Le gouvernement d'Elisabeth Borne a choisi d'activer l'article 49.3 de la constitution pour éviter de soumettre le projet de loi au vote des députés. Une partie des élus des Pays de la Loire accueille la nouvelle avec colère et consternation, quand une autre partie nuance.
Coup de théâtre à l'Assemblée Nationale. Avant même l'examen final du texte de loi de la réforme des retraites par les députés, la première Ministre Elisabeth Borne a choisi d'engager la responsabilité de son gouvernement en activant l'article 49.3 de la Constitution. Le texte de loi définitif ne sera donc pas soumis au vote de l’Assemblée. Depuis, les réactions des élus des Pays de la Loire se succèdent.
Les députés de l'opposition très en colère
Très en colère, les députés de l’opposition des Pays de la Loire n’ont pas dit leur dernier mot. Mathias Tavel, député La France Insoumise (LFI) en Loire-Atlantique en est persuadé, "ça sent la fin du règne" d’Emmanuel Macron. Pour lui, il est clair qu’ "il n’y a pas de majorité dans ce pays pour ce texte".
Andy Kerbrat, lui aussi député LFI en Loire-Atlantique, est déterminé à poursuivre la mobilisation aux côtés des manifestants et des syndicats. Pour l’élu, l’usage du 49.3, "c’est la preuve qu’ils ont peur (le gouvernement, n.d.l.r). Ca devrait être un encouragement pour le mouvement social", affirme t-il. Andy Kerbrat l’assure, "on va utiliser toutes les armes logistiques à notre disposition" pour obtenir le retrait de la loi. Les élus de la NUPES ont d’ailleurs d’ores-et-déjà annoncé leur intention de déposer une motion de censure pour tenter d’empêcher l’adoption définitive du texte.
Des élus de la NUPES rejoignent les manifestants dans la rue
En milieu d’après-midi, certains d’entre eux ont rejoint les manifestants dans la rue devant l’Assemblée Nationale pour manifester avec eux contre la décision du gouvernement. Pour Elise Leboucher, députée de la Sarthe (NUPES), présente dans la manifestation improvisée, "venir là c’est aussi apporter notre soutien aux manifestants". La députée en est persuadée, "la rue peut encore faire flancher le gouvernement".
Guillaume Garot, député PS en Mayenne, veut au plus vite "engager un référendum d’initiative partagée (RIP), pour que les Français puissent s’exprimer". Cette disposition est complexe. Elle permet aux membres du parlement de soumettre une loi au référendum, à condition d’être soutenus par un dixième du corps électoral, c’est-à-dire 4,7 millions d’électeurs.
Pour le député, cette initiative est nécessaire, puisqu’"imposer une réforme des retraites sans qu’il y ait eu de vote ici à l’Assemblée Nationale, c’est faire prendre un risque très important à notre démocratie".
Vous imaginez l’état de tension que ça va créer dans le pays, l’écœurement, pas seulement chez les députés, mais aussi chez les français ?
Guillaume Garot, député PS Mayenne
Le sénateur de Loire-Atlantique, Yannick Vaugrenard, dénonce de son côté une « décision grave » du gouvernement, qui s’inscrit "dans la logique de la démarche présidentielle qui refuse de prendre en considération l’unanimité historique des forces syndicales contre ce projet". Pour l’élu, comme pour Guillaume Garot, une évidence s’impose, le "recours au référendum" est la seule issue "si le retrait du projet n’est pas accepté".
Pour le MODEM, pas de "déni de démocratie"
Pour Géraldine Bannier, députée MODEM, membre de la majorité présidentielle, le 49.3 ne constitue pas un "déni de démocratie". Elle qui aurait voté en faveur de la loi si elle avait pu le faire avait envisagé ce scénario.
C’était prévisible. Ce n’est pas forcément ce qui est le plus souhaitable, mais c’est une mesure qui est inscrite dans nos lois constitutionnelles, il y a eu un débat, des consultations, il faut quand même nuancer les choses
Géraldine Bannier, députée MODEM de la Mayenne
Pour son confrère de la Sarthe, Eric Martineau, lui aussi député du MODEM, ce sont précisément les conditions dans lesquelles se sont déroulés les débats à l’Assemblée Nationale qui constituent "un vrai danger pour notre démocratie". L’élu en est persuadé, "l’obstruction, les outrances et les contrevérités des opposants à cette réforme" ont "[écrasé] toute possibilité de débat serein et apaisé" et conduit fatalement "à cette voie à sens unique".
Contrairement à Géraldine Bannier et Eric Martineau, les députés membres de la majorité présidentielle à l’Assemblée n’avaient pas tous prévu de voter pour la réforme. Stella Dupont ou Sophie Errante étaient toujours considérées comme indécises. Les élues ont préféré éviter de communiquer leur intention de vote à l’avance.
Une stratégie qui leur permet de ne pas s’exposer aux critiques des membres de leur parti, qui leur auraient reproché de s’y opposer, ni aux critiques éventuelles des habitants de leur circonscription. Pour l’heure, ce jeudi 16 mars, ni l’une ni l’autre n’ont commenté la décision d’Elisabeth Borne.
Manifestation spontanée devant la préfecture de Nantes
Dans la rue aussi, les réactions sont nombreuses. Un rassemblement citoyen s'est organisé spontanément devant la préfecture de Nantes aux alentours de 18 heures pour protester contre le passage en force du gouvernement.
Dans les jours à venir, une ou plusieurs motions de censure pourraient être déposées par les opposants à la réforme. Du côté des syndicats, la mobilisation pourrait connaître un rebond et engendrer de nouvelles perturbations dans la région des Pays de la Loire.