Premier jour du procès de l'affaire Troadec à la Cour d'Assises de la Loire-Atlantique. Le début de l'audience ce mardi 22 juin a été consacrée au tirage au sort des jurés, à la présentation des parties civiles, des témoins, à la lecture du déroulé des faits.
9h15 Ouverture du procès par la présidente Madame Laborde.
Les accusés se présentent à la demande de la présidente. Lui vêtu d'un polo aux armes du "Velistica" un yacht club italien, elle dans un T-shirt blanc un peu trop large
"Lydie Troadec, née en janvier 1969 à Brest, sans profession", la présidente ajoute, "vous êtes défendue par Maîtres Cabioch et Christin".
"Hubert Caouissin, né en décembre 1970 à Brest, technicien à l'arsenal." "Où demeurez-vous ?" "Je demeure à Pont-de-Buis" Il a du mal à le dire. "Et vous êtes défendu par Maîtres Fillon et Larvor" ajoute la présidente.
La présidente présente les jurés, commence le tirage au sort. Six jurés sont tirés au sort, 6 autres jurés suppléants sont tirés au sort également. La présidente leur demande de prêter serment. Les jurés enlèvent leurs masques et lèvent la main l'un après l'autre à l'appel de leurs noms. Les jurés assisteront au débat sans pouvoir intervenir.
9h35 La présidente déclare les débats ouverts et demande s'il y a constitution de partie civile. Me De Oliveira renouvelle la demande de partie civile des membres de la famille Brigitte Troadec. Me Pacheu renouvelle les demandes de la famille de Pascal Troadec.
9h45 La présidente donne lecture du déroulé des faits. Depuis l'appel des sœurs de Brigitte Troadec, inquiètes de ne pas avoir de nouvelle de Brigitte. Elles faisaient état de l'absence de Pascal à son travail. La police commençait son enquête au domicile d'Orvault.
La présidente n'épargne aucun détail des circonstances de l'altercation tels que relatés par Hubert Caoussin, des coups qu'il avait portés sur les têtes des membres de la famille Troadec. Comment, toujours selon lui, il a pris la décision de transporter les corps dans des sacs poubelles d'Orvault à Pont-de-Buis. Comment il avait dépecé les corps, les avait démembrés, éviscérés, brûlé les os dans une chaudière, ou dispersé les restes à la main dans les ronciers...
Hubert Caouissin et Lydie Troadec, séparés dans le box des accusés par un gendarme, écoutent, masqués et attentifs, le récit fait par la présidente. Les sœurs de Brigitte Troadec essuient des larmes.
Un état de délire paranoïaque
Viennent ensuite le résumé des constations faites par les enquêteurs au domicile d'Hubert Caouissin. Ils sont remontés dans les documents informatiques collectés par le couple, leurs recherches internet diverses, portant sur la localisation de la maison d'Orvault, la combustion des corps dans une chaudière, ou l'usage de colliers serflex.
Les autorités d'Andorre, de Monaco, de Suisse ont été sollicitées pour connaitre la possibilté de comptes appartenant au couple Troadec. Ni a Andorre, ni à Monaco, une trace de comptes n'a pu être trouvée. Les autorités suisses faisant valoir qu'une telle existence de compte ne pouvait être trouvée.
Les expertises psychiatriques concluent à un état de délire paranoïaque concernant Hubert Caouissin.
Pas de préméditation retenue pour Hubert Caoussin, les coups portés à la tête caractérisent cependant une intention d'homicide, Pour Lydie Troadec, il est considéré qu'elle a bien voulu porté atteinte aux preuves d'un crime.
10h50 La présidente s'adresse à Lydie Troadec qui enlève son masque et se lève. "Acceptez vous madame de répondre aux questions ?" "Oui" répond-elle vivement. "Reconnaissez-vous les délits dont vous êtes accusée ?" "Oui".
La présidente s'adresse de la même manière à Hubert Caouissin. Il enlève son masque, se lève, croise ses bras dans son dos. "Acceptez-vous monsieur Caouissin de répondre aux questions qui vous seront posées ?" "Oui" répond-il spontanénemt.
"Reconnaissez-vous avoir donné la mort à :" la présidente prononce lentement prénoms et noms, marquant un temps entre chaque, "Pascal Troadec, Brigitte Troadec, Sébastien Troadec, Charlotte Troadec ?" Hubert Caouissin : "non !"
