Que s'est-il passé dans l'appartement de Saint-Sébastien-sur-Loire, près de Nantes, le 9 août 2020 ? Quatre accusés devront répondre de "vols avec violence ayant entrainé la mort" du jeune Nadir Marouf, un lycéen sans histoire âgé 18 ans. Ils encourent la perpétuité
Que s'est-il passé ce 9 août 2020 derrière les volets de cette résidence appartement du 23 rue du Languedoc à Saint-Sébastien-sur-Loire, au sud de Nantes ?
Aucune trace d'effraction
Inquiète de ne pas avoir de nouvelles, Lola, une amie de Nadir Marouf se rend chez lui. La porte est ouverte, intacte, elle n'a pas été forcée. Aucune trace d'effraction.
Elle entre et aperçoit les jambes inertes du jeune homme. Elles dépassent du lit et sont attachées avec du ruban adhésif. Le jeune homme git au sol, un oreiller lui recouvre le visage.
Les secours constatent le décès dès leur arrivée. La victime est bâillonnée, ses poignets et ses chevilles sont entravées. L'autopsie établira que le lycéen est décédé des suites d'une asphyxie d'allure mécanique. Des lésions traumatiques cervicales évoquent une strangulation manuelle.
Le corps présente par ailleurs des plaies dues à l'utilisation d'un objet piquant ou tranchant
La chambre est en désordre, des tiroirs ont été fouillés. Sur place, les enquêteurs trouvent un couteau caché sous un tas de vêtements et surtout, ils prélèvent de l'ADN sur un masque Covid, le drap housse du lit.
Des traces génétiques qui très vite vont parler et permettre d'identifier trois personnes.Lyès I., Sid A. et Boubakar M. Le casier judiciaire de ce dernier compte cinq condamnations notamment pour des vols aggravés et port d'arme blanche de catégorie D. Tous sont sans abris.
Trois suspects interpellés à Nantes, Paris et en Espagne
Que cherchaient-ils ? 3 700 euros en liquide que le beau-père de Nadir, parti en vacances en Espagne avec le reste de la famille, n'a pas eu le temps de déposer à la banque. Il est trésorier adjoint de l'association cultuelle qui gère la mosquée Aïcha. Cet argent, c'est celui de la quête. Un pécule enfermé dans un sac plastique et scotché derrière une armoire qu'ils ne trouveront jamais...
Un premier suspect est interpellé le 22 août 2020, à Nantes ; les deux autres ont fui et quitté la France, juste après les faits. L'un sera finalement arrêté dans un hôtel à Paris, en octobre ; l'autre, en Espagne, en février 2021. Des individus âgés de 24, 26 et 48 ans, incarcérés au Mans, à rennes et à Angers.
Ils devront répondre de "vols avec violence ayant entrainé la mort."
Un quatrième homme, placé sous contrôle judiciaire après plus de deux passés derrière les barreaux, sera, lui aussi, dans le box des accusés pour "complicité" et "soustraction d'un criminel à l'arrestation ou aux recherches".
Le sexagénaire est présenté par la partie civile comme le commanditaire du cambriolage. "Membre actif, très disponible" de la mosquée Aïcha à Nantes, il est décrit par ses proches et ses employeurs, comme "une personne assidue, courageuse, généreuse et digne de confiance". Un homme dont les fonctions à la mosquée avaient été restreintes à suite à de soupçons de vols.
"Il les a côtoyés simplement pour les aider"
Salarié dans une société de nettoyage, Dahou Rahou est accusé d’avoir fourni les renseignements nécessaires ayant permis au trio de s’introduire dans l’appartement de la rue du Languedoc. Lui nie farouchement être l'instigateur du vol et avoir remis un jeu de clés à l’un des trois voleurs présumés.
"Nous sommes dans un contexte autour d'une pratique religieuse où la solidarité est un maître mot. Et ces rencontres se sont faites entre mon client et des gens qui étaient un peu dans le besoin et qui sollicitaient l'aide de la mosquée dans laquelle se sont rencontrées ces personnes", explique Franck Boëzec, avocat de Dahou Rahou.
