qu'on oublira pas, la notion de service public prend tout son sens - Adrien Ferrand
 

Mario, héros du quotidien comme tant d'autres

Quand l'appel a été lancé, il a répondu tout de suite. Pour Mario Moreau, ancien ambulancier, se porter volontaire, c'était une évidence.

J'ai postulé immédiatement. Ce n'est pas forcément un besoin. Chaque personne doit apporter sa pierre à l'édifice, si on veut que notre société avance", explique-t-il.

Si on reste chacun dans son coin à se regarder le nombril, rien ne change -  Mario Moreau, chauffeur volontaire

"Dès le premier jour, nous étions 75 candidats. C'est agréable de constater qu'ils y a des gens responsables qui veulent faire avancer le système, dit le chauffeur, ce n'est pas en restant les deux pieds dans le même sabot que ça va bouger".
 

"La peur n'évite pas le danger"

Mario est habituellement au service des personnes handicapées. Plus jeune, il a aussi travaillé à l'hôpital alors lorsqu'il prend son service, il ne se pose pas de question. Et la santé il n'y pense pas vraiment. "

"La peur n'évite pas le danger. Je n'y vais pas du tout la boule au ventre. Je suis prudent, comme les autres. Se laver les mains, le gel hydroalcoolique, je pratique déjà ça au quotidien avec les personnes handicapées que je prends en charge. Et puis, à l'intérieur des véhicules, tout a été aménagé pour une sécurité maximale"
, raconte Mario.

La crise sanitaire, pour l'instant, n'empêche pas la bonne humeur. Mario Moreau, transporte chaque jour des personnes "gaies et joyeuses malgré les circonstances. Ils font tout pour tenir debout. Tout le monde y va de bon coeur, très conscient du danger. Bien sûr, il y a une certaine fatigue. Beaucoup me disent qu'ils en sont rendus à faire des journées de douze heures. Il y a eu des changements de fonctionnement dans les services pour éviter que trop de salariés entrent en contact quand il y a des relèves. Le rythme est très intense et le travail très lourd", témoigne le chauffeur admiratif.

Ce temps de transport est un peu devenu celui des confessions. "Ils me racontent tous la même chose, le manque de moyens, le manque de personnel. On en est là. Pour euxs rien n'a été fait ni anticiper pour répondre à telle crise", ajoute Mario.

Les échanges dans ces moments là font du bien, je me fais un devoir de leur souhaiter une bonne journée parce que je sais que pour eux ça va être difficile. Et eux, malgré la fatigue, n'oublient jamais de dire merci. On vit ensemble un instant important. J'espère qu'il sortira de tout ça beaucoup plus de solidarité et bien moins d'égocentrisme - Mario Moreau, chauffeur volontaire

Résolument optimiste, Mario pourrait presque conduire avec le coeur. Il est fidèle au poste depuis le début et espère être là jusqu'au bout. En espérant que cette pandémie qui nous frappe "soit un mal pour un bien".
 

"Un élan de solidarité s'est créé au sein de l'entreprise"

Vers, le Chu, vers les Ehpad, les établissements de santé, chaque jour les voyages sont plus nombreux.

"Ça a dépassé tous nos espoirs, avoir plus de 200 conducteurs, c'est tant mieux. Parce qu'en fait on a besoin de beaucoup d'agents, commente pour sa part Olivier Legrontec, directeur de la Société de transports en commun de l'agglomération nantaise, le volume de courses augmente. Il faut pouvoir tourner chaque jour, avec de nouveaux chauffeurs".

"Heureusement que l'on a tous ces volontaires. Et puis cela a créé dans l'entreprise un élan de solidarité. Les salariés sont heureux d'offrir ce service et de trouver un sens à cette mission collective. Cela donne une autre dimension à nos transports",
conclut Olivier Legrontec.

 
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