Les déserts médicaux n'existent pas qu'en zone rurale. Le Clos Toreau, un quartier de Nantes, vient de voir partir sa dernière médecin généraliste. Après 34 ans d'activité, elle part à la retraite sans avoir trouvé de remplaçant. Elle laisse 1 500 familles dans le désarroi.
Elle était la dernière médecin du quartier du Clos Toreau à Nantes. Arrivée en 1989, la docteure Schreiber a définitivement fermé les portes de son cabinet le 15 décembre dernier. Les habitants du quartier sont sous le choc.
"C'est la panique pour tous les habitants. Elle a le droit de partir à la retraite. Mais là, c'est triste", réagit Nicky, qui fait partie de sa patientèle, environ 1 200 familles. "On ne pensait pas qu'elle partirait. Elle va nous manquer, c'est sûr", soupire Marie, habitante du quartier depuis 1974.
Toutes s'inquiètent de l'avenir, des difficultés pour obtenir un rendez-vous chez un médecin et trouver un nouveau médecin traitant.
On se met sur liste d'attente. Entre-temps, il ne faut pas être malade.
MarieHabitante du quartier Clos Toreau
"Elle nous suit depuis tout petit. Donc, elle sait nos problèmes, explique Dogan Youssouf, inquiète pour sa mère. "Avec le docteur Schreiber, elle était indépendante, elle pouvait aller à son rendez-vous toute seule, c'était à deux pas de chez nous. Maintenant, si elle doit aller chez un médecin, c'est à moi soit de prendre ma journée ou de m'arranger avec une de mes sœurs".
Un collectif d'habitants pour alerter
Mobilisés, les habitants ont créé un collectif pour alerter les pouvoirs publics. "Nous ne voulons pas être oubliés. Notre quartier est un quartier prioritaire de la ville. Nous voulons que le souci de la santé des habitants soit une priorité", écrit le collectif.
Jean-Luc Landas, ancien médecin et membre du collectif nantais pour le droit à la santé et à la protection sociale, dénonce une situation catastrophique.
C’est quand même incroyable qu’à 2,5 km du CHU de Nantes, là où on forme les médecins, il existe un désert médical.
Jean-Luc LandasAncien médecin urgentiste et anesthésiste CHU de Nantes
"Il y en a un autre, un peu plus loin, dans le quartier de la Bottière : il n’y a plus de médecin généraliste à disposition des habitants, qui ont des affections longue durée, qui sont dans une situation de grande précarité et qui ont beaucoup de mal à se déplacer", ajoute Jean-Luc Landas.
"L’État a une responsabilité dans le fait qu’il n’y a pas de répartition équitable des possibilités de soins sur tout le territoire, s'insurge l'ancien médecin. Il faudrait que l’ARS très clairement se bouge et également l’union régionale des médecins libéraux, dont une des missions est d’aider à l’installation de médecins."
"L’ARS a admis, en octobre 2023, que deux quartiers nantais étaient des déserts médicaux, comme on peut l’entendre dans le milieu rural, relève d'ailleurs Marlène Collineau, adjointe à la Santé à la mairie de Nantes.
20 % des médecins généralistes de Nantes ont plus de 60 ans
La ville s'est engagée à nommer un médiateur en santé dès mars 2024. "Son travail est d’aller vers les personnes les plus éloignées du système de santé pour les aider à faire valoir leur droit en santé, parfois à trouver un spécialiste, un médecin, notamment lorsqu’il n’y a plus de médecin dans le quartier", explique Marlène Collineau.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes, 25 % des médecins généralistes de la métropole nantaise sont âgés de 60 ans ou plus, et sont donc susceptibles de cesser leur activité dans les prochaines années. C'est une proportion inférieure à la moyenne nationale (36 %), et légèrement supérieure à celle observée sur Nantes Métropole fin 2016 (23 %).
L'accès à un médecin généraliste risque donc d'être de plus en plus compliqué, d'autant que les jeunes médecins ne sont pas prêts à travailler de 9h à 21h.
"Pour remplacer un médecin qui part à la retraite, il en faudrait deux aujourd’hui pour couvrir les besoins des mêmes patients, relève l'adjointe à la Santé à la mairie de Nantes. Autre souci, "la médecine générale est un des derniers choix que font les médecins. Ils préfèrent privilégier des spécialités".
Le reportage de Céline Dupeyrat, Christophe Amouriaux et Christophe Person
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