"Reconnaissez-vous l'atteinte à l'intégrité des cadavres ?" "Oui" répond Hubert Caouissin laconique.
Il est 11 heures, la présidente annonce une suspension de séance pour que les jurés s'organisent.
La personnalité de Lydie Troadec
11h35 Reprise des débats avec le curriculum vitae de Lydie Troadec. La présidente la questionne, revient sur le décès de son père en 2009. "Pouvez-vous nous dire de quoi souffrait votre père et comment il est décédé ?"
Lydie Troadec se tient debout, droite, bras dans le dos. Elle se livre rapidement spontanément. "Mon père était hospitalisé pour un cancer, il est mort à l'hôpital. Le médecin m'a dit que c'était un cas sur 100 000 ! J'aurais aimé une autopsie, ma mère n'a pas voulu. C'est quelque chose qui m'a hanté".
La présidente l'invite à parler de sa mère. "Votre mère parle comment de son décès ?" "Elle ne livre jamais rien, je n'ai pas d'écoute de son côté". "Dans cette circonstance ?" demande la présidente. "Même quand j'étais enfant". "Comment pourriez-vous qualifier votre mère ?" "Ma mère est une personne gentille, une handicapée des sentiments".
"Qulles étaient les relations avec votre père ?" relance la présidente. "Il n'y avait pas beaucoup de sentiments entre nous. Il n'y avait rien d'autre que le travail entre eux. Mon père a pris ses distances quand j'ai grandi". "Quel était son métier ?" "Il était plâtrier. Ma mère m'a dit que je n'étais pas un enfant désiré par mon père".
"Et votre frère", reprend la présidente, "je l'aime bien". "Vous en parlez au présent". "Oui toujours". "Nous avons passé des bons moments enfants. On s'entendait bien". Mais vous avez indiqué des disputes avec votre frère ?"
"Il ne supportait pas que je réussisse à l'école, ça le rendait jaloux". La présidente relève comme une contradiction. "C'était des chamailleries ou c'était plus sérieux ?". Il me cassait mes choses quand il était petit. J'avais besoin de lui". On a été traité de la même manière par nos parents. Ados c'est devenu moins sympa".
La présidente reprend : "Votre père est présenté comme autoritaire". "C'est vrai, il y a eu parfois des violences. Sur mon frère également. Une fois j'ai entendu des coups, des hurlements dans le garage. Je suis allé chercher ma mère". "Que faisait votre mère ?" "Elle se soumettait, ne donnait pas son avis". "Avec vous elle est comment ?" "Un peu soumise, elle n'a pas d'initiatives, elle est comme ça". "Vous avez de bonnes relations avec elle ?" "Oui toujours".
"Qu'est-ce qui fait selon vous que vous avez eu perçu Pascal comme jaloux, maltraitant, vous vous fréquentez avec la famille de sa femme. À quel moment les choses ont changé ?" "Quand j'ai présenté Hubert en 2006, en camping ça se passait bien. Et quand ils m'ont invitée un peu plus tard, Pascal m'a traité de traînée." "Mais vous continuez à vous voir. Quel est le moment du déclenchement de la dégradation de vos relations ?" "Quand ma mère a commencé à parler de cette histoire d'or".
La présidente ne comprend pas, elle lui fait repréciser les dates. Lydie Troadec ne sait pas répondre. Elle bredouille, se reprend, puis lâche d'un trait : "Dans ma famille on a toujours fait semblant. On dit que tout va bien, même quand ça ne va pas".
"Quand Pascal rencontre Brigitte, comment réagissez-vous ?" "J'étais contente". Elle sourit à se souvenir. "Pourquoi étiez-vous contente ?" Parce qu'on en avait souvent parlé".
La présidente lui demande comment son père a accueilli la nouvelle venue. "C'est mon père qui a dit que Brigitte n'était pas quelqu'un de bien. Je l'ai trouvée gentille, plaisante, agréable, posée". "Comment votre mère accueille cette relation ?""Très bien, sans effervescence".
"Vos neveu et nièce, vous vous rappelez des premiers instants ?" "On ne m'a pas prévenu de la naissance de Sébastien à la maternité. Je l'ai vu pour la première fois chez eux à Drancy. J'ai moins vu Charlotte, j'étais à Paris et eux étaient revenus à Nantes". "Des moments heureux avec eux ?" "Oui", elle sourit à ses souvenirs.
Dans le box, Hubert Caouissin regarde par terre à l'évocation de ces jours heureux.