"Il les a côtoyés simplement pour les aider. Il les a rencontrés pour en loger certains, pour qu'ils ne dorment pas à la rue, pour parfois les nourrir avec les systèmes solidarités qui sont mis en place par la mosquée. Il a donc été en lien avec ces gens, y compris sur un plan téléphonique. De temps en temps, ce sont surtout ces gens qui l'appelaient pour le solliciter", ajoute l'avocat.
Il va falloir faire la part des choses entre ce qui correspond à cette aide et ce qui correspond peut-être à une volonté des autres personnes dans ce dossier de le mettre en cause et d'instrumentaliser cette relation humaine
Maître Franck BoëzecAvocat de Dahou Rahou
Les analyses des lignes téléphoniques respectives mettent effectivement en évidence de nombreuses discussions entre les trois suspects et le client de Franck Boëzec
Entre le 3 et le 11 août, "au minimum 80 contacts" entre l’un d’eux et le bénévole de la mosquée. Plus précisément, "vingt-trois contacts entre le 8 août, à 11 h, et le 9 août, à 23 h 55, soit dans le créneau de commission des faits".
Les services d'enquête ont commis beaucoup d'erreurs sur l'analyse de ces fadettes
Maître Franck BoëzecAvocat de Dahou Rahou
Dahou Rahou est aussi soupçonné d'avoir facilité la fuite de deux des suspects et d'avoir acheté des billets de bus pour Perpignan moins de 48 h après les faits. L'homme a reconnu avoir conduit Boubakar M. et Lyès I. à la station de bus, rien d'autre.
"Que chacun prenne ses responsabilités"
Pour Lucie Mongne, avocate de Nabila Belhalfaoui, la mère de Nadir Marouf, pas de doute : le bénévole de la mosquée est la "clé de voute", le personnage central du dossier, désigné comme "l'instigateur" par les trois auteurs présumés du vol avec violence ayant entrainé la mort de Nadir.
"Tout au long de la procédure, il est resté fermé sur le rôle qu'il aurait pu jouer et surtout, il s'est dit totalement étranger aux faits. Ce n'est évidemment pas l'avis de la famille, qui en plus le connaît presque intimement puisqu'il faisait partie aussi de l'organisation de la mosquée", déclare-t-elle.
Il y a aussi beaucoup d'attentes quant aux explications qui pourront être données
Maître Lucie MongneAvocate de Nabila Belhalfaoui, mère de Nadir Marouf
"Tout ce que j'espère, c'est que les débats soient à la sincérité et véritablement à la manifestation de la vérité pour arriver à mettre en lumière ce qui s'est réellement passé. Je pense que tous les accusés dans le cadre de cette le doivent bien à la famille", ajoute Lucie Mongne.
Ce que l'on attend, c'est que chacun prenne ses responsabilités et que l'on puisse nous expliquer les dernières heures, les dernières minutes de Nadir
Maître Lucie MongneAvocate de Nabila Belhalfaoui, mère Nadir Marouf
Qui a fait quoi ? C'est tout l'enjeu du procès qui s'ouvre devant la cour d'assises de Nantes le 6 décembre. Pendant toute l'instruction, les protagonistes ont reconnu le vol, mais se sont renvoyés la balle, se défaussant chacun à leur tour de la responsabilité de la mort de Nadir Marouf.
Le meurtre de Nadir avait à l'époque soulevé une vive émotion. Quelques jours après le drame, plus de 200 personnes avaient défilé en silence en mémoire du jeune Homme. Les quatre accusés risquent la réclusion criminelle à perpétuité. Le verdict est attendu vendredi 13 décembre.
"Rien ne peut expliquer finalement la mort d'un jeune garçon sans histoire, fraîchement bachelier. Évidemment que l'émotion sera toujours assez vive", prédit l'avocate de la mère de la victime.
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