Depuis sept ans, Paul Blain travaille dans le restaurant Chromosome, sur l'île de Nantes. En salle comme en cuisine, l'établissement emploie des personnes porteuses d'anomalies génétiques comme la Trisomie 21. Son travail a permis à Paul d'évoluer et de devenir une personne plus sociable.
Il est 10 h 30 et ça s'active dans les cuisines du restaurant Chromosome, 6 Promenade Europa, sur l'île de Nantes.
La petite équipe de dix personnes virevolte dans tous les sens pour préparer les plats du service de midi. Si la bonne humeur est au rendez-vous, la brigade du Chromosome n'est pas tout à fait comme les autres.
Depuis son ouverture en 2017, l'établissement emploie notamment des personnes porteuses de Trisomie 21 (les équipiers) accompagnées de bénévoles. Paul Blain, lui est porteur d'un autre trouble génétique, a 26 ans et il est équipier dans ce restaurant depuis sept ans.
"Paul a énormément changé"
Dans un coin de la cuisine, Paul s'occupe des carottes. Il faut en râper une grosse quantité, alors le jeune homme ne s'arrête pas. "Je suis polyvalent moi de toute façon" explique-t-il, avant de se tourner vers ses petits légumes oranges. Il débute sa journée derrière les fourneaux, mais dès le début du service, il va en salle pour servir les clients.
Si aujourd'hui, il semble plutôt à l'aise, cela n'a pas toujours été le cas. "Avant, il ne parlait à personne. Il était d'une très grande timidité" raconte Marie-Astrid Bouron, l'une des fondatrices du restaurant.
Aujourd'hui, il est à l'aise, comme un poisson dans l'eau
Marie-Astrid BouronFondatrice du restaurant Chromosome
Jacques Colin est bénévole depuis quatre ans. Lui aussi, il a vu l'évolution du jeune garçon, d'abord renfermé, puis de plus en plus ouvert aux autres. "Paul a énormément changé" souligne-t-il. Il ajoute, "on ne pouvait pas le prendre en photo, il s'est énormément ouvert".
Une bonne ambiance
Après le lycée, la mère de Paul l'a présenté aux fondateurs du restaurant, Marie-Astrid Bouron et son mari Eric. En rejoignant Chromosome, il n'a pas juste trouvé un travail, il a aussi rencontré de nouvelles personnes.
C'était sa première expérience dans la restauration, il a tout appris sur le tas grâce à l'aide des bénévoles.
Je ne connaissais personne, j'ai dû me familiariser avec eux, mais on s'est tous adaptés les uns aux autres hyper rapidement
Paul BlainÉquipier au restaurant Chromosome
Quand on lui demande s'il a l'impression d'avoir changé, Paul répond par l'affirmative et ajoute, "avant, je ne répondais jamais au téléphone, maintenant, je réponds". Dans sa vie d'avant, il n'avait pas autant d'interactions sociales. "Je vois beaucoup de monde, minimum 50 personnes par jour" remarque-t-il en souriant.
L'ambiance et les bonnes relations entre les équipiers et les bénévoles sont essentielles pour lui. "C'est le principal, si on ne s'entendait pas aussi bien, je ne sais pas comment on ferait. Il n'y aurait pas une bonne ambiance d'équipe" souligne le jeune homme.
Ce serait compliqué de partir d'ici pour faire un autre métier. Il me manquerait tous
Paul BlainÉquipier au restaurant Chromosome
Dès lors qu'on met un pied dans l'établissement, la bonne ambiance est flagrante. Que ce soit dans la cuisine, au moment du repas avec l'équipe ou pendant le service, on sent la complicité. Entre eux, les blagues et les rires fusent, même s'il ne faut pas oublier de travailler.
Zéro stress
Si le restaurant fonctionne aussi bien et si les équipiers peuvent évoluer grâce à leur travail, c'est grâce à une règle très simple : zéro stress. "On n'a rien adapté de particulier. L'adaptation, elle est plus dans le tempo et dans la manière de gérer nos équipes" souligne Marie-Astrid Bouron.
On est toujours cool, il y a le moins de stress possible
Marie-Astrid BouronFondatrice du restaurant Chromosome
C'était important pour la fondatrice de créer un espace sûr, dans lequel les équipiers peuvent se sentir bien. "La seule particularité, c'est peut-être notre salle de repos" rappelle Marie-Astrid Bouron. Mais elle observe qu'elle est de moins en moins nécessaire.
Sur chaque poste, les équipiers sont accompagnés d'un bénévole. Le but, que le travail soit effectué, mais sans jamais générer de stress. Car c'est souvent ce qui bloque les personnes porteuses d'anomalies génétiques.
La méthode zéro stress fonctionne puisque depuis les débuts du restaurant, la fondatrice a remarqué les évolutions de chacun."Ils ont fait énormément de progrès" affirme Marie-Astrid, le sourire aux lèvres.
Inclusion professionnelle
La Trisomie 21, aussi appelée syndrome de Down, est une anomalie génétique chromosomique. C'est l'une des anomalies chromosomiques les plus fréquentes, elle concerne approximativement une grossesse sur 400.
En France, environ 50 000 personnes sont porteuses de Trisomie 21. Ces personnes sont deux à trois fois plus touchées par le chômage que le reste de la population. Très peu de personnes atteintes de handicap mental travaillent en milieu ordinaire. Pourtant, elles sont tout aussi capables sur de nombreux postes, le restaurant Chromosome en est l'exemple.
À Nantes, il existe également le Reflet et le Café Joyeux qui emploient des personnes en situation de handicap mental ou cognitif.
Pour eux, c'est important d'être considéré comme des adultes
Jacques ColinBénévole au restaurant Chromosome
"Ils sont vraiment intéressants" raconte Jacques Colin, "Ils ont tous un caractère différent, il faut apprendre à les connaître". Le bénévole souligne quand même les difficultés, "ils fatiguent très vite. Quand ils en ont marre, c'est fini". Mais les bénévoles s'adaptent et finalement, le service se passe bien.
Pour Marie-Astrid Bouron, il n'y a pas que les bénévoles qui doivent s'accorder avec les équipiers. L'inverse est aussi vrai, "moi, je suis bluffé à chaque fois. Les équipiers s'adaptent énormément à nous, c'est remarquable. Mais c'est parce que le point commun, c'est la bienveillance" rappelle la fondatrice du restaurant.
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