A Treillières, au nord de Nantes, une propriétaire, faute de moyens, semble totalement dépassée par la situation et des témoins parlent d'animaux à l'abandon et en mauvaise santé. Des chevaux, des chiens, des chats par dizaines qui manquent de soins et de nourriture. Une pétition a été lancée pour leur venir en aide.
Au bout d'un chemin bordé de haies, une propriété qui semble être plus un lieu de stockage de déchets divers qu'un lieu d'élevage pour animaux. C'est ce que décrivent ceux qui sont allés sur place. Des hangars en bois, dont l'un est gavé d'objets et de matériels abandonnés. Les aboiements qui accueillent le visiteur proviennent de l'autre bâtiment.
"C'est un élevage canin", explique l'une des femmes qui s'activent au sein d'un collectif pour mettre un terme à cette situation. Elles ont posté une pétition sur internet pour demander aux pouvoirs publics de réagir.
Une pétition pour fait réagir les pouvoirs publics
"Une éleveuse seule, sans moyens matériels ni humains, complètement dépassée par la situation qui ne s’arrête plus et qui ne voit plus la souffrance qu’elle inflige." dénonce cette pétition signée ce 13 novembre par plus de 31 000 personnes.
Enfermés derrière un grillage, se trouvent, selon des témoins, des petits chiens, des chihuahuas, plusieurs dizaines. Il y en a d'autres dans une vieille caravane. On parle de nombreux chats aussi.
Et dans des champs boueux, des chevaux, dont certains sont faméliques et d'autres ont le ventre gonflé par les parasites, selon le collectif.
"Les mots me manquent face à la situation, avoue une autre membre de ce collectif. Les conditions ne sont pas adaptées, clairement ! Les chiens sont enfermés par dizaines. Les chevaux nécessiteraient un apport de foin, l'herbe n'est pas suffisamment importante et riche pour satisfaire les besoins des chevaux. Il faut de l'eau. Un cheval boit en moyenne 15 à 25 litres par jour. Là, il n'y a plus d'eau dans l'abreuvoir, à priori depuis un certain temps. Il faut absolument faire quelque chose."
"On peut voir ses côtes apparentes"
Une troisième a pu apercevoir et filmer une jument blanche sur ce même terrain. Sur la vidéo enregistrée sur son smartphone, on voit la jument avec un ventre ballonné.
"Elle a été déplacée, dit ce témoin, comme la propriétaire le fait souvent quand elle veut cacher ses animaux. Elle est jeune. Elle n'est pas en bon état. Elle parait avoir un gros ventre, mais qui est juste bourré de vers. On peut voir ses côtes apparentes."
Elle fait remarquer aussi sur cette vidéo que le terrain est en friche et inadapté pour accueillir un cheval et n'est pas doté d'un point d'eau.
"Ils vivent dans des conditions humides, dit-elle. La plupart du temps, ils n'ont rien à manger. C'est rempli de ronces, ce n'est pas entretenu. Les chevaux sont constamment sur ce terrain donc l'herbe ne peut pas se renouveler. Ça fait à peu près 25 ou 26 ans, qu'elle occupe ce terrain. Au début, ça allait à peu près, mais ça s'est vite dégradé."
Le collectif évoque aussi un poulain retrouvé mort.
"Pour une personne qui aime beaucoup les animaux, c'est quand même étrange, fait remarquer l'une des personnes mobilisées. Elle l'a sorti du terrain en tirant sur la patte. On ne sait pas ce qu'il est devenu."
"On a porté plainte et ça n'avance pas"
Ces témoins expliquent être allés à plusieurs reprises à la police municipale, à la mairie.
"On a porté plainte et ça n'avance pas. Elle ne fait pas de clôture, régulièrement, ils s'en vont, ils divaguent, ils vont sur la route, ils traversent. C'est triste."
Le collectif dit avoir constaté ces faits sur plusieurs communes où cette même propriétaire a des parcelles : Treillières, Héric, Grandchamp-des-Fontaines et Vigneux-de-Bretagne.
"On s'est aperçu rapidement que ces chevaux étaient maltraités"
"C'est une affaire qui a démarré en 2019 se souvient, Alain Royer, le maire de Treillières. Souvent c'étaient les chevaux en divagation qu'on récoltait les week-ends sur les routes de Treillières et qui posaient des problèmes de sécurité. On s'est aperçu rapidement que ces chevaux étaient maltraités (par manque de nourriture et d'eau). On a verbalisé d'abord par la police municipale. Après, on a saisi la gendarmerie, la préfecture, le procureur de la République. À ce jour, en 2024, on n'a toujours pas de réponses de la Justice."