"Quand les avez-vous vus pour la dernière fois ?" "En décembre 2013, ils étaient plus distants." La présidente voudrait en savoir plus : "C'était dû à leur âge ou à autre chose ?" Lydie Troadec reprend presque un ton plus bas : "c'était dû à leur âge".
"Et Pascal et Brigitte, quand les avez vous revus pour la dernière fois ?" "En août 2015". "Ça se passe comment ?" "Il dit être déçu de ne pas pouvoir voir sa mère. Ça m'attristait que ma mère ne veuille plus les voir." "Pourquoi ?" "À cause d'une réunion de famille en 2014. Hubert Caouissin était venu en juin", précise la présidente. "On ne se parlait plus après. Avec le recul je comprends que mon frère était en souffrance".
"Cette histoire d'or vous pensez que ça n'a jamais existé ?" "Maintenant oui, depuis un an et demi. Je suis triste de ce qui s'est passé. Il aurait eu l'or, je m'en moquais. La santé, la vie est plus importante".
La présidente revient sur ses premières déclarations à propos de son frère. "Vous le dites immature, instable, vous le présentez avec des éléments négatifs et vous nous dites, nous étions heureux". Le corps de Lydie Troadec se tasse un peu, elle ne sait pas bien répondre.
La présidente reprend, "dans l'ordinateur on trouve un fichier "crapule et grosse dondon". C'est vous qui les dénommez ainsi ?" Elle se redresse. "Non c'est lui". Elle désigne Hubert Caouissin du menton.
Lui a toujours la tête baissée, le regard tourné vers le sol. Sa tête fait un mouvement. Comme un moment d'acquiescement. "Votre mère était au courant ?" "Non je ne les ai jamais désignés devant elle".
La présidente essaye de remonter le temps : "Votre mère vous parle de lingots d'or en 2014 après que votre père avait parlé d'ISF avant ?" "Je ne me souviens pas". "Vous dites aux enquêteurs, oui on avait enfoui ça". Lydie Troadec ne se souvient plus bien.
La présidente reprend, "Vous résidez actuellement chez votre mère. Comment est votre mère avec vous ?" "Elle ne dit rien". "Elle ne s'est pas portée partie civile, pourquoi ?" "Elle ne veut pas être contre moi. Je ne suis pas certain qu'elle comprenne tout ça".
12h55 La présidente suspend ses questions.
A 14h40, la présidente reprend l'audience et revient sur le parcours pré-professionnel de Lydie Troadec. "Vous avez eu un Bac G3 que vouliez-vous faire ensuite ?" "Je voulais devenir infirmière mais ma mère n'a pas voulu". "Pourquoi ?" "Elle disait que ça allait être trop dur pour moi". Elle a cependant poursuivi en BTS.
"Vous avez travaillé avec votre père ?" "Oui j'ai fait les marchés avec mon père". Ensuite elle art à Paris travailler en intérim. "Mon père n'était pas d'accord. Je n'étais pas heureuse en Bretagne". "Vous y avez retrouvé le couple, Pascal et Brigitte ?" "Oui on s'entendait bien". Elle fréquentait aussi les sœurs de Brigitte.
Et à la faveur d'un licenciement elle décide de quitter Paris. "Je voulais un autre cadre de vie. Je voulais un enfant. Et puis je suis tombée malade. Un cancer".
"Depuis que vous êtes placée en contrôle judiciaire, avez-vous fait des démarches pour une formation ?" "J'ai entrepris des démarches pour un bilan de compétences, des cours de math, français, informatique, mais avec ma maladie c'est ralenti. Je voudrais m'occuper d'enfants en difficulté". "Pourquoi des enfants en difficulté ?" "Parce qu'on m'a dit que mon enfant était autiste, et que ce n'est pas vrai. Il a été battu pour ça".
La présidente avance avec pudeur sur la question des relations sentimentales. Lydie Troadec répond toujours avec la même franchise, la même spontanéité. Toujours les bras croisés dans son dos.
"J'ai connu un homme quand je travaillais à Paris. Il m'a réconcilié avec les hommes. Mon père m'en avait donné une mauvaise opinion". "D'autres hommes demande la présidente ?" "Oui mais je n'étais pas amoureuse".
