Matéo revient tout juste d'un voyage de trois mois en Europe. Sac sur les épaules et pouce en l'air, le Rezéen a parcouru onze pays en auto-stop. Une façon de remettre au goût du jour cette pratique, très à la mode dans les années 1970.
Mercredi 4 septembre, ça y est. Le voilà, droit comme un piquet, au bord du périphérique de Nantes.
Carton dans une main, tandis que l'autre soutient son pouce levé, il espère qu'une voiture va rapidement s'arrêter. À peine prononcé, le souhait est exaucé.
Il n'a pas fallu plus de vingt minutes pour qu'un automobiliste accepte de partager un bout de route à ses côtés. Le Rezéen s'installe. "C'est parti", pense-t-il, le sourire greffé au visage.
Cette date-là, Matéo l'avait coché dans son calendrier depuis un moment. Cette date-là, il se l'était répétée à maintes et maintes reprises. Parce que, cette date-là, c'est celle de son départ pour un tour d'Europe en autostop, l'expérience de sa vie.
"C'était incroyable", assure désormais le jeune homme de 23 ans, récemment revenu de son périple. À son compteur : trois mois de voyage, 11 pays, 96 voitures, plus de 4 000 kilomètres et tout un tas de souvenirs.
Ne pas céder à la panique
Partir en autostop, pour Matéo, ça allait de soi : ça permet de rencontrer du monde et, en plus, ça réduit les coûts du voyage. "Je n'ai pas eu à dépenser d'argent dans les transports, sauf pour le retour que j'ai fait en avion", précise-t-il.
En tout, son aventure lui a coûté moins de 3 000 euros. Une somme qu'il rembourse en travaillant, à présent, en tant qu'intérimaire.
Mais, même si ça sonnait comme une évidence de faire un tour d'Europe le pouce en l'air, le Rezéen n'est pas pour autant un grand habitué de l'autostop sur longues distances. "Les seules fois où j'en ai fait, c'est lorsque j'étais adolescent et que je ratais mes bus", raconte-t-il, notamment.
Alors, avant de partir, il admet avoir ressenti une légère inquiétude. Rien de bien méchant. Matéo est d'un naturel calme : "Tout au long du voyage, je n'ai pas eu de peur particulière, tout était une question d'adaptation."
En creusant un peu, le baroudeur reconnaît tout de même un moment de frayeur. C'était un jour de rando, en plein milieu du Monténégro. Matéo était en haut d'une montagne, en train de traverser un paysage tout blanc, guidé par le GPS de son téléphone portable.
J'ai eu un petit moment de frayeur. Mais je me suis dit : "t'es tout seul, tu dois te débrouiller."
Matéo Gallais
Seulement, d'un coup, écran noir. "J'avais plus de batterie et je n'arrivais pas à recharger mon téléphone. Je n'avais plus rien pour me repérer et dans, deux heures, la nuit allait tomber", se souvient-il.
Un peu troublé, Matéo raconte toutefois ne pas avoir cédé à la panique : "ç'aurait été contre-productif. Je ne pouvais compter que sur moi-même, alors je me suis concentré et j’ai suivi le balisage à la lettre."
Des épisodes comme celui-ci, il se dit chanceux de ne pas en avoir connu d'autre. "Je n'ai pas eu de grosses galères. Tout a toujours été très fluide, pour trouver des voitures comme des endroits où dormir", détaille le jeune homme qui passait ses nuits tantôt sous sa tente, tantôt en auberge de jeunesse et, régulièrement, chez l'habitant.
Quelques mois de préparation
Avant se lancer seul à la conquête de l'Europe, Matéo s'est finement préparé. Et cela dès le printemps, lorsque l'idée du projet a commencé à germer dans son esprit.
"J'adore voyager, mais je n'avais jamais fait un truc aussi grand", confie le jeune homme. Alors, il a épluché une multitude de sites web et contacté plusieurs aventuriers davantage qualifiés, en quête de conseils.
Et parmi les recommandations qu'on lui a données, une d'entre elles revenait souvent : voyager léger. Matéo a tenté de la suivre au maximum en emportant avec lui le moins d'éléments possibles : "j'avais ma tente, mon matelas, un duvet… Et, pour m'habiller, j'avais pris le minimum, c'est-à-dire quatre ou cinq tee-shirts, deux pantalons, un short et une paire de chaussures". Au total, il a porté douze kilos sur ses épaules.
Mais, une fois sur place, son périple s'est organisé au gré des rencontres. "Voyager en autostop m'a permis de découvrir des endroits dans lesquels je n'aurais jamais imaginé finir", assure-t-il. Ainsi, dès sa première voiture, il a été conduit vers de nouveaux univers.
"La première personne qui m'a pris en voiture m'a ensuite convié à loger chez elle ensuite… J'ai été directement dans le bain et c'était super." Puis, il raconte que partir sur le pouce l'a amené à vaincre certaines de ses craintes comme celle de parler anglais.
"J'ai été obligé d'aller vers les gens, malgré la barrière de la langue. Et ça, avant, je ne m'en sentais pas forcément capable. Donc, oui, l'autostop m'a permis de sortir de ma zone de confort", fixe-t-il.
Une pratique parfois rebutante
Cependant, cette pratique de l'autostop, Matéo reconnaît qu'elle lui a sûrement semblé moins effrayante en tant qu'homme. "Une fille, toute seule, je ne sais pas si c'est très rassurant...", s'interroge-t-il.
Philippe Gloaguen, co-fondateur du guide du Routard, est pour sa part plus radical : "je ne conseille vraiment pas à une femme de faire du stop en solitaire. On ne sait pas sur qui elle peut tomber". Pourtant, l'homme de 73 ans est lui-même un ancien adepte de l'autostop.
Il raconte avoir, lui aussi, traversé quelques pays d'Europe le pouce en l'air. Cela durant les premières années d'existences de son célèbre guide. "À l’époque, on n’avait pas l'argent pour pouvoir prendre les transports", souligne-t-il. C'était dans les années 1970, l'âge d'or de l'autostop en France.
Pour avoir des chances d'être pris en stop, il faut porter une tenu visible
Philippe GloaguenCo-fondateur du guide du Routard
"C'était la période hippie, les gens voulaient voir du pays et se faisaient confiance", détaille Philippe Gloaguen. Ainsi, à ce moment-là, chaque Routard était garni d'une page dédiée à l'autostop.
Elle a disparu, depuis le déclin de cette pratique dans l'Hexagone. "Petit à petit, il y a eu de plus en plus de faits divers avec des autos-stoppeurs. Soit, ils agressaient, soit ils se faisaient agresser. Donc tout le monde a commencé à prendre peur", relève le propriétaire de la marque "Routard".
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Il estime également que l'apparition des plateformes de covoiturages et des transports à bas coût participent à la tombée en désuétude de l'autostop. "Mais, il y a encore des pays où c'est très courant, comme en Irlande, par exemple", note-t-il, en relativisant.
Qui sait, peut-être qu'à l'heure où le vintage est la mode, l'autostop peut retrouver de sa superbe…
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