"Nous ne sommes pas des bénévoles", les salariés des centres de formation de la Croix-Rouge française revendiquent l'alignement de leurs rémunérations sur celles de leurs collègues du public. L'institution ne doit pas se réfugier derrière une forme de pauvreté insiste le collectif.
En 2013, les infirmières et les personnels de santé scandaient sous les fenêtres de la ministre de la Santé d'alors, Marisol Touraine, "Ni nonnes, ni bonnes, ni pigeonnes". Reprenant un slogan moins élégant mis au point 20 ans plus tôt.
Des professionnels, pas des bénévoles
Si les choses ont commencé à évoluer pour les professionnels de santé depuis peu, les salariés de la filière formation de la Croix-Rouge française ont le sentiment d'être des laissés pour compte. "Nous ne sommes pas des bénévoles" affirment-ils.
Ils se mis sont en grève le 6 septembre 2021 et ont constitué un collectif pour revendiquer l'amélioration de leurs conditions de travail, et surtout pour faire valoir les écarts de salaires avec leurs collègues des centres de formation publics.
"La Croix-Rouge, derrière une réputation internationale irréprochable, est encore dans l'ère de la charité, comme l'ont été les institutions catholiques" souligne Stéphane Naulleau, le secrétaire général en Loire-Atlantique du syndicat Force-Ouvrière.
La Croix-Rouge, pour ce qu'en disent ses salariés, serait une institution qui fonctionne sur des modèles du passé, hérités du temps des religieuses en cornettes.
"Nous avons une réelle difficulté d'émancipation" constate Stéphanie Brossard, coordinatrice de stages et membre du collectif, ajoutant, "nous avons un travail de formation sociétal à réaliser en tant que formateurs".
Des écarts de salaires considérables
Quel que soit l'employeur, à travail égal salaire égal, serait-on tenté de penser. On en est très loin !
"Les écarts mesurés deviennent encore plus abyssaux depuis le Ségur de la santé" constate le représentant Force-Ouvrière.
Dans un courrier adressé au directeur de l'Agence Régionale de Santé des Pays de la Loire, les salariés des centres de formation de Rezé et Saint-Jean-de-Monts soulignent un écart de 20% avec leurs collègues du CHU de Nantes ou du CH de Saint-Nazaire.
"Un des piliers du Ségur de la santé" indiquent-ils "est de transformer les métiers de la santé et revaloriser ceux qui soignent. Pour nos collègues du public cela s'est traduit par un complément de salaire de 183 euros nets mensuels dès décembre 2020".
En octobre 2021, l'écart de salaire entre un formateur public et un formateur Croix-Rouge pourrait s'élever à 45%. Et les salariés de faire remarquer que, si la Croix-Rouge française voit partir ses salariés, et qu'elle peine à recruter, c'est bien du fait de l'absence de perspectives d'évolution des carrières et de reconnaissance des compétences.
Si des mécanismes de compensation ont bien été mis en place pour les formateurs du public, tous rattachés à un établissement hospitalier, il n'en va pas de même pour les salariés des Instituts Régionaux de Formation Sanitaire et Sociale de la Croix-Rouge, tel que celui de Rezé en Loire-Atlantique.
"Nous ne sommes, pour ce qui nous concerne, qu'un organisme de formation ne dépendant pas d'une clinique par exemple, ce qui nous exclut du processus", explique Stéphanie Brossard. Alors que, si cet institut était rattaché à une clinique de la Croix-Rouge, il y a en a, les personnels de formation seraient inclus dans le dispositif du Ségur de la santé.
Des professionnels surdiplômés souvent
Comme pour les "écoles d'infirmières" rattachées à un centre hospitalier, les instituts de la Croix-Rouge sont accessibles aux étudiants depuis la plateforme Parcoursup. "Nous dépendons de l'université, nous donnons les mêmes enseignements, nous délivrons les mêmes diplômes, qui ont la même valeur sur le marché de l'emploi, mais nous ne sommes pas rémunérés au même niveau".
Et Stéphanie de préciser encore, "pour former les futurs infirmiers et aides-soignants, il faut être à minima cadre de santé ou avoir un Master 2. Ici à Rezé pour 80% d'entre nous, nous avons les deux ! Et nous sommes rémunérés 2 000 euros par mois". La situation n'est plus tenable.
Le collectif s'est adressé à Emmanuel Macron, qui a voulu ce Ségur de la santé, aux députés, pour qu'enfin, cette injustice soit réparée. Et que la Croix-Rouge ne se serve plus de "l'image d'Adriana Karembeu comme cache misère" comme le fait remarquer Stéphane Naulleau.