"Vous dites qu'à Orvault chez votre frère qu'il vous a traitée de fille facile. Monsieur Caouissin était présent ?" "Oui. Mon frère me disait que je me faisais avoir avec tous les hommes". "Quand je lui ai demandé pourquoi il me disait ça, il m'a répondu qu'il ne voyait pas de quoi je voulais parler... J'étais choquée. Brigitte était présente, elle avait dit que mon frère avait souffert plus que moi dans son enfance".
"Avez-vous rencontré d'autres hommes une fois revenue en Bretagne". "Oui un, mais sa profession ne m'intéressait pas !" "Ah bon" fait la présidente. "Il était orthodontiste et quand j'étais gosse j'en voyais un".
Vous avez rencontré Hubert Caouissin le 6 mars 2006 vous vous souvenez précisément de la date". "Oui c'était un bon moment". Elle garde toujours ses bras croisés, il regarde toujours par terre.
La présidente reprend, "vous vous installez rapidement l'un chez l'autre". "Oui, on s'entend bien. J'aimais son côté pétillant, son humour. Il me trouve gentille". Et elle ajoute, "je n'étais pas son genre". La présidente, "comment ça pas son genre ?" "Je ne suis pas blonde !"
"Comment a été accueilli Hubert Caouissin par votre frère ?" "Bien, nous sommes passés les voir en partant en vacances au mois d'aout 2006". "Pourquoi ne pas avoir commencé par vos parents ?" "Mon père était souvent négatif". "Il y a eu des périodes de froid dites-vous l'un comme l'autre au juge avec vos parents". "Mon père pouvait prendre la mouche pour pas grand-chose, il pouvait bouder pendant des mois". "Quand mon frère a su que j'avais un cancer, ils ont repris contact avec moi. Je ne sais pourquoi il y avait des périodes de froid, j'ai posé la question à ma mère, je n'ai pas de réponse".
La présidente : "Vous dites de Monsieur Caouissin, Sébastien et Charlotte, c'était comme si c'étaient ses neveu et nièce. Vous dites qu'il les aimait bien ?". "Je dis aimait bien parce que ça se passait bien". "À partir de 2013 vous ne voyez plus les enfants, ça ne vous chagrine pas ?" "À chaque Noël je leur faisais un chèque, mais j'avais l'impression que ça ne leur faisait rien".
La présidente : "Vous êtes enceinte en 2007, vous vouliez un enfant ?" "J'avais 39 ans, nous voulions cet enfant". La présidente ajoute, "Jean (nous avons changé le prénom) nait en juillet 2008..." "Oui avec trois semaines d'avance, Hubert s'en occupait, l'enfant ne prenait pas de poids". "Vous dites au juge que s'il était arrivé quoique ce soit à Jean il ne resterait pas avec vous ?" "Oui j'étais déjà avancée en âge, il me disait qu'il pourrait refaire sa vie avec une autre femme. Je l'ai mal vécu, c'est très blessant, l'amour ça doit dépasser tout".
"Il m'avait dit que Jean pouvait-être en danger par rapport et Pascal et Brigitte. Ils avaient demandé à ma mère ou était scolarisé Jean". Vous aviez peur que votre frère et votre belle-sœur pourraient vouloir tuer Jean. "Oui". C'est vos déductions ou ce sont les propos de Hubert Caouissin ?" D'Hubert Caouissin". "Et je serais morte après".
Sa voix tremble. La présidente, pourquoi ? "À cause de l'or." "Avez-vous raisonnablement pensé que Brigitte et Pascal pouvaient tuer Jean ? "Non". Et vous pensez que Monsieur Caouissin pouvait tuer leur neveu ? "C'était sa peur à lui".
La présidente : "il y a eu plusieurs périodes de descolarisation, il vous aurait dit que Sarkosy avait fait faire des fichiers sur les enfants à problèmes et qu'il fallait le soustraire ?". "Et vous l'avez cru?" "Ben oui". "Pourquoi ?" "Il est intelligent, on en a eu la preuve avec Jean. La maitresse l'avait déclaré autiste et en fait c'est un enfant intelligent. On est tombé sur une mauvaise maitresse".
"Vous vous êtes pacsés". "Oui on voulait s'engager l'un l'autre". "Vous avez fait un cancer, comment a été Hubert Caouissin avec vous ?" "Attentif, soutenant". Mais il y a eu des crises entre vous. "Oui quelques séparations pendant son burnout".
