Le prix de l'énergie met à mal la vingtaine de serristes de Loire-Atlantique. Le prix du gaz a plus que triplé et le prix des légumes produits ne pourra pas suivre une telle augmentation. La réduction de la production sera sans doute la solution retenue pour réduire le risque de faillite des entreprises du secteur.
"Le concombre est une plante tropicale qui a besoin de beaucoup de chaleur pour croître et pour déshumidifier les feuilles, et ainsi éviter les maladies", explique Louis Vinet. Le cours du gaz qui sert à chauffer ses serres de septembre à mars est passé de 20 à 96 euros le MWh (mégawatt/heure) en un an. Une augmentation qui ne peut pas être appliquée proportionnellement sur le prix de vente.
Les concombres, mais aussi les tomates, les poivrons et les aubergines que nous trouvons aux étals des marchés et des supermarchés ont besoin de cette chaleur pour rester dans une fourchette de prix acceptable pour le consommateur. "Nous produisons les concombres à 70 centimes pièce pour un prix de vente entre 1,20 € et 1,50 €".
Les serristes cherchent des solutions pour réduire les coûts. "Comme baisser la température de deux degrés la nuit, ce qui permet d'économiser du gaz mais ralentit la croissance des plantes, en dessous de 14° elles dépérissent". Et le compte n'y sera pas non plus.
Alors Louis Vinet envisage de ne faire que deux mises en culture au lieu de trois cette année. Chez lui il n'y aura pas de récolte entre septembre et octobre dans ces conditions.
"Il y a un risque de pénurie réelle sur ces légumes en fin de saison si elle est avancée, une fin de saison qui risque de mettre en péril l'économie des producteurs qui seront contraints au chômage technique en octobre", s'alarme le maraîcher dont le grand père a créé les serres du Clos de la Fontaine, à Bouguenais, près de Nantes.
Le manque de production nationale ne pourra pas être compensé par les producteurs espagnols, "le concombre est lourd et lui faire faire 2 000 km en camion coûte aussi très cher".
La cogénération n'amortit plus les coûts
Le modèle économique de la production de légumes sous serres chauffées repose sur le principe de la cogénération pour amortir les coût de production du chauffage. D'un côté, on achète du gaz, et de l'autre, on vend de l'électricité, en chauffant les serres au passage.
De gigantesques moteurs au gaz font tourner des alternateurs, qui alimentent le réseau électrique. La chaleur dégagée par ces moteurs chauffe les serres, l'électricité produite rémunère le producteur. Astucieux en temps normal, mais plus suffisant quand les prix du gaz dérapent.
"Il faut être ingénieur pour comprendre le principe de fixation des prix", s'exclame Louis Vinet. "On économise 20 € en général jusqu'à 30 € au mieux le MWh d'électricité, mais on ne sait jamais à l'avance combien il nous sera acheté". Et ce prix peut varier dans des proportions considérables, d'une demi-heure sur l'autre.
Alors faute de pouvoir contrôler le prix de vente de ses électrons, le maraîcher chauffe plutôt en semaine que le week-end, là où il y a la plus forte demande. Pour cet été, il va produire à froid, c'est à dire sans chauffage et avec une baisse de production prévisible de 40 % en volume.
Des aides directes ?
En tant qu'administrateur de la fédération des maraîchers Nantais, Louis Vinet interpelle le président candidat, : "Il va nous falloir des aides directes sur le prix du gaz, des tomates à 5 € le kilo sur les étals ça ne passera pas chez les consommateurs !"
La fédération des Maraîchers Nantais regroupe près de 400 entreprises en Loire-Atlantique qui génèrent plus de 4 000 emplois équivalent temps plein.
Les entreprises de production de tomates et concombres sous serres chauffées sont en péril, les prévisions d'un retour à la normale du prix de l'énergie ne sont pas entrevues avant 2023. Un temps beaucoup trop long pour la trésorerie des maraîchers serristes.