La vasectomie, longtemps entourée de préjugés, se profile désormais comme une option de contraception pleinement acceptée par de nombreux hommes. Bien qu'elle suscite encore des interrogations sur la virilité, des hommes partagent leur expérience positive de cette méthode contraceptive en pleine évolution.
Jean-François Marquet, réalisateur de "Vasectomie, ça va faire mâle" a choisi de se faire pratiquer une vasectomie il y a 10 ans. Il a raconté ses motivations, son parcours, de la décision à l’opération et la vie après, dans "Ma Vasectomie", un documentaire radio pour France Culture, resté une référence pour tous ceux (et toutes celles) qui souhaitent s’informer sur le sujet.
Pourquoi faire ce film aujourd’hui ? Parce qu’après de longues années qui ont vu le nombre de vasectomies plafonner, ce mode de contraception s’installe lentement, mais sûrement. De plus en plus d’hommes décident de prendre à leur charge la contraception dans le couple : quand la contraception féminine est mal supportée, la vasectomie apparaît de plus en plus comme une alternative.
Le frémissement est récent, et fait suite à des décennies d’immobilisme. Le documentaire s’ouvre par une archive télévisée de 1973. Ce jour-là, l’invité sur le plateau de "Aujourd’hui Madame" est le Professeur Albert Netter, gynécologue et créateur de la première banque de sperme en France. Le pays a légalisé la contraception six ans auparavant seulement, et la loi Veil ne sera votée que l’année suivante. Albert Netter fait un constat qui semble toujours d’actualité aujourd’hui : "Je pense que la contraception est une affaire d’homme à 50%. Mais tout ce qui touche aux organes génitaux de l’homme, c’est sacré ! La femme, on peut y toucher, mais l’homme, oh la la !"
Façon de dire qu'en matière de contraception, la vasectomie touche à autre chose qu’aux canaux déférents des hommes : jusqu’à sa légalisation en 2001, cet acte était assimilé à une mutilation, donc à des coups et blessures volontaires selon le Code Pénal.
Personnage principal du film de Jean-François Marquet, Nicolas a 36 ans. Après avoir eu deux enfants, il a opté pour la vasectomie. "Mon chemin a un côté militant" reconnaît Nicolas. "On voit toujours à l’école primaire, les garçons jouent au foot et filles jouent à la corde à sauter. Ce sont des stéréotypes qu’il faut combattre si on veut parvenir à l’égalité entre femmes et hommes. De la même façon, la vasectomie devrait être considérée comme un moyen contraceptif à égalité avec le stérilet, la pilule, ou le préservatif".
Nantes, pionnière pour la vasectomie
Le documentaire se déroule à Nantes, et c’est tout sauf un hasard. Depuis 1975, des médecins s’y étaient formés et pratiquaient des vasectomies clandestinement. Présent lors de la projection en avant-première de "Vasectomie, ça va faire mâle", le Docteur Jean Launay se souvient que faute de tarification, puisque illégal, l’acte était facturé au coût d’une IVG.
Pour les vasectomisés de 2022 que sont Nicolas, mais aussi Benjamin, Guillaume et d’autres qui ont accepté de témoigner dans le documentaire, la vasectomie est remboursée par la Sécurité Sociale. Ils auraient pu devoir faire face à des dépassements d’honoraires en allant consulter un urologue dans une clinique privée, mais eux ont fait le choix de s’adresser au Centre Simone-Veil du CHU de Nantes. Ils n’auront donc rien à … débourser.
Les docteurs Tiphaine Bazin et Eva Boulle y exercent depuis plusieurs années. Formées par leurs prédécesseurs, elles pratiquent elles-mêmes les interventions. Les patients, avant de les rencontrer pour un premier entretien, sont reçus par Brigitte Legrais-Lechat, conseillère conjugale et familiale. L’entretien vise à cerner les raisons pour lesquelles la vasectomie, méthode de contraception définitive, est envisagée, à en verbaliser les motifs.
Les médecins peuvent ensuite expliquer concrètement l’intervention et ses suites. Après ce premier rendez-vous, un délai incompressible de quatre mois est requis, le temps de mûrir la décision.
Lors de sa consultation filmée par Jean-François Marquet, la docteure Eva Boulle indique à Nicolas qu’elle pratiquera une incision sur le côté de chaque testicule pour prendre une portion du canal déférent. Cette action mécanique bloque le transport des spermatozoïdes.
Elle prend soin d’insister : "On ne touche pas aux testicules, l’acte n’a pas d’incidence sur les caractères sexuels secondaires comme la libido". C’est sans doute ce point, mélange de crainte d’atteinte à la virilité et de peur de perdre le désir sexuel qui constitue le frein le plus important à la banalisation de la vasectomie. Un a priori véhiculé tant par les hommes que par les femmes.
"Il y a des femmes qui me disent non, ce n’est pas possible, mon homme garde ses spermatozoïdes" sourit la docteure Tiphaine Bazin. "Il y a des femmes pour qui c’est un tout, qui n’arrivent pas à dissocier la sexualité, la relation homme-femme, la fertilité. Pourtant, dans les pays anglo-saxons, les hommes savent être des hommes tout en étant vasectomisés !"
De fait, aux États-Unis, la vasectomie est le moyen de contraception d’un couple sur six. En France, 1% des hommes seulement y ont eu recours. Mais la société change : au Centre Simone-Veil de Nantes, la liste d’attente est aujourd’hui de 60 patients. Des confrères vont venir prêter main-forte aux docteures Boulle et Bazin.
Quant à Nicolas, que le documentaire suit de rendez-vous en rendez-vous jusqu’au jour J, comment s’est passée sa vasectomie ? Pas question de dévoiler quoi que ce soit ici, sachez simplement qu’à la fin du film, vous partagerez avec lui en temps réel ce moment crucial ! Et que l’histoire se termine bien puisqu’il a repris sans problème le foot qu’il pratique, tout comme le vélo.
Avec humour, sans négliger le caractère informatif de son travail, Jean-François Marquet nous montre enfin, à travers le parcours de ces hommes d’aujourd’hui, que la vasectomie, qu’elle obéisse à des motivations militantes, ou simplement à une prise de conscience, est aussi… un acte d’amour.
"Vasectomie, ça va faire mâle" un documentaire de Jean-François Marquet (52 minutes), une coproduction France 3 Pays de la Loire – Les Nouveaux Jours.
À voir jeudi 21 septembre à 22h45 etvendredi 22 septembre à 9h10 sur France 3 Pays de la Loire.
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