"Comment votre frère et vos belles sœurs ont appris votre maladie ?" "J'ai été triste parce qu'elles ne m'ont pas demandé si c'était grave". "Vos relations ne sont plus comme avant ?" "Oui ils ne cherchaient pas plus que ça à nous voir". "Il y a cette histoire d'or, est-ce que ce n'est pas ce qui a dégradé votre relation ?" "J'essaye de comprendre leur comportement, quelques fois j'ai des débuts d'explication, je ne suis pas assez allé vers eux".
Le burnout de Monsieur Caouissin, est dû à quoi ?" Son travail". C'est lui ou le médecin qui vous le dit ?" "Le médecin généraliste". "Son humeur change, quand on voit son père ou sa mère se cogner la tête contre les murs... je suis partie avec mon enfant. Il se jetait contre le mur" sa voix se noue, "un jour en allant au judo, je lui ai reproché de ne pas avoir pris l'appareil photo, il s'est cogné volontairement la tête contre le tableau de bord. Elle sanglote. "Cette perte de contrôle ne vous avait jamais fait peur ? "Non, il ne me faisait pas de mal physiquement." "C'est difficile à vivre vous en fait part à quelqu'un ?" Non j'étais seule". "Vous avez demandé de l'aide ?" "J'en ai parlé au médecin qui m'a dit qu'Hubert ne faisait pas d'effort". "Votre mère savait ?" "J'ai laissé tomber, je voyais qu'on ne me croyait pas".
"En 2012 vous avez décidé de dissoudre le pacs," demande la présidente, "pour la CAF c'était plus intéressant, pour que je sois indépendante financièrement".
"Vous achetez une maison à Pont-de-Buis qui est au courant ?" "Ma mère". Pas votre frère ?" "Non". "C'est très isolé cet endroit". Hubert ne supportait pas le bruit, ça ne me dérangeait pas". "Comment l'enfant supportait cet isolement ?" "Il allait au judo deux fois par semaine". "Il ne vous est jamais arrivé de vous poser la question de savoir pourquoi dans ces conditions votre frère et votre belle-sœur ont cherché à savoir où était scolarisé votre enfant ?" "Maintenant oui".
La présidente change de ton. "On a retrouvé des milliers de fichiers à caractère pornographique, pédopornographique, zoophile, vous en aviez connaissance ?" "Non". "Quelle était votre vie intime ?" "Nous en avions une, y compris pendant ma maladie".
"Pourquoi viviez-vous au rez-de-chaussée dans une très grande maison, avec votre lit au milieu de la pièce à vivre". "Il y avait un poulailler, il n'en supportait pas le bruit". "Les bruits qu'il entendait vous pouviez les entendre ?" "Oui, en tendant l'oreille. Un ORL nous a dit qu'il avait l'oreille hyper sensible".
La présidente, "ma question est compliquée, que cette question de l'or ait existé au pas, ce n'est pas l'objet de cette cour d'assise", Lydie Troadec étouffe un sanglot, "comment avez-vous compris cette séparation progressive d'avec votre famille ?". "On s'est coupés du monde". Elle pleure.
La présidente change de sujet. "Comment va Jean ?" "Il va bien, il est très fort il cache des choses, même quand il se fait taper à l'école". "Et vous Madame Troadec, où en êtes-vous avec Monsieur Caouissin ?" "C'est terminé, je me sens séparée de lui. La ferme, il faut qu'elle soit vendue, j'ai eu du mal à y retourner". Elle sanglote. "Par rapport à Pascal, Brigitte, Sébastien et Charlotte". Hubert Caouissin relève la tête et regarde la présidente. Sans expression.
Lydie Troadec soudain devient volubile, dans un flot de paroles et de sanglots elle parle. "Il est malade de paranoïa délirante, je suis passé à côté, je n'ai rien vu, je ne savais pas qu'il allait si mal que ça. Je suis en colère contre lui, contre moi". Elle pleure à chaude larmes". "J'ai mal pour eux, je culpabilise, si je m'en étais rendue compte, tout ça ne serait pas arrivé". La présidente entre deux sanglots : "Et vous vous alliez bien ?" "Non je ne crois pas". Elle pleure chaudement.
La présidente semble touchée. Après lui avoir proposé de s'assoir, elle lui propose de faire une pause. Remettant ses questions à plus tard.
Il est 16h15, reprise à 16h40 annonce la présidente.
Reprise à 16h45.