Une décision serait attendue pour décembre 2024. Outre pour la santé des animaux, cette situation pose aussi des problèmes pour le voisinage du fait des aboiements des chiens.
Un accident avec un cheval en divagation
"Il y a une quarantaine de chevaux, 70 chiens. On est souvent appelés (le maire et les adjoints) pour des chevaux en divagation, explique le maire de Treillières. On se fait aider par des agriculteurs pour récupérer des chevaux qu'on parque où on peut."
Le problème s'est encore posé il y a quelques jours selon l'élu qui constate que cela se répète tous les dix ou quinze jours.
"On a eu un accident il y a quelques années, se rappelle-t-il, avec une jeune fille qui a eu un accident avec un cheval en divagation. Ça pose un problème de sécurité en plus du problème des soins des chevaux."
Un arrêté préfectoral en août 2023
Un arrêté signé du sous-préfet de Châteaubriant et daté du 8 août 2023 constate que l'élevage de chiens ne respecte pas la réglementation en vigueur et enjoint la propriétaire des lieux à cesser son activité sur ce site et à faire enlever déchets et animaux morts.
"Je suis propriétaire de chevaux depuis que j'ai 13 ans et demi", explique pourtant cette propriétaire qui dit s'être déclarée professionnelle en 2017 pour l'élevage de chevaux et de chiens et avoir les diplômes nécessaires.
À l'équipe de reportage de France 3 qui lui a rendu visite, elle a montré des chevaux et quelques chiens en bon état, mais n'a pas conduit l'équipe sur les parcelles et les élevages mis en cause par le collectif.
"Tous les chevaux sont visités, se défend-elle. Je ne suis pas H24 sur tous les terrains et s'il y a des clôtures qui cassent, je ne m'en rends pas forcément compte et il y a des chevaux qui sortent effectivement. Je réagis tout de suite, je vais sur place."
"Je veux que mes chiens vivent autour de moi."
L'éleveuse conteste les faits de divagation de chevaux lui appartenant, mais reconnaît que certains de ses chevaux "sont très malins et sautent les barrières". Elle conteste également les faits de maltraitance et dit apporter à ses animaux ce dont ils ont besoin.
Concernant l'arrêté préfectoral lui interdisant depuis août 2023 d'avoir un chenil sur ce site, elle reconnait quand même une partie de ce qui lui est reproché.
"Mon tort, dit l'éleveuse, c'est d'avoir trop d'animaux par rapport à l'accueil. J'ai fait mon élevage de chiens à la maison. J'aime mes chiens, je veux que mes chiens vivent autour de moi."
Des chiens qui sont vendus, au moins pour certains, sur Le Bon Coin avec mention d'un numéro de SIREN qui est associé à une activité d'élevage d'équidés créée en 2017.
"Une poignée d'hystériques"
"La base du problème, c'est ma vielle jument Anna", estime l'éleveuse, évoquant une jument âgée et en mauvaise santé, qui, malgré les soins, ne reprenait pas bonne allure.
"Il y a une poignée d'hystériques qui ont mis le feu aux poudres, résume-t-elle, et qui aujourd'hui me traitent de toutes les horreurs."
L'éleveuse dit être la pestiférée d'un voisinage qui se plaint des nuisances de son activité, tout en reconnaissant que, oui, des animaux s'échappent de son élevage.
"Les poneys, c'est compliqué à garder, dit-elle. Par un petit trou de souris, ils arrivent toujours à sortir."
Des gens viennent l'aider, dit-elle. Des solutions vont être mises en place, assure l'éleveuse qui reconnait, entre les lignes, quelques difficultés et préfèrerait qu'on vienne lui donner un coup de main plutôt que de l'attaquer sur les réseaux sociaux.
Un appel à l'aide
"J'ai une facture de 4 000 euros de vétérinaire à payer. S'il y a des gens bienveillants qui veulent m'aider financièrement, il n'y a pas de problème, et un coup de main physique !, conclut-elle, en avouant redouter une décision de Justice.
"On est capable de me saisir mes meilleurs amis, ma famille, ceux qui me donnent envie de me lever le matin", dit-elle.
Il semble clair que l'éleveuse ne parvient pas, seule, à se sortir de cette situation et sollicite une aide pour refaire les clôtures, le chenil, payer ses dettes...
En attendant, chevaux, poneys, chiens et chats ne bénéficient pas des soins dont ils ont besoin.
Le reportage de Lucie Raynaud, Antoine Ropert, Frédéric Grunchec et Carole Mijeon
Olivier Quentin avec Lucie Raynaud.
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