Ce sont des gens discrets, courageux, avares de déclarations publiques, en situation de burn out, les magistrats nantais, en dehors de toute parole syndicale expriment leur immense fatigue, et l'impossibilité dans laquelle ils se trouvent de rendre la justice !
Ce mardi, le tribunal de Nantes a travaillé au ralenti. La grève des avocats n'y est pour rien. La raison est beaucoup plus prosaïque. Le système informatique est tombé en panne ! Une panne qui illustre les difficultés quotidiennes auxquelles les magistrats doivent faire face.
De leur point de vue, le mouvement de grève des avocats qui bouscule le fonctionnement des juridictions, et notamment du tribunal judiciaire de Nantes, n'est pas la cause de leur immense fatigue. Il ne fait que mettre en évidence la dégradation rapide du service public de la justice dans le ressort de Nantes. Tous se sont joints pour rédiger cette motion, en dehors de la voie syndicale qui prévaut habituellement.
"L'assemblée générale des magistrats du siège et du parquet du tribunal de Nantes dénonce et déplore l'indigence des moyens de la justice dans le ressort, fait le constat d'une justice à bout de souffle, sous-dimensionnée, et qui ne repose que sur la bonne volonté et l'abnégation des personnels depuis de trop nombreuses années."
Sous effectifs chroniques, réformes successives, précipitées, sans moyens supplémentaires, population en constante augmentation, explosion de la délinquance, nouvelles formes de criminalité, augmentation des contentieux dans tous les domaines.
"L'AG constate, en partie de ce fait, que les effectifs actuels des magistrats du siège et du parquet ainsi que ceux du greffe et des fonctionnaires ne permettent plus de rendre la justice, tous contentieux confondus, dans des délais raisonnables."
Quelques exemples parmi une longue liste :
- 10 mois sont nécessaires pour obtenir une date d'audience devant le juge aux affaires familiales pour une requête en autorité parentale
- Au 31 octobre 2019, les saisines du tribunal pour enfant ont augmenté de 40%
- Au contentieux de la Protection, 30 % d'affaires supplémentaires au civil ont été constatées entre 2018 et 2019
- À l'instruction, les magistrats gèrent en moyenne plus de 100 dossiers, dont certains d'une particulière complexité, par cabinet, un chiffre en constante augmentation et qui est bien au-delà de la norme admissible en la matière
- Les juges des libertés et de la détention ont connu une augmentation de leur activité de 23 % depuis le début de l'année 2019
- 150 dossier d'instruction sont terminés et attendent d'être jugés, le plus ancien remonte à 2015...
Pour autant, si le burn out collectif se profile, les magistrats ne baissent pas les bras, ils ont identifié leurs besoins avec précision :
- un poste de juge d'instruction
- un poste de juge des enfants
- trois postes non spécialisés au siège
- deux postes au parquet et les postes de greffiers corollaires