À Nantes, le Clubhouse accueille depuis deux ans les personnes en situation de handicap psychique. Situé en centre-ville, ce lieu associatif d'entraide et d'activité, loin du milieu médical, n'accueille pas de "patients", mais des "membres".
Déjà mise à mal pendant l’épidémie de Covid-19 et les confinements successifs, la santé mentale des Français n'est pas au beau fixe. Aujourd'hui, un Français sur cinq serait touché par un trouble psychique chaque année. Ces pathologies s'accompagnent souvent d'un isolement progressif, d'un décrochage professionnel et donc social.
C'est justement pour accompagner ces personnes fragilisées par la maladie que le Clubhouse est né. Loin du milieu médical, ce lieu de vie et d'entraide propose des suivis individualisés et des activités de groupe pour permettre de se réinsérer, à son rythme, dans la société.
L'autogestion, une clé pour l'estime de soi
À Nantes, tout près de Talensac, des personnes se retrouvent quatre jours par semaine pour mener des activités ensemble.
La matinée commence toujours par la répartition des tâches. Car ce sont les membres du Clubhouse, encadrés par trois salariés, qui organisent leur journée et font tourner la structure.
Le mot d'ordre ici est l'autogestion, qui est un bon moyen pour reprendre goût aux gestes du quotidien. Cela passe par de simples démarches - mais pas forcément évidentes pour tout le monde - comme aller faire le marché, affronter une foule ou nouer des interactions.
Des membres aux multiples vies
Ce jour-là, un petit groupe se rend sous la halle du marché de Talensac. Jean-Yves est chargé de faire une partie des courses pour le repas du jour.
"On est accompagnés, on n'est pas seuls. Il y a des relations humaines. Et puis on connaît les commerçants, ça permet de passer un bon moment, ça nous met en forme pour la journée," souligne-t-il.
À 60 ans, Jean-Yves a déjà eu plusieurs vies. Dans la dernière, il était commercial dans l’industrie automobile. Il y a dix ans, il a été licencié pour raisons économiques. Un événement traumatisant qui l’a mené à la dépression. Grâce à l’association, il a retrouvé le goût de vivre.
"Ce qui est bien c'est que j'ai récupéré de la communication, je revois des gens. Avant, j'étais un peu enfermé après une grosse dépression. Là, ce qui est bien c'est qu'il n'y a pas de jugement, tout le monde est à égalité "
Jean-Yves, membre du Clubhouse de Nantes
Comme Jean-Yves, ils sont 120 adhérents à bénéficier de l'association. Victimes de crises d’angoisse, de burn-out ou bipolaires, les membres du Clubhouse viennent chercher un espace bienveillant sans jugement, où leur fragilité s’efface.
Une passerelle vers l'autonomie
Trois salariés de l'association sont présents pour encadrer les activités, chacun des adhérents peut prendre part à celle qu'il souhaite. La préparation en commun des repas est celle qui emporte le plus vif succès au Clubhouse.
"Cette opportunité de pouvoir suivre une recette, faire les courses et préparer, c’est aussi l’objectif que nous avons de redonner de l'autonomie aux gens," confie Cathy Porcher, chargée de co-gestion et d'insertion au Clubhouse.
On espère que cuisiner au clubhouse peut redonner l'envie de cuisiner chez soi pour avoir une meilleur qualité de vie"
Cathy Porcherchargée de co-gestion et d'insertion au Clubhouse
Le concept du Clubhouse est né aux Etats-Unis dans les années 1940. À l’époque, un groupe de patients achète un immeuble qu’il gère collectivement, avec pour valeur centrale l’entraide et le travail en commun.
La directrice de l'antenne nantaise de l'association décrypte cette manière particulière de fonctionner. "On s'est rendus compte que travailler et se remettre en mouvement permettait aux membres de reprendre confiance en eux, de rompre l'isolement et de retrouver des compétences, et ainsi reprendre leur place," considère Alice Aubineau.
Tout l’enjeu d’un Clubhouse, c’est de reprendre sa place dans la société"
Alice Aubineau, Directrice du Clubhouse
Devenir membre du Clubhouse a en tout cas permis à Jean-Yves de retrouver son optimisme et son sourire. "Avant je ruminais plus dans le passé que dans l'avenir, confie-t-il, là je vois plus l'avenir venir donc ça me donne un chemin."
Le concept a été importé en France en 2011. Depuis, cinq structures de ce type fonctionnent à Paris, Bordeaux, Lille, Lyon, Nantes et de nouveaux clubs devraient voir le jour dans les prochains mois à Rennes et à Bastia.
►À noter :
Alors que dans de nombreuses villes en France, des manifestations ont eu lieu pour demander plus de moyens pour la psychiatrie, Nantes accueille le 1er colloque international « Villes et santé mentale ». Cette semaine dans Dimanche en Politique, Virginie Charbonneau reçoit plusieurs invité.e.s pour échanger autour de cette thématique. Un magazine à suivre dimanche 4 décembre à 11h30 et sur france.tv