Le traitement spécifique des pathologies et des lésions de la main est une spécificité française. Une réforme datant de 2021 a néanmoins mis à mal le financement des urgences de la main. Deux ans plus tard, ces structures peinent à financer leur activité sans subvention, comme à Saint-Herblain, près de Nantes, où l'Institut de la main est installé depuis 2018.
Pas de bras, pas de chocolat. Pas d'autorisation d'urgence, pas de subvention publique. La problématique rencontrée par les urgences de la main du pôle Santé Atlantique de Saint-Herblain (Loire-Atlantique) peut être grossièrement résumée de cette façon, mais ses conséquences ne prêtent pas à sourire.
"Une réforme qui a eu lieu en 2021 a modifié le mode de financement des services d'accueil d'urgence. Depuis, les urgences de la main sortent du domaine administratif et ne sont pas considérées comme des urgences à part entière", déplore Marc Leroy, chirurgien et coordinateur des urgences de la main en Pays de la Loire.
SOS mains sort du financement public, et ne peut plus fonctionner normalement.
Marc LeroyChirurgien et coordinateur des urgences de la main en Pays de la Loire
Seules deux types d'autorisation d'urgence existent désormais en France : les urgences générales et pédiatriques. Exclues du financement, les urgences de la main ne touchent plus de subventions et enregistrent un déficit d'environ 700 000 euros selon le chirurgien.
Marc Leroy estime qu'à partir de septembre 2023, ce manque à gagner pourrait conduire SOS mains à réaliser des soins de moins bonne qualité sur les 25 000 patients qui consultent le service chaque année, à raison de 80 à 100 personnes par jour.
► Voir le reportage réalisé par Céline Dupeyrat, Frederic Grunchec et Nicolas Guilbaud
Les urgences tournent pourtant à plein : elles sont ouvertes 7 jours sur 7 et 24h sur 24, et assurées par 10 chirurgiens associés, dont fait partie Flore Anne Lecoq.
"Il y a un débit de patient assez important, beaucoup de consultations et d'opérations. On a essayé de s'organiser pour avoir un bloc opératoire efficace avec le moins de temps d'attente possible pour les patients et pour les médecins", témoigne-t-elle.
Le service traite couramment les "lésions de la main qui nécessitent une prise en charge spécifique et rapide pour éviter les séquelles », ajoute la chirurgienne. Une fermeture ou une détérioration des urgences pourrait avoir des effets délétères en termes de santé publique sur le territoire, en particulier parce que le traitement des traumatismes de la main impose des compétences fines en matière de microchirurgie.
Une patientèle venue de Loire-Atlantique et de Vendée
"Ce qui nous inquiète, c'est que SOS mains en France ne soit plus capable d'assurer sa mission de service public, de pouvoir prendre en charge les urgences de la main dans des délais corrects", confie Marc Leroy, car la carence de financement se double d'une difficulté croissante à recruter des personnels de santé.
Les patients consultent à la suite d'accidents du travail et d'accidents domestiques, qui surviennent alors qu'ils cuisinent, bricolent ou jardinent. Aux urgences de l'Institut de la main de Saint-Herblain, ils viennent en majorité de tout le département de Loire-Atlantique, mais aussi de Vendée.
"Si nous sommes moins structurés pour accueillir les patients, la prise en charge sera moins qualitative, avec des délais plus importants, un risque de séquelles majeures pour des traumas qui peuvent être graves avec un pronostic social et professionnel relativement significatif", détaille le chirurgien.
Un système particulier à la France
Marc Leroy estime qu'il faudrait que les urgences de la main soient reconnues comme des urgences à part entière, et non plus comme une "entité individuelle". D'autant plus que le traitement des lésions de la main dans cette structure permet de désengorger les urgences générales.
Les SOS mains sont une fierté française. C'est un système unique très envié en Europe.
Marc LeroyChirurgien et coordinateur des urgences de la main en Pays de la Loire
"Les urgences de la main sont un outil incroyable qui existe depuis plus de 30 ans, et les réformes actuelles sont en train de démonter un système qui fonctionnait extrêmement bien", regrette-t-il.
La Fédération des établissements de soins des urgences de la main regroupe 67 centres en France. Partout, la problématique est la même. La structure du Mans a déjà dû fermer son service de nuit. Les patients sont désormais transférés à Angers ou à Nantes.