La présidente demande à Lydie Troadec si elle avait fait l'objet d'un suivi psychiatrique pa rle passé. "Oui, j'étais harcelée au travail. Par mon employeur". Comment cela c'est-il terminé ?" Le psy m'a conseillé de quitter mon enploi. Nous n'avons jamais abordé mes relations avec Hubert Caouissin.
"Vous dites on était isolés. Avez-vous des relations amicales ?" "Oui, une amie, qui ne veut pas témoigner. Elle connaissait mon frère. Je ne peux pas me dévoiler, je ne peux pas créer des liens authentiques avec cette affaire. Je ne peux pas me dévoiler".
Lydie Troadec a été libérée et placée sous contrôle judiciaire le 3 juillet 2017 au regard des échéances et de l'absence de précédents judiciaires. "Je n'ai pas le droit de me retrouver en contact avec les parties civiles, ne pas aller à Pont-de-Buis, une obligation de soins". La présidente ajoute, "ne pas entrer en contact avec Monsieur Caouissin, ne pas vous exprimer devant les médias. Ce que vous avez parfaitement respecté".
"Sur demande de votre avocat vous avez demandé de lever l'interdiction de vous rendre à Pont-de-Buis". "Il y avait eu un cambriolage, et je voulais récupérer des vêtements pour le petit". "Prenez-vous un traitement ?" "Oui pour le cancer, et le psychaitre m'a prescrit un tranquilisant".
La présidente donne lecture d'un courrier envoyé à Hubert Caouissin à l'automne 2017, dans lequel elle lui dit sa colère, la prison, la destruction de sa famille, son enfant sans parents. "Je suis toujours en colère" lui répond Lydie Troadec.
La présidente poursuit, "vous vous êtes inscrite en auditeur libre à la fac de psycho..." "Oui je veux comprendre la psychologie humaine." "Vous pourriez consulter". "Je veux pouvoir donner des réponses à mon fils. Et qu'il s'épanouisse".
Les questions des parties civiles
Me Méchineau. "La période de l'école 2016 2017. Jean était à l'école à la maison". "Ce n'était pas facile pour lui ni pour moi. Il ne voulait plus retourner à l'école. Il n'allait plus qu'au judo, mais au foot à Chateaulin". "Est-ce que Jean entre 2014 et 2017 sait les craintes que vous aviez avec son père, des dangers que vous pressentiez ?" Hubert Caouissin relève la tête en direction du questionneur. "Jean est nu propriétaire de la maison de Pont-de-Buis, j'en ai l'usufruit. Pas Hubert Caouissin".
Me Pacheau. "Vous nous avez dit que vos parents n'étaient pas affectueux avec vous est-ce que c'était la même chose envers lui". "Oui il n'y avait pas de différence. Mes parents disaient que ce n'était pas la peine que Pascal mette le nez dans des bouquins". "Un voisin nous a indiqué que le père Troadec était dur avec son fils". "Je pense que mon père était aussi dur avec moi qu'avec lui".
"Vous allez me dire si je me trompe, voilà des enfants qui ont des enfants qui ont peu d'affection de leur parents, ce sont deux enfants qui peuvent avoir de l'affection l'un pour l'autre". "Oui j'ai parfois pris sa défense".
"Vous avez dit c'est Pascal qui a annoncé mon cancer à mes parents". "Il le fait en 2009, je ne le lui avais pas demandé". "En 2009 votre père meurt, vous l'avez vécu difficilement, et votre frère ?" "Il l'a vécu douloureusement". "Pourquoi ?" "C'était son père".
"Lors de la naissance de Jean vous avez attendu huit mois avant de voir vos parents pourquoi ?" Avec virulence :"J'ai l'habitude d'être jetée Monsieur". Elle se pince les lèvres.
"La question de votre situation financière n'a pas été évoquée. Connaissez vous la somme dont a bénéficié votre frère ?" "100 000 francs pour acheter la aison d'Orvault. En échange de la gratuité du logemetn, d'une Corsa et d'un frigo".
"Et la maison de Pont-de-Buis ? Vous l'avez achetée 150 000 euros ?" "Ce sont mes économies".
Me de Olivera. "Est-ce que Pascal a été informé d'un virement de 10 000 euros de la part de votre mère pour l'achat de la maison de Pont-de-Buis ?" "Je ne sais pas".
"Connaissez vous le patrimoine de Monsieur Caouissin ?" "Non". "Avant d'en finir avec l'argent ou avec l'or. À quel moment avez vous cessé d'y croire ?" "Récemment, mais j'avais eu un doute avant". "Pourquoi ne pas l'avoir dit au juge ?" "Je ne sais pas".
