INSOLITE. Le futur CHU de Nantes, le chantier aux 15 grues

Le futur CHU de Nantes est un chantier que l'on voit de loin. Pas forcément du fait qu'il s'étale sur 10 hectares, mais parce qu'il est hérissé de grues. 15 grues au total dont le ballet est minutieusement réglé et surveillé pour être sécurisé. On vous explique pourquoi et comment.

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Quand on traverse cette zone, proche de l'extrémité ouest de l'île de Nantes, on a un peu l'impression d'être un lilliputien perdu chez des géants de métal.

Le chantier du futur CHU s'étale sur un peu plus de 10 hectares, sur ce qui était le site de l'ancien marché d'intérêt national qui a migré au sud de la Loire, à Rezé.

Emprunter le boulevard Gisèle Halimi sans lever les yeux vers le ciel est quasi impossible tant ces cyclopes d'acier attirent le regard. 15 grues, dont la plus haute culmine à plus de 80 mètres, témoignent du gigantisme des travaux en cours.

Des grues "empilées"

"Ce n'est pas un chantier courant !", reconnaît Fabien Froment, directeur de projet pour Vinci Construction qui a planté ici 7 des 15 grues en activité.

"Il faut une coordination, il y a des règles de montage, de sécurité, de distances entre chaque grue" nous confirme Fabien Froment.

On pourrait dire que les grues sont "empilées" les unes sur les autres. La plus basse fait une quarantaine de mètres de haut et la plus imposante domine le chantier du haut de ses 85 mètres. C'est elle qui déplace les charges destinées à la construction des futurs blocs opératoires.

Des systèmes de sécurité

"Tout ça est piloté par un système commun à toutes les grues, explique Fabien Froment. Les grues communiquent entre elles et il y a des systèmes de détection (comme les radars anti-collision des voitures). À partir du moment où vous avez deux grues sur un chantier, c’est obligatoire. Avec 15 grues, c’est encore plus compliqué."

Il faut que toutes les grues soient en activité ensemble, car si l'une stoppe, elle crée automatiquement une zone de sécurité autour d'elle qui interdit à une autre grue d'y pénétrer. Pour cela, des réunions ont eu lieu en amont du chantier entre toutes les entreprises intervenantes afin d'organiser le planning de travail.

Les grutiers disposent aussi de moyens radios pour communiquer entre eux et avec les équipes au sol. On peut aussi communiquer par geste. Par exemple, lorsqu'un chef d'équipe tape sur son casque avec sa main, c'est pour demander de descendre le crochet. Des caméras et des ordinateurs permettent également au grutier de savoir à quelle hauteur se trouvent le crochet et sa charge. Le poids de cette charge est aussi une composante de la sécurité des manœuvres.

"Il y a un système de sécurité pour empêcher une charge trop lourde" précise le directeur de projet de Vinci Construction.

"Ça devient difficile à partir de 50 km/h de vent"

Bien sûr, la météo est surveillée en permanence. Les grues sont équipées d'anémomètres pour mesurer la vitesse du vent. Plus la grue est haute, plus elle est sensible aux fortes rafales.

"Les grues peuvent supporter des vents de plus de 200 Km/h, ajoute Fabien Froment. Les plus élevés constatés sur le chantier du CHU de Nantes ont été de 139 km/h (un week-end où le chantier était à l'arrêt). Ça devient difficile à partir de 50 km/h. À 72 km/h, les grues s'arrêtent. On a une alerte météo qui nous prévient quand il y a des risques de rafales qui vont durer."

En cas d'orage, la grue est reliée à la terre par un système de paratonnerre. Mais le grutier est censé avoir déjà quitté sa cabine. Celle-ci fait néanmoins cage de Faraday et le protège.

Lorsqu'elle est à l'arrêt, un système de girouette fait mettre la grue dans le sens du vent.

Enfin, les grues font l'objet d'un contrôle technique régulier, tous les trois mois, nous indique Fabien Froment pour Vinci Construction. Pour les grues fixes, la réglementation exige un contrôle annuel lorsque la grue est montée et un contrôle lors de chaque installation. 

