Parce que la vaccination est un acte médical, il convient que toute personne, dépendante ou âgée, soit informée des avantages comme des inconvénients de la vaccination pour elle même et pour les autres au cours d'un entretien avec son médecin. Et qu'elle prenne sa décision ensuite.
"La vaccination contre la covid-19 n'est pas défférente de celle de la grippe saisonnière ou du tétanos" affirme Luc Carlier, président du Conseil régional de l'ordre des médecins des Pays de la Loire, "ce qui change c'est son caractère nouveau".
La décision de se faire vacciner contre la covid-19 doit être prise par la personne au cours du "colloque singulier" entre le patient et son médecin. Un moment durant lequel patient et soignant échangent sur les avantages et les inconvénients de la vaccination. Vaccination pour le patient lui-même et pour les autres. Pour les personnes "désorientées", la famille ou une personne de confiance sera associée.
Et vous docteur ?
Luc Carlier, rappelle le rôle essentiel de conseil du médecin : "les patients s’adressent aujourd'hui à leur médecin traitant en qui ils ont confiance, après avoir perdu confiance dans des discours officiels souvent contradictoires.
"Les personnes âgées pour se décider posent souvent cette question : Et vous docteur ? Le point de vue évolue, les résidents finissent toujours par nous demander et vous docteur qu’est ce que vous feriez pour vous ? Il y a toujours un moment ou cette question se pose. Qu’est ce que vous feriez pour votre famille ? Et c’est là que tout le lien de confiance entre le patient et son médecin va jouer, parce que son médecin a toujours été honnête, lui a dit ce qu’il savait".
Miguel Jean est directeur de l'Espace de réflexion éthique des Pays de la Loire, il précise que "le rapport avec des informations de proximité est primordial, la confiance est fondée sur notre capacité à dire nos doutes. On ne nous reprochera jamais de dire, là je ne sais pas, ou, ça dans l’état actuel de la science, on ne sait pas répondre. Il y a une forme de loyauté à avoir avec les patients".
"Nous voyons souvent nos patients pour leurs pathologies, ça fait trois mois qu’on parle de vaccination, et qu’ils nous disent, et vous docteur qu’est ce que vous pensez de la vaccination ? Ils ont déjà eu tout le temps de réfléchir aux avantages et aux inconvénients et à se préparer à prendre une décision". Et Luc Carlier de rappeler : "Avant que la vaccination ne soit effective, les personnes âgées avaient l’impression de se sentir sacrifiées à titre de population d’essai par les autorités".
La partie médicale de l’information relative à la vaccination est la même que pour tout acte médical. Ce qui complique un peu la vie des médecins, c’est toute la partie administrative, car il leur faut ensuite, sur leur ordinateur, enregistrer les consentements des patients. Une partie du processus qu'il faudrait, du point de vue des médecins, absolument simplifier. Une partie administrative qui sera pourtant extrêmement importante dans le suivi de la vaccination.
Pourquoi se faire vacciner ?
Pour Luc Carlier, la vaccination et le respect de la vie sont une évidence : "la vaccination dans les Ehpad n’a pour but que de sauver des vies, d’empêcher des patients de mourir alors que ce n’est pas encore leur heure. À ce titre, quel que soit le nombre des vaccinés, on sauvera des vies, et puis quoi qu’on en dise, plus il y aura de gens vaccinés plus le virus aura du mal à sauter de l’un à l’autre. Toutes les épidémies montrent que dès que les patients ont été vaccinés, elles finissent par diminuer, ou par s’éteindre".
Pierre-Marie Pabot du Châtelard, représentant des usagers de la santé, souligne l'importance personnelle et sociale de la vaccination "il y a un bénéfice individuel, mais il y a le bénéfice collectif, et on n'insiste pas assez la dessus. L’immunité collective qui a été tentée par des pays, en laissant le virus circuler librement, a été un échec cuisant, avec une augmentation des décès tout à fait intolérable. La seule chose que l’on puisse faire c’est de vacciner les gens. C’est important sur le plan individuel, sur le plan de la personne, de respecter la liberté, et il ne faut pas rejeter les gens qui refusent, mais dans le refus il y a une part de responsabilité vis à vis de la collectivité".