"Quand avez vous appris quand que Monsieur Caouissin avait des consultations pédapornographiques sur le web ?" "À l'instruction". "Vous nous dites être soumise". "À qui êtes vous soumise ?" "À Hubert".
L'avocat général. "Vous dites Pascal n'était pas attentionné avec ma mère". "Oui elle venait d'être opérée de la hanche, quand il est venu la voir il ne s'était pas occcupé d'elle".
La défense. "Madame Troadec, vous avez sur une question de la présidente, s'agissant d'Hubert vous avez repris la date de votre rencontre, vous nous avez rapellé le cinéma, le restaurant, vous vous souvenez d'autres choses ?" "J'avais les pieds gelés, il me les a réchauffés".
"Vous nous avez dit avoir une opinion resevée des hommes, que vous a t-il apporté ?" "La possibilité de devenir une mère, d'avoir un enfant". "J'ai le sentiment que la naissance de Jean a fait naitre une angoisse". "Avec le recul oui. C'était un problème de nourisson. L'enfant avait perdu beaucoup de poids. Il est possible que cette naissance l'a rendu craintif".
"C'était un papa comment ?" "Très impliqué, il voulait son bien et sa réussite. Quand il était bébé il s'en occupait vraiment bien, lui donnait le biberon". "Et l'adaptation à l'école ?" "J'étais très affaiblie, j'avais dit à la maitresse que j'étais malade, cela a eu un effet inverse avec elle". "Pourquoi le descolariser, ça été très compliqué ?" "Tantôt pour le psychiatre c'était l'autisme, tantôt c'était la dépression. On n'a pas eu de chance".
"Votre vie malgré les malheurs, c'était une vie riche ?" "Pour moi oui". Vous avez écrit en 2017, je sais que tu m'aimes", "ça fait mal" le coupe t-elle". "Vous nous avez dit que l'or n'existait pas au travers des médias, ça ne dit pas que c'est la vérité ?" "L'instruction l'a démontré". "C'est Renée la première qui en a parlé ?" "Je n'en ai pas le souvenir".
"Vous nous dites être soumise. Qui prenait les décisions ?" "Hubert". "Il vous a obligé à faire des choses que vous ne vouliez pas ?" "Je ne dirais pas ça comme ça. Il réussissait à me convaincre".
Me . "Vous avez parlé de votre frère au présent". "J'ai du mal a intégrer sa disparition". "Y a -t-il eu un moment de rupture dans la distorsion de votre relation avec votre frère ?" "Je ne comprends pas bien la question". "Comment, qui vous aide à comprendre les choses", "ma copine Nadine, le psychiatre".
"Quand Hubert revient couvert de sang et vous demande de nettoyer ses habits, vous avez eu peur ?" "Non, il ne me voulait pas de mal. C'est plus tard que j'ai eu peur qu'il me fasse du mal ou à mon fils".
Me Cabioch. "Pour l'achat de Pont-de-Buis, apparaissent des virements à votre mère de 500 euros, le dernier est libellé ainsi, remb prêt? cette somme que votre mère vous a prêtée vous l'avez remboursée jusqu'à votre incarcération ? "Oui".
"Votre enfant vous l'appelez le petit, ça lui plait ?" "Non. Il grandit". "Est-ce que vous comprenez que votre neveu et votre nièce ne réagissent pas à vos cadeaux ?" "Oui".
"Vous vous souvenez avoir parlé avec votre frère de la manière dont il a traité votre mère lors de son opération ?" "Non". Me Cabioch la relance, elle s'agace et répond sèchement. "Une famille ou on parle pas ! On se dit pas qu'on s'aime". Et on ne se remercie quand fait un chèque à ses neveux poursuit l'avocat. "Pour le chèque j'ai été vexée, je l'ai gardé pour moi".
"Est-ce que une fois une personne vous a demandé si vous étiez la Lydie Troadec dont on parle ?" "Non je ne donne jamais mon nom. Pour protéger mon fils".
18h12
La présidente fait rentrer le témoin, Amandine Le-Bihan qui a réalisé l'enquête de personnalité.
L'enquête de personnalité a pour but d'éclairer la justice sur la personnalité de la personne mise en cause. "Je l'ai rencontrée à Brest, en dépit de ses soucis de santé, elle s'est montrée disponible. J'ai rencontré sa mère, et pris contact avec des membres de sa famille et pris attache avec ses employeurs.