"On n’a pas le droit de faire de l’à-peu-près dans ce métier"

Yannick est grutier chez ETPO, l'une des entreprises qui interviennent sur le chantier du futur CHU. Mais lui, son lieu d'affectation en ce moment, c'est la construction de plusieurs collectifs du côté du Pont du Cens, au nord de Nantes. Un métier qu'il n'imaginait pas faire, mais qu'il a appris à aimer.

Yannick Lhuillier a débuté dans le secteur des ascenseurs puis a été maçon avant de devoir se reconvertir après un grave accident de moto. La société d'intérim pour laquelle il travaillait lui a financé le CACES (Certificat d'Aptitude à la Conduite en Sécurité) de grutier. Un métier qu'il pratique maintenant depuis près de 30 ans.

Mais une fois le diplôme en poche, il faut acquérir l'expérience nécessaire. Pas simple.

"Ce n’est pas facile pour ceux qui débutent, dit-il, on n’a pas le droit de faire de l’à-peu-près dans ce métier."

Yannick a commencé par faire des petits remplacements sur des chantiers sur lesquels il travaillait comme maçon. Il prenait la place du grutier pendant sa pause. Et il a ainsi commencé à engranger de l'expérience. 

"Plus on approche, plus c'est tendu"

"J’ai trois principes, dit-il. Le premier, c'est pas d’accident. Le deuxième, c’est pas d’accident. Et le  troisième, c’est pas d’accident. On déplace des charges de 2, 3 ou 5 tonnes. On arrive à 20 cm de la tête des gars au sol. Plus on avance, plus on approche, plus ils vous font confiance et plus c’est tendu."

La vie dans sa cabine, à 60 mètres de hauteur, lui plait bien. Même quand il y fait très chaud. Il y a la climatisation, mais Yannick n'aime pas ça. Il trouve que c'est de la pollution. Alors, il ouvre les fenêtres et travaille en caleçon !

Quand il monte dans sa grue à tour (par opposition aux grues mobiles), c'est pour plusieurs heures. Et là, il faut bien parler de la question que tout le monde se pose : comment fait-on pour les besoins naturels ? Les grutiers sont donc équipés de couches, de poches et de lingettes. Un équipement pas très glamour qui rebute Yannick. "C'est indigne, dit-il. Moi, j’ai une bouteille en plastique, je pisse dedans. Le soir, je la descends, je la rince et je la remonte le matin. Je me sers de la même pendant tout le chantier. Les couches, c’est pas réutilisable, c’est de la pollution !"

Ce qui l'agace aussi, c'est la façon dont certains collègues lui parlent à la radio.

"Je me bats, dit-il, pour qu’il y ait un permis de parler dans le talky. Certains parlent à la grue, on dirait que, comme ils reçoivent des ordres toute la journée, le seul moment où eux, ils peuvent donner un ordre, c’est à la grue ! C’est mieux quand il y a un 's’il vous plait' ou un 'merci' !"

Une vue impressionnante

Grutier n'est pas un métier de solitaire contrairement à ce qu'on pourrait croire. "On a affaire à tout le monde sur le chantier" précise Yannick qui aime justement cette richesse. Et quand on l'interroge sur ce qu'il voit, perché dans sa cabine, il reconnait que c'est quand même un sacré point de vue ! Yannick a même gagné un concours photo organisé en interne par ETPO.

C'était un jour où il y avait du brouillard. Il était sur le chantier de l'extension du centre commercial Carrefour Beaulieu à Nantes.

"Un matin, raconte Yannick, il y avait tellement de brouillard qu'au sol, ils ne me voyaient pas dans ma cabine. Moi, j’étais au-dessus du brouillard et j’ai vu le soleil se lever. Une boule orange."

Un métier qui recrute

Du boulot, il y en a pour les grutiers. La crise dans le bâtiment s'annonce, mais Yannick ne l'a pas encore ressenti.

Ce qu'on confirme chez AFTRAL, un centre de formation spécialisé dans le transport et la logistique. 

"On a toujours de la demande, note Fabrice Grondin, le directeur du centre. On sent même un léger frémissement de la part des agences d'intérim."

La formation dure trois semaines, soit 105 heures. L'idéal est d'avoir déjà une expérience des chantiers.

C'est un métier encore très masculin. Sur les 14 grutiers employés par Vinci Construction sur le chantier du futur CHU de Nantes (2 par grue), il y a seulement deux femmes.

Les dernières grues quitteront le chantier en 2024.

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