Christelle Morançais, la présidente de la Région Pays de la Loire a annoncé vouloir faire 100 millions d’économies sur le budget à venir. La culture, mais aussi les associations sportives, le planning familial, les missions locales vont voir leurs dotations considérablement réduites, voire annulées. L’écologie ne devrait pas non plus être épargnée.
Ne dites plus “transition écologique” mais “transition économique”. C’est l’élément de langage qui est apparu ces derniers mois dans les discours de la présidente de région dès lors qu’elle évoque l’écologie.
Ce glissement n’est pas seulement sémantique. Il semble préfigurer les priorités de la Région inscrites dans son projet de budget.
Comme les associations œuvrant dans les domaines de la culture, du sport, du social, celles qui travaillent à l’adaptation du territoire et des habitants de la région aux conditions de vie que nous impose le changement climatique ont appris que leurs subventions ne seront pas renouvelées.
C’est le cas de l’association RECIT, 45 000 euros de dotation en 2024. Zéro en 2025.
“Cela représente 10 à 15 % de notre budget. C’est l’équivalent d’un poste sur les huit qui composent notre équipe, commente un des salariés. Mais surtout, cela signifie que le temps que l’on va passer à rechercher des financements, on ne le passera pas sur le terrain”.
Depuis 10 ans, RECIT accompagne les habitants, les communes, les entreprises à mettre en place des projets de production d’énergie locale citoyenne à base d’éolien et de solaire. Un système qui permet de produire de l'énergie sans générer de gaz à effets de serre. Un secteur porteur aussi pour l'économie régionale puisque l’éolien citoyen génère des recettes : un euro investi en rapporte trois au territoire.
C’est ce que l’on appelle un relai ENR, pour ENergies Renouvelables.
Face à cette annonce, formulée par un simple coup de téléphone, le coprésident de l’association Julien Bouron note la brutalité de la méthode.
“Nous sommes encore dans une phase de sidération et d’incompréhension. Il y a un affichage fort de la région en matière d’énergies renouvelables. Nous priver de moyens, ça ressemble à un désaveu de ce que nous faisons dans les communes, au sein des collectifs de citoyens”.
Comme plusieurs de nos interlocuteurs, Julien Bouron nous rappelle que l’une des missions de la région est d’appliquer à ses territoires la stratégie bas-carbone de l’État. Cela fait donc partie de ses compétences directes.
La région est en quelque sorte le chef d’orchestre de ce programme national qui vise à ce que 50 % de la production d’énergies renouvelables passe à l'avenir sous gouvernance locale. Il s’agit de ce fait de soutenir la production de solaire ou d’éolien citoyen et/ou communal.
“Actuellement, cette production représente 3 à 4 % de l’énergie produite, indique Julien Bouron. Au regard de l’objectif fixé dans le SRADDET (Schéma Régional de Développement Durable et d'Égalité des Territoires), les moyens n’étaient déjà pas adaptés pour l’échéance de 2030 ou 2050, donc là évidemment la différence entre ces baisses de subventions et cette ambition nationale nous questionne”.
La quasi-intégralité du budget dédié à la transition énergétique devrait être supprimé
Récit mais aussi Novabuild, Atlansun, Fibois, Ailes... Une dizaine autres associations d’éducation à la protection de l’environnement, à l’adaptation au réchauffement climatique en cours, à la rénovation énergétique des bâtiments devraient disparaître progressivement puis totalement (en 2026) des lignes budgétaires du conseil régional.
Antoine Charlot, directeur du comité 21 et secrétaire général du GIEC Pays de la Loire, n’a pas encore été contacté par la Région. Pour autant, les signaux envoyés aux associations environnementales l’inquiètent.
“Dans le domaine de l'écologie, il faut penser à long terme. Ce qui peut sembler une dépense aujourd'hui est en réalité un investissement pour éviter les coûts des catastrophes écologiques à venir. La transition écologique offre à nos entreprises l'opportunité d'innover. Elle crée les emplois de demain et renforce la résilience de nos territoires face aux changements climatiques et à la raréfaction de nos ressources".
Pour lui, la transition énergétique doit donc être vue comme un moteur de développement. Il prend pour exemple la rénovation énergétique des bâtiments. (Le secteur du bâtiment représente 43 % des consommations énergétiques annuelles françaises et il génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) français).
“Actuellement en Pays de la Loire, on ne rénove que 30 000 logements par an alors qu’il en faudrait 300 000 pour atteindre nos objectifs climatiques", alerte Antoine Charlot. Pour relever ce défi "Il nous faut des associations de terrain pour sensibiliser, convaincre et accompagner les habitants, mais aussi des artisans formés pour réaliser les travaux". Des efforts qui ne visent pas seulement à lutter contre les déperditions énergétiques "mais représentent également un atout économique majeur, rappelle Antoine Charlot, "car chaque rénovation génère des retombées économiques significatives pour le territoire ".