Son père était plâtrier et a rénové un immeuble qu'il rénove et y installe sa famille. Après des soucis de santé, il gagne sa vie sur les marchés. Il n'a pas désiré sa fille, il est autoritaire et méprisant. Il la considère comme une pièce raportée.
Sur le plan scolaire elle est plutôt bon élève. Après la première elle change de lycée, à raison d'une mésentente avec une élève. Un ami dit d'elle, -elle est gentille attentionnée, manque peut-être d'initiative. Sept mois après la naissance de son fils, elle déclare un cancer du sein. La période est difficile, entre sa maladie, l'arrivée de l'enfant, le décès de son père. À partir de 2013, le couple vit avec son enfant à la maison. Il s'isole encore plus à Pont-de-Buis. Seule sa mère Renée est au courant de leur changement d'adresse. Les témoins la décrivent comme sociale, joviale, agréable, anxieuse, manquant de confiance en elle".
Question de la présidente, "Lydie Troadec a évoqué avec vous un évènement de violence entre ses parents vers 8 ans". Amandine Le-Bihan confirme. "Elle perçoit son père comme très négatif avec les femmes, les dévalorisant constamment. Elle dit, -il jugeait mon frère plus intelligent que moi. Ses témoignages ont été confirmés par sa mère qui dit avoir été bousculée comme il le faisait pour sa fille. Madame Renée Troadec évoque l'alcool, mais pas Lydie Troadec.
Le discours de la mère rapporte celui du père. Madame Troadec rapporte que son mari ne souhaitait pas un deuxième enfant, encore moins une fille.
Les derniers employeurs de Lydie Troadec n'ont pas de reproches à lui faire sur le plan professionnel. Ils font le constat d'une personne sous influence par les comportements qu'elle a pu avoir. Faisant valoir le fait qu'au terme d'une longue période d'arrêt de travail c'est Mr Caouissin qui est venu les avertir qu'elle allait prendre un congé parental".
19h, la résidente appelle le second témoin.
Nadine Géguin, 55 ans, conseiller retraite. "Lydie est une amie que j'ai rencontrée en formation en 2002. C'est quelqu'un que j'ai bien connu, on était célibataire, on se voyait lors de sorties hors de la formation. Je l'ai recroisée une première fois à la médiathèque chercher des livres, en 2018, et j'ai vu quelqu'un qui me regardait fixement que je n'ai pas reconnue, mais ça m'a bouleversée.
Quelques jours plus tard je l'ai revue, ça m'a profondément troublée, j'ai dû consulter un psychologue. Après l'adoption de mon fils en 2009, j'ai su quelle avait eu un enfant et un cancer".
La présidente : "Expliquez vous comment la relation s'est distendue ?" "Elle avait changé de vie, j'ai mis cette distance sur le compte de se changement". "Vous avez repris contact avec elle depuis ?" "Oui nous avons repris contact. Elle est toujours mon amie. Je ne savais pas si j'avais envie de la revoir, j'ai fait ce choix. Elle me parle de l'affaire comme elle veut. Je ne lui pose pas de questions".
La présidente : "Madame Troadec vous fait-elle part de sentiments de projets ?" Vous donne elle une explication de ce qui c'est passé ?" "J'ai lu des articles, je ne lui demande rien. Je sais qu'elle a honte de cette affaire, elle reconnait que c'est abominable. Elle me dit qu'elle ne voyait plus son frère au moment des faits. Sans en dire plus. Que c'était compliqué".
"La première fois que j'ai rencontré Hubert Caouissin, je l'ai trouvé froid et distant. Je suis allé plusieurs fois chez eux. Ils s'est montré tout à fait normal. Elle me disait j'ai rencontré l'homme de ma vie".
Me de Oliveira. "Depuis que vous avez repris contact avec Madame Troadec vous a-t-elle parlé de Mr Caouissin ?" "Oui elle m'en avait parlé comme d'un bon père qui s'occuppait de son enfant". "Vous parle-t-elle des défauts de Mr Caouissin ?" "Elle m'a parlé de quelqu'un d'assez rigide, de quelqu'un qui aime que les choses soient en ordre".
Me Cabioche. "Pouvait-elle s'occuper normalement de son enfant ?" "Elle souffrait beaucoup de son bras, elle ne pouvait pas le soulever facilement".
Fin des débats à 19h30.