Chantale a pris le départ ce lundi matin de Nantes pour 1000 km à pied. 1000 km qui la séparent du refuge des tortues près de Toulouse. 1000 km comme les 1000 tortues Émyde lépreuse survivantes en France. Des tortues aquatiques indigènes, et pourtant en voie de disparition.
Chantale Menet marche depuis toujours, le chemin de Stevenson avec un âne, c'est fait, et depuis belle lurette, celui de Compostelle, c'est fait aussi ! Comme elle se passionne depuis toujours pour les tortues, "avec ma petite sœur en vacances à la campagne on allait chercher les serpents, observer les animaux sauvages". Chantale avance d’un pas décidé, dans la vie comme sur les chemins.
Devenue prof d'Histoire-Géo, elle a gardé cette passion pour les reptiles à carapace. Elle a six tortues qui vivent dans son jardin nantais. "Elles vivent en liberté, se nourrissent des herbes indésirables, le trèfle, le pissenlit, et viennent me voir quand je leur apporte une fraise ou toute autre friandise".
Les Sophie et les Caroline, de nos cours et de nos jardins, dites tortues de terre, souvent des tortues d'Hermann, sont des espèces protégées, leur population naturelle ne cesse de décroitre au point de devoir les considérer en voie de disparition.
Vers le refuge des Tortues
À 1000 km de son domicile nantais, le Refuge des Tortues s'est donné pour mission de tenter de sauver ces espèces, et plus particulièrement l'Émyde lépreuse, une tortue aquatique, Mauremys leprosa de son nom savant. "Le nom n'est pas glamour, il lui a été attribué par un naturaliste en 1812 en raison des petits nodules qui apparaissent sur sa carapace".
Si le nom est peu avenant, l'animal est tout l'inverse. Tortue marcheuse, nageuse, elle a une jolie tête portée par un cou aux taches ocellées de vert et de jaune. En France, elle vit dans l'Aude, l'Hérault et les Pyrénées Orientales, ailleurs en Espagne, Portugal et Maroc principalement.
Si l'Émyde lépreuse est en danger, c'est à cause de nos modes de vies, le morcellement des terres agricoles, l'urbanisme, l'assèchement des marais principalement. Et aussi la prolifération d'une espèce importée par millions dans les animaleries, la tortue de Floride. Pas méchante l'américaine, elle vit dans les mêmes zones humides avec un avantage, elle est terriblement féconde. Alors forcément, nos petites tortues bien de chez nous, ne font pas le poids face à l'envahisseuse.
Une espèce indigène en voie d'extinction
Faute de nourriture, la population diminue, on l'estime à moins de 1000 individus. Plus assez pour assurer la reproduction de l'espèce. "1000 tortues c'est une extinction si on ne fait rien. En France nous avons trois espèces de tortues indigènes, toutes en danger, il faut absolument garder cette biodiversité".
Chantale marche donc pour que l'on organise la résistance pour l'Émyde lépreuse, en bonne intelligence. Pour que notre tortue indigène reprenne sa place dans les zones humides. Elle va donc faire, à pied, les 1000 km qui la séparent du Refuge des Tortues à Bessières, au nord de Toulouse. L'association s'est donnée pour but de permettre la reproduction de cette espèce, pour la réintroduire dans son milieu naturel.
1000 km pour faire prendre conscience de la nécessité de protéger notre environnement immédiat. 1000 km aussi pour faire tourner le compteur de la cagnotte en ligne sur helloasso. L'argent, comme toujours, est le nerf de la guerre.
Financer une station d'élevage
Si les médias se tournent facilement vers la marcheuse pour parler de son action sympathique, si les réseaux sociaux ont mis en relation les amis de la nature qui lui proposent de l'héberger le long de son chemin, des dons sont déjà arrivés de grandes associations, ou fondations, supportant la cause animale et notre environnement. De Grande-Bretagne par exemple, et pas qu'une petite somme !
Chantale estime parcourir 25 km chaque jour. Dans son sac à dos, le strict nécessaire et pas de tente de camping ! "Je vais dormir là où on m'invite, ou je paye des chambres chez l'habitant, des gîtes communaux, ce que je trouve". Arrivée prévue le 18 septembre, d'ici là, "place à l'improvisation et aux rencontres, si je dévie de mon chemin, c'est très bien".
Chantale espère que 20 euros seront donnés pour chaque kilomètre parcouru. Pour créer sa station d'élevage, le Refuge des Tortues a besoin de 70 000 euro, 20 000 seraient déjà les bienvenus, "Et qui sait, sans doute en auront nous plus !"
Il suffit de partir à point
Chantale, le regard vif, et une parole fluide, quitte son domicile nantais, sûre de sa réussite. Ses voisins, ses amis, des inconnus, sont venus l'accompagner sur les premiers kilomètres au long de l'Erdre. Le crachin nantais est aussi au rendez-vous de ce mois d'août, qui ressemble à un printemps humide. 25 km la séparent du Loroux-Bottereau où elle fera étape ce soir.
Chantale ne va pas vite ? Pas grave, elle chemine, vous connaissez la fable ? Il suffit de partir à point ! L'Émyde lépreuse peut compter sur un méga soutien.