Une analyse que l'exécutif régional ne partage visiblement pas puisqu'il entend proposer une feuille de route supprimant toutes les aides à la rénovation énergétique pour les particuliers comme pour les entreprises.
Une saignée pour l’environnement et l'emploi
Avec ce projet de budget, c'est toute l’action climatique de la Région qui devrait être revue à la baisse, pas seulement la transition énergétique mais aussi la biodiversité, l'agriculture bio, le soutien à l'hydrogène ou encore l'économie circulaire. Si le chiffrage des coupes est encore incertain, il pourrait friser les 80%.
Mais ce qui choque le plus les acteurs de terrain, c'est le manque de discussion, de concertation.
“Nous sommes parfaitement conscients qu’il faille faire des économies. Tout le monde doit participer à l’effort, mais ici ça se passe de manière tellement brutale, remarque Julien Bouron de Récit. Dans d'autres régions au moins, les conseils régionaux accompagnent les associations, ils les préparent à devoir faire face à des baisses de subventions... pas ici”.
Cette manière de faire, déjà dénoncée par les acteurs culturels, les salariés des Missions Locales, ou les organisations sportives, est aussi très mal vécue en interne, au sein même du conseil régional.
“On apprend les choses au compte-goutte, en lisant la presse, raconte Frédéric Brizot, délégué CGT de l’intersyndicale des personnels de la région. Nous n’avons aucun espace de discussion, on a l’impression d'être un laboratoire. Nos collègues ont travaillé à des propositions budgétaires qui risquent d’impacter leurs propres postes” commente l’Intersyndicale. Dans le cadre des services dédiés à l’environnement en effet, un tiers des postes devraient être supprimés.
Pour les syndicats, la disparition de 100 postes annoncés par Christelle Morançais semble participer de la même stratégie que l’élaboration du budget, ce qu'ils dénoncent dans un tract, “le personnel de la Région n’est pas la variable d’ajustement de la dette nationale. Les dépenses de personnel ne représentent que 15 % des dépenses de fonctionnement de la Région qui par ailleurs est la Région la moins dotée de France en nombre d’agents publics par habitant”.
Colère et inquiétude pour l'avenir et le bien-être des ligériens
Ces décisions arbitraires provoquent la colère chez William Aucant, élu d’opposition LFI-groupe "L'écologie ensemble" au conseil régional.
Pour cet ancien participant la convention citoyenne pour le climat, voulue par Emmanuel Macron en 2019, “toutes ses décisions, sont irresponsables et mettent en danger notre territoire. Rien n’est discuté, dès lors il nous est impossible de jouer notre rôle d’opposition. Nous apprenons tout cela parce que les acteurs des domaines concernés par ces coupes nous appellent après coup !.
"Mais ce qui est sûr, c’est que la réduction des effectifs dans les services clés de l’environnement va affaiblir notre capacité à mettre en œuvre des politiques publiques efficaces sur la rénovation, les énergies renouvelables, la protection du littoral ou l’économie circulaire.
Il y avait déjà peu d’actions climatiques à la Région, mais là, il n’y en aura plus aucune. C’est une très mauvaise nouvelle pour les générations à venir. Ce budget va agir comme un accélérateur de crise climatique et économique ”
En attendant le vote du budget prévu le 19 décembre, certaines associations tentent d’alerter les élus régionaux pour les dissuader d’entériner ce projet et les prévenir du coup de frein annoncé aux dispositifs environnementaux dans leurs territoires. D'autres s'inquiètent beaucoup de la mise en concurrence de structures qui avaient jusqu'ici l'habitude de travailler en complémentarité.
Ce qu'Eric Malo, de l'Union Régionale Interprofessionnelle de la CFDT résume ainsi : "Madame Morançais minore totalement la spécificité de notre région qui est que toutes les organisations, que ce soit dans la culture, le sport, dans l'insertion ou l'environnement, travaillent ensemble. Faire table rase de ces richesses et de ce maillage au service du territoire et des habitants, c'est comme brûler une forêt".
Nous avons tenté de contacter Christophe Béchu (ex-Ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires de France) ainsi que Maurice Perrion, sénateur, ancien maire de Ligné et ancien président des maires de France pour la Loire-Atlantique. L’un comme l’autre ne nous ont pas répondu à l'heure où nous écrivons ces lignes.
Retrouvez-nous sur nos réseaux sociaux et sur france.tv