"La machine la plus puissante de l'entre-deux-guerres". Une expo sur les paquebots vus par les peintres et les photographes

Le Musée d'arts de Nantes accueille pour quatre mois une exposition consacrée à l'univers des paquebots. Des géants, merveilles de technologie et de luxe qui ont inspiré de nombreux artistes, fascinés par l'esthétisme et les dimensions des transatlantiques.

Le paquebot, objet de fascination dans l'entre-deux-guerres pour ceux qui avaient la chance et les moyens de voyager, mais aussi, plus encore peut-être, pour ceux, tous les autres, qui, justement, ne monteraient jamais à bord. Objet d'expression et de création aussi pour les artistes, qu'ils soient peintres ou photographes.

C'est cette fascination à l'expression artistique polymorphe qui est le thème de la nouvelle exposition visible du 25 octobre 2024 au 23 février 2025, au Musée d'arts de Nantes : "Paquebots, une esthétique transatlantique".

Un objet d'inspiration et de fantasmes pour les avant-gardistes

"C'est la machine la plus puissante de l'entre-deux-guerres. C'est ça qui va fasciner les artistes. Il va devenir un objet d'inspiration et de fantasmes pour les avant-gardistes", déclare Adeline Collange-Perugi, commissaire scientifique de cette exposition.

Et de citer l'affichiste Cassandre (pseudonyme du graphiste Adolphe Édouard Jean-Marie Mouron, auteur aussi d'affiches sur les chemins de fer), les photographes René Zuber (auteur de photographies publicitaires, mais aussi de reportages) et Roger Schall (dont les clichés ont été publiés dans des magazines prestigieux comme Vogue ou Life), le peintre Fernand Léger dont le cubisme trouvera une belle matière dans l'univers mécanique des transatlantiques.

Plusieurs courants artistiques

Des grandes signatures présentes sur cette exposition, ce qui montre bien, pour Adeline Collange-Perugi, que l'univers des paquebots a inspiré plusieurs courants artistiques.

"On a un côté tubiste chez Fernand Léger, énumère-t-elle, le courant américain du précisionnisme avec Sheeler et Demuth. On a aussi un esthétisme parfois cubiste ou futuriste avec Del Marle. Ça va inspirer beaucoup d'avant-gardes très différentes."

Des peintres qui, pour certains, vont prendre pour modèle des photographies et, pour d'autres, poser leur chevalet dans les chantiers où sont construits ces géants des mers.

"Le paquebot, c'est le seul lien, pendant l'entre-deux-guerres, entre la vieille Europe et le nouveau continent américain. Tout le monde entend parler des paquebots, rappelle la conservatrice. Cette fascination d'un imaginaire collectif va se doubler de cette forme extraordinaire et aérodynamique, comme celle de la proue du Normandie qui est un chef-d'œuvre d'ingénierie. Au-delà de cet imaginaire du voyage, on a l'imaginaire de la forme qui va fasciner les artistes."

"Des formes incroyables"

"Les artistes le voient comme une sculpture, confirme Sophie Lévy, directrice conservatrice du Musée d’arts de Nantes. Vous avez des couleurs primaires, bleu, rouge, blanc, noir. Des formes incroyables, l'immensité, et vous avez cette obsession du fonctionnalisme, de la technologie qui habite des artistes comme Fernand Léger, comme Mondrian (Pieter Cornelis Mondriaan, artiste néerlandais), comme beaucoup d'artistes d'avant-garde."

Ce sujet d'inspiration se justifiait aussi, selon Sophie Lévy, par le luxe, l'esthétisme présents à bord, mobilisés pour rassurer le voyageur, lui faire oublier qu'il était peut-être en danger sur ces bateaux, en plein océan.

"On ne voyait même pas la mer de l'intérieur, rappelle Sophie Lévy. Vous vivez comme dans un palace. Parfois le palace bouge et on a mal au cœur. Mais à part ça, on s'habillait comme en ville, on mettait des robes du soir pour aller dîner, on s'amusait comme dans un palace et on oubliait la traversée qui semblait longue et ennuyeuse."

L'invité d'honneur de cette exposition est le paquebot Normandie dont on évoque différentes époques de la vie, depuis sa construction à Saint-Nazaire, jusqu'à sa fin tragique, en 1942, victime d'un incendie dans le port de New-York. Il avait alors été saisi par les autorités américaines et rebaptisé USS Lafayette pour être transformé en transporteur de troupes.

"On a choisi les plus belles photos qui rendaient compte de ce moment tragique, veut souligner la directrice du musée. On reste, dans l'exposition, axé sur l'art. Même cette tragédie a une forme de beauté. Beauté de la fin."

"Paquebots, une esthétique transatlantique", du 25 octobre 2024 au 23 février 2025, au Musée d'Arts de Nantes.

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