La greffe a été faite sur un patient diabétique jeune, 36 ans, dont le pronostic vital était engagé. C'est la première fois qu'on réalise en France une greffe combinée rein pancréas après le prélèvement des organes à la suite d'un arrêt cardio-respiratoire.
"Les donneurs potentiels en mort cérébrale sont de plus en plus rares", constate le Dr Julien Branchereau, chirurgien urologue au CHU de Nantes. Et cette donnée complique singulièrement la tâche des médecins. Après des travaux de recherche pré-clinique, il a réalisé la première transplantation française combinée de rein et de pancréas, après arrêt circulatoire du donneur, le 22 avril 2021.
Pourquoi une double greffe rein pancréas ?
Ce type d'opération s'adresse à des personnes pour lesquelles le dosage constant de l'insuline est quasiment impossible à trouver pour "régler" leur diabète. Maladie qui conduirait rapidement ces personnes à la cécité, à une amputation, et réduirait brutalement leur espérance de vie. Le dérèglement du pancréas conduit souvent à une insuffisance rénale.
Le diabète sucré est une maladie chronique qui se caractérise par un taux de sucre anormalement élevé dans le sang (hyperglycémie). Après ingestion d’aliments sucrés, la glycémie monte et le pancréas sécrète alors de l’insuline qui permet aux sucres de pénétrer dans les cellules de l’organisme soit pour fournir directement de l’énergie aux muscles soit pour être stockés dans le foie.
Le diabète sucré (de type 1) correspond à une insuffisance de production de l’insuline. Si un diabète est mal équilibré, des complications importantes peuvent alors survenir (comas hypo ou hyper-glycémiques, atteintes des nerfs, des reins, du cœur, des artères,..). La transplantation de pancréas est alors le meilleur traitement des diabètes très déséquilibrés.
Une double greffe sur un patient jeune
Le patient receveur est âgé de 36 ans, il n’a maintenant plus besoin d’insuline ni de dialyse. Il devra bien sûr prendre un traitement antirejet. Rien en comparaison des souffrances endurées, et Julien Branchereau ajoute, "il peut vivre normalement et même manger du sucre !" La réussite de cette première transplantation est le fruit d’une collaboration étroite entre les équipes de réanimation, de la coordination de prélèvement d’organes, de néphrologie et de chirurgie urologique.
"C'est un travail d'équipe qui implique des réanimateurs, des coordinateurs, des anesthésistes, des spécialistes de néphrologie, des infirmières" énumère Julien Branchereau. "Lors de cette opération, une trentaine de personnes est intervenue pour mener à bien cette transplantation".
Irriguer les organes en dépit de la mort du donneur
Cette double greffe reposait jusqu'à présent sur la possibilité de disposer d'organes prélevés sur des personnes en état de mort cérébrale. Dans cette configuration, le cœur bat toujours, et les organes continuent d'être irrigués par le sang et oxygénés.
Après un décès par arrêt circulatoire, les organes ne sont plus irrigués par le sang et ne peuvent alors plus être transplantés. Sauf à agir très vite entre le décès et la transplantation, ou d'inventer un nouveau processus pour maintenir les organes.
Le CHU de Nantes a été un des premiers centres français à démarrer un nouveau protocole de l’Agence de la biomédecine permettant de reperfuser et de réoxygéner ces organes initialement privés de sang après l’arrêt circulatoire du donneur. Une technique de circulation régionale normothermique des reins. On continue de faire circuler le sang dans une partie du corps de la personne décédée tout en l'oxygénant à l'extérieur... jusqu'au prélèvement.
Pas assez de donneurs
Depuis 2014 les médecins chercheurs du CHU de Nantes travaillent sur cette idée nouvelle. Julien Branchereau en fait partie. Chirurgien à Nantes, il est aussi chercheur à l'Unité INSERM 10 64 et à l'Université d'Oxford sur cette question.
La transplantation d’un pancréas dans ce contexte constitue un véritable défi du fait de la sensibilité particulière de cet organe à l’absence de vascularisation, ou ischémie. "En d'autres termes, le pancréas s'autodétruit par manque d'oxygène. Il se digère lui-même".
Depuis cette double greffe, une "première" réussie, le CHU de Nantes en a pratiqué une seconde. Julien Branchereau aimerait poursuivre dans cette voie, nombre de personnes espèrent trouver un donneur. Pour autant, les dons d'organes diminuent. "Trouver des organes de qualité devient compliqué", le médecin constate le peu d'enthousiasme du public à cette idée. "Si donner un pancréas est bien évidemment impossible, dans le cas d'un don de rein, on peut rester vivant en donnant un rein à un frère ou à une sœur" insite-t-il.
Dans les pas des "grands anciens" du CHU de Nantes
Julien Branchereau situe son travail dans une histoire médicale nantaise. Il suit la trace ouverte depuis 1986 par Diego Cantarovitch qui a participé à la mise en place d’un programme de transplantation pancréatique à Nantes dès 1987 avec Jacques Paineau. Depuis, l’équipe nantaise se situe dans les plus grandes mondiales sur cette spécificité avec environ 20 greffes du pancréas par an. Il cite encore Georges Karam qui a porté le projet durant 25 ans, et Gilles Blancho, le directeur de l'institut de transplantation urologie-néphrologie de Nantes. Près de 650 patients y ont été transplantés d’un pancréas et plus de 6000 d’un rein.