"Quand on nous dit qu'il y a 3 000 cas en France, vous pouvez très largement multiplier par 100", une médecin généraliste de Nantes pousse un coup de gueule face à la propagation du virus qui est, selon elle, minimisée.
Des cas de coronavirus, "j'en ai vu 5 ces deux derniers jours, donc on ne peut pas dire qu'il y a eu 7 cas en deux jours en Loire-Atlantique", s'emporte Carine Rolland, médecin généraliste à Nantes, commentant les chiffres fournis vendredi par l'ARS sur le nombre de nouveaux cas confirmés dans la région. D'où son coup de gueule sur les réseaux sociaux.
"Je me suis agacée via les réseaux sociaux parce que j'ai eu une jeune fille il y a 15 jours qui pour moi était un corona, donc je l'ai arrêté et je lui ai dit de rester tranquille chez elle", explique la médecin, le problème c'est que cette jeune fille vit en colocation, "deux semaines après, deux autres étaient malades et la grippe n'a pas deux semaines d'incubation donc c'est quasi une preuve que c'est un corona".
"On dépiste d'une façon totalement rationalisée", dit la médecin, "pendant longtemps, selon la définition des cas possibles, on ne pouvait dépister que les gens qui venaient de Chine, d'Italie ou de certains clusters en France". Pour elle, les cas venant d'ailleurs n'ont ainsi pas été dépistés.il y a certainement 1000 cas par jours en Loire atlantique ! ces 7 cas ne reflètent rien du tout. J'en ai vu 5 en 2 jours en tant que généraliste, le 15 ne les dépistent plus, annoncer 7 cas de plus n'a aucun sens https://t.co/YTfTKeIT4U
— Carine Rolland (@CarineRolland1) March 13, 2020
Potentiellement, c'est un rapport de 1 à 100 donc quand on nous dit qu'il y a 3 000 cas en France, vous pouvez très largement multiplier par 100 - Carine Rolland
Carine Rolland raconte qu'un médecin du Samu lui a expliqué que la jauge de 90 tests par jour aux CHU de Nantes et Angers est un maximum, "on ne peut pas au-delà, donc on est bien obligés de faire des tests qu'aux gens très fragiles".
"A un moment donné, ils (le Samu NDLR) bloquaient tellement les cas possibles (de coronavirus) qu'ils répondaient aux gens : ce n'est pas un corona, c'est une grippe. Au bout d'un moment ce n'était pas possible pour nous les généralistes. Comme on voit des coronas, il faut bien convaincre les gens qu'il faut qu'ils restent tranquilles chez eux pendant 14 jours. Si le Samu leur dit que c'est une grippe, ce n'est pas tenable. Donc ils ont changé de discours depuis 48 heures".
On est passé dans une phase d'accélération où le virus circule fortement - Carine Rolland
"Tous les scientifiques le disent, et le gouvernement le sait très bien, on est ce qu'on appelle en phase 3, c'est à dire avec un virus qui circule sur l'ensemble du territoire depuis au moins deux semaines", poursuit Carine Rolland, "le Samu dit partout, on ne peut pas vous dépister, allez chez votre médecin, donc les gens qui ont de la fièvre et qui toussent vont chez les généralistes et les généralistes ne sont pas équipés".
Lorsque ces patients arrivent au cabinet de Carine Rolland, elle leur demande de rester chez eux, les arrête 14 jours, leur fournit 2 masques et leur fait "une ordonnance de 2 masques par jour pendant 2 semaines""en leur précisant que de toutes façons dans l'immédiat ils ne pourront pas en avoir parce qu'il n'y en a pas dans les pharmacies".
"Je trouve ça aberrant qu'on n'ait pas de matériel", déplore la médecin nantaise, "aujourd'hui on n'est pas prêt, vous avez vu la crise qu'il y a à l'hôpital public depuis un an !".
A l'instar de l'Italie et l'Espagne, Carine Rolland estime qu'en France on devrait être confiné "depuis au moins une semaine, on ne l'est pas, donc le virus circule", "à un moment, il va falloir arrêter de vouloir protéger l'économie, qu'on arrête de vouloir éviter que les gens paniquent".
"Personne ne sait ce qu'est ce virus vraiment, combien de temps ça va durer, quel impact il va avoir. On n'en sait rien mais c'est un virus grave", s'alarme-t-elle.
Ce samedi 14 mars, l'ARS a annoncé de nouveaux chiffres de cas positifs détectés en Pays de la Loire. La région est passée de 56 cas à 82 cas, une augmentation de 46% des nouveaux cas positifs détectés.