Yannick Guénard, maire de Berzème, n'en peut plus des courriers truffés d'insultes et de menaces de mort. Des lettres anonymes qu'il reçoit depuis le début de son mandat en 2020. Il vient de jeter l'éponge après plusieurs années de harcèlement.
Il a tenu bon pendant quatre ans et demi. Yannick Guénard, le maire de Berzème, a fini par craquer et démissionner en ce début janvier 2025. En signe de soutien, l’ensemble du conseil municipal de cette petite commune ardéchoise, perchée sur le plateau du Coiron, lui a emboîté le pas. Une démission en bloc qui jette le trouble dans la petite commune.
Démission collective
"Tous sont solidaires du maire", a expliqué une habitante de Berzème. Comme les dix autres membres du conseil municipal, son mari a démissionné en ce début d'année, en signe de soutien au maire. Depuis son élection à la tête de la commune, Yannick Guénard est la cible d'un ou plusieurs corbeaux.
"L’ensemble du conseil municipal de Berzème tient à informer la population de sa démission collective en soutient à son maire Yannick Guénard. Le harcèlement ; les menaces et intimidations effectuées avec une belle lâcheté par un ou des corbeaux autoproclamés(s) « Force Coiron », n'ont pas cessé, bien au contraire," est-il indiqué dans un communiqué.
Le représentant des maires de l’Ardèche et maire du Teil, Olivier Peverelli, n’est pas surpris. Il reçoit régulièrement des appels d’élus menacés ou en détresse. Dans le département, ce sont huit maires qui ont déposé plainte en 2024 pour des agressions et autres intimidations. La situation s'est aggravée ces dernières années, d'après lui. Il en est persuadé, "beaucoup d'autres se sont fait insulter dans leur mandat et ont laissé passer."
Selon le président de l'association des maires du département, ces insultes et menaces ont fini par avoir des conséquences sur la santé de Yannick Guénard : "Psychologiquement, il a été très marqué. Ce n'est pas admissible, qu'un maire puisse être agressé de la sorte. Il a reçu des menaces dès le début de son mandat. C'était son premier mandat, il avait envie de rendre service". Pour le maire du Teil, ces attaques contre l'édile sont incompréhensibles. D'autant plus qu'il n'y a pas de décision polémique en cause.
Le corbeau reste introuvable
"Une ou deux personnes ont tout fait pour qu'il soit désespéré. On a des doutes, mais on n'a pas de preuves", explique une habitante. Yannick Guénard est victime de menaces et d'intimidations depuis son élection à la tête de la petite commune rurale de 160 habitants. Peu après sa prise de fonction en mai 2020, le maire a reçu des lettres d'insultes anonymes. Les menaces ont rapidement gagné en intensité. Les insultes se sont rapidement transformées en menaces de mort. Son véhicule a été vandalisé, ses pneus ont été crevés, une roue de sa voiture sabotée et son chien empoisonné.
En quatre ans et demi, l'élu a reçu plus d'une vingtaine de lettres anonymes truffées d'insultes et de menaces de mort. Il a également reçu des balles dans la boîte aux lettres de la mairie. En juin 2023, les menaces ont pris une nouvelle tournure, visant aussi le fils de l'édile. Le maire a fini par porter plainte. En vain. Sa plainte n'a pas mis un frein aux agissements du corbeau. Le ou les auteurs de ces agissements restent introuvables à ce jour.
"Étranger, retourne en Savoie !"
"On vit en 2025, les gens qui viennent d'un autre département ne sont plus des étrangers", s'indigne une habitante. Le ou les corbeaux reprochent notamment au maire de Berzème de ne pas être un Ardéchois pur sucre. "On me dit que je suis "un étranger"(...) "retourne en Savoie", on ne veut pas de toi ici", avait-il confié, il y a plus d'un an, en octobre 2023, à notre équipe de France 3 Ardèche.
À l'époque, il avait indiqué songer sérieusement à renoncer à son siège de maire. C'est à présent chose faite. Les Berzemois vont devoir reprendre le chemin des urnes pour élire un nouveau maire.
On lui en veut de ne pas être d'ici. Il est de Savoie. Pourtant, Yannick fait beaucoup pour le village. Il est gentil, il est à l'écoute de tout le monde. C'est dommage, il fait tout pour la mairie, il s'investit... c'est dommage.
Une habitante de Berzème
Dans ce petit village de la montagne ardéchoise, les habitants sont abasourdis. "Je n'étais pas au courant de sa démission. Il avait prévenu, mais je pensais qu'il allait finir son mandat", explique une habitante. Beaucoup ne comprennent pas l'acharnement contre ce maire engagé. "La plupart des gens l'adorent. Il fait beaucoup de bien pour le village. Je trouve ça triste. Je n'arrive pas à comprendre. Je pense que c'est beaucoup de jalousie," déplore une Berzemoise.
On vit en 2025, les gens qui viennent d'un autre département ne sont plus des étrangers.
Une habitante de Berzème
La préfète de l'Ardèche avait apporté son soutien à l'élu en octobre 2023. "Les insultes, menaces, ou toute autre forme de violence, envers des personnes élues démocratiquement, et représentants de l’État dans leur commune, sont aussi dangereuses qu’intolérables pour la République", avait indiqué la préfète Sophie Elizéon. Cette dernière s’était déplacée il y a un an pour afficher officiellement son soutien à l'édile.
La préfète de l'Ardèche va à présent nommer une délégation spéciale de trois membres, des personnes extérieures à la commune. Cette délégation sera chargée de gérer les affaires courantes dans les semaines à venir. Une solution en attendant de futures élections.