Miguel Jean : "Il y a dans la vaccination contre la covid-19 une dimension collective, c’est difficile de se repérer dans cette masse d’informations, qui arrivent dans les Ehpad, chez les résidents ou leurs familles. C’est le rôle des soignants de décrypter au bénéfice des patients".
Le consentement des personnes désorientées
Il y aussi parmi les aspects particuliers de cette vaccination contre la covid-19, la question du consentement des personnes "désorientées", des personnes résidant en Ehpad mais aussi en établissement de santé. Le rôle de la famille est primordial pour Luc Carlier. "La plupart des personnes désorientées ont une personne de confiance, ont une famille qui s’occupe d’elles, les personnes sont en général capables d’élaborer une décision qui leur convient, il faut que l’information atteigne les proches qui sont avec elle.
"Comme pour toute décision médicale c’est au sein de "colloque singulier" entre le patient et son médecin et la famille proche que la décision doit pouvoir se prendre".
Pour Miguel Jean, le respect dû aux personnes reste central : "Il n’y a rien de différent quant à l’information qu’on doit au résident, à la résidente, même avec des troubles cognitifs. Il ne faut pas disqualifier la personne parce qu’elle a des troubles cognitifs. Il faut qu'elle bénéficie de la même information que si elle était en mesure de donner son consentement de façon simple. Même si une personne ne parle pas, il faut tout mettre en œuvre pour que la personne soit considérée comme un sujet, pas comme un objet de soins. Ce qui vaut pour tous les soins du quotidien d'ailleurs, y compris la toilette qui reste un soin !"
Peut-on changer d'avis ?
Pour Luc Carlier, la meilleure stratégie est celle de la sincérité, "il est important de dire nos doutes, il est important de dire qu’on surveille, qu’on ne sait pas encore tout sur ce vaccin. On a toutes les raisons de penser qu’il sera majoritairement inoffensif, et qu’on a mis en place toutes les procédures de surveillance. Et que, s’il y a quoi que ce soit qui apparaît, on le dira. Le discours de sincérité est extrêmement important dans la prise de décision".
Et Miguel Jean d'ajouter, "les gens peuvent changer d’avis, on parle du consentement libre et éclairé, on peut aussi parler du refus libre et éclairé, on peut juger, décider en conscience, que ce que nous propose la médecine, ne nous convient pas".
"Nous comprenons parfaitement que le patient peut refuser au moment de la vaccination et la souhaiter 8 jours plus tard", complète Luc Carlier.
Y a t-il un risque d'influence en Epahd ?
La question se pose, les personnels des Ehpad qui ont nécessairement une influence de part leur proximité quotidienne avec les personnes âgées peuvent ils influencer les résidents ?
"Pas plus que leurs familles", répond Miguel Jean, "il y a des positions radicales partout, des pro et des anti vaccin, et je pense que les influences que peuvent subir les personnes âgées, peuvent arriver plus du côté des familles que des professionnels".
Consentement et traçabilité
Luc Carlier précise que "le recueil du consentement est oral, il n’y pas lieu de demander confirmation écrite au patient, le traçage est forcément écrit puisque informatisé. Le traçage revient au médecin qui a recueilli le consentement".
Pour Miguel Jean, il faut laisser aux patients le temps de la décision. "La notion de la temporalité, entre réception de l’information et temps du consentement, le temps du patient n’est jamais le temps du docteur ! Il faut discuter avec la famille, la vaccination est urgente, mais pas au point de se dispenser du temps qu’on peut laisser à la réflexion".
Luc Carlier ajoute que "la consultation vaccinale va rester obligatoire pour un temps dans les Epahd et pour un certain nombre de patients plus fragiles, mais va probablement disparaitre auprès de l’ensemble de la population quand la vaccination va être élargie à tous".
Et quid de la protection des données ? Pour Pierre-Marie Pabot du Châtelard, représentant des usagers, "il y a un droit d’opposition à la vaccination, mais il n’y a pas de droit d’effacement, une fois qu’il y a un enregistrement dans le système, il n’y a plus de possibilité d’effacement, pour assurer le suivi".