C'est une histoire incroyable. Celle de deux sœurs qui viennent de se retrouver après 54 ans de séparation. Originaires de l'Ile de la Réunion elles ont été placées et adoptées dans deux familles différentes en France. Appartenant bien malgré elles à cet épisode méconnu et tragique.
"Cela fait 55 ans que je cherche ma petite sœur. J'aurais tellement voulu jouer avec ma petite sœur. Avec mes autres sœurs aussi je jouais, mais la petite... 9 mois, 9 mois... Et moi j'avais 9 ans". La voix de Daisy s'étrangle. Submergée par l'émotion. Daisy attend sur le quai de la gare de Nantes, l'arrivée du train qui lui amène cette petite sœur perdue. Et quelle va retrouver dans un instant. Un prénom, Bénédicte, affiché en grand, et un bouquet de fleurs tout aussi grand à la main. Bénédicte, c'est le prénom de cette petite sœur que Daisy va revoir, et enfin connaître, après toute une vie de séparation.
Elles sont nées toutes les deux à la Réunion. Comme au moins 2 150 enfants, elles ont été arrachées à leur Île, de 1962 à 1984, et placées en métropole. Abandonnées ou non, et parfois déportées par force. Inespérées, ces retrouvailles ont failli ne jamais avoir lieu. Leurs liens de parenté avaient été effacés par l'administration. Un article dans la presse, un détective, et les voilà enfin réunies.
"Je n'étais pas du tout au courant que j'avais des sœurs, pas du tout", avoue Bénédicte. "Quand je lui ai dit que j'étais sa sœur, elle a cru que c'était une arnaque. J'ai dit à mon mari, elle va croire que c'est une arnaque", renchérit Daisy.
Mais non, la belle histoire était bien réelle. Un test ADN l'a confirmé. Bénédicte, venue de la Sarthe, se retrouve enfin en famille, tout près de Nantes, avec Daisy, et même son autre sœur Anne-Marie. Elle aussi a les larmes au bord des yeux, "Je n'y croyais presque pas, quand elle m'a dit qu'elle allait venir aujourd'hui, j'ai dit je prends l'avion je viens. Parce que j'habite en Martinique", elle essuie une larme.
Bénédicte, la petite sœur retrouvée, n'en revient pas. "Qu'elles aient fait autant de démarches, autant de sueur pour me retrouver, vraiment merci à toutes".
C'est à 13 ans que Daisy est arrivée comme d'autres jeunes Réunionnais dans cette France métropolitaine, où le gouvernement voulait repeupler certains départements victimes de l'exode rural, comme la Creuse. Une époque aux souvenirs très douloureux.
Daisy se souvient, ses mots sont terribles : "Racisme, méchanceté, humiliation, viol, esclavage, voilà ce qu'on a connu avant de connaître aujourd'hui, la joie de retrouver ma petite sœur aujourd'hui".
D'autres déplacés de la Réunion, appelés aussi les "Enfants de la Creuse", se sont joints à la petite fête. Sur 2 000, 150 d'entre eux seulement ont pu renouer les fils de leurs histoires familiales brisées.