Les entreprises gestionnaires de l'International School of Nantes ont été liquidées à la suite d'une décision du tribunal de commerce de Nantes le 12 juillet 2023. L'école bilingue, privée et hors contrat, souffrait d'importantes difficultés financières et d'une ambiance délétère entre les salariés et la direction.
"Phobie scolaire", "escroquerie", "défaillance", "manquements" : les commentaires au sujet de l'International School of Nantes (ISN) prédisaient un avenir incertain à l'établissement depuis le début de l'année 2023.
Les sociétés gestionnaires des deux campus de l'ISN, l'un à Guist'hau au cœur de Nantes et l'autre à Saint-Herblain, ont été liquidées le 12 juillet après avoir été placée en redressement judiciaire en juin. L'école privée et hors contrat proposait un enseignement bilingue depuis 2017. La moitié des cours étaient prodigués en français et l'autre moitié en anglais.
La décision du tribunal de commerce de Nantes surprend tout de même Clara (nom d'emprunt), qui ne pensait pas que "ça allait prendre de telles proportions". L'enseignante de français au niveau grande section-CP a quitté l'ISN après un court mais mémorable passage en 2020. À l'époque, la difficulté à maintenir une équipe pédagogique stable se fait déjà sentir.
J’ai été démarchée un jeudi parce qu’ils cherchaient un enseignant en catastrophe pour le site de Saint-Herblain. J'ai commencé le lundi suivant.
Clara (nom d'emprunt)Ancienne enseignante à l'International School of Nantes
"J'ai démarré juste avant Noël. On m’a dit que l’enseignant que je remplaçais avait posé problème et qu’il fallait tout reprendre, raconte-t-elle. Mon défi était de faire en sorte que les enfants partent pour Noël avec des cahiers remplis, les fiches d’activité remplies, pour faire illusion aux parents et rattraper le coup."
Clara souligne l'absence de document de suivi pour répertorier les allergies et éventuels problèmes de santé des enfants. "On m’a dit qu’il n’y avait pas d’allergies, j’ai insisté pour voir les dossiers pour vérifier, je voulais en avoir le cœur net, se souvient-elle. Un jour, il y a un enfant qui fêtait son anniversaire. Heureusement, l'un des élèves m’a dit qu'il n'avait pas le droit de manger le gâteau parce qu'il était allergique."
Plusieurs parents s'insurgent contre ces conditions d'accueil des enfants, que la brochure de l'école promet pourtant de choyer et de stimuler à grand renfort d'activités telles que la robotique, les échecs, les "ateliers philo" ou encore le yoga. "Aucune des activités extra-scolaires n'est réalisée, ou partiellement", déplore une mère d'élève.
Retards de paiements
Certains se demandent à quoi sont alloués les frais de scolarité qu'ils versent et dont la somme va de 674 € à 892 € par mois. Plusieurs personnels font état de retards de paiements de leurs salaires. C'est le cas de Clara, dont les congés d'hiver "ont été considérés comme des congés sans solde", alors que l'employeur ne peut en aucun cas imposer ce type de congé à ces salariés.
"Il me manquait 200 €. Ils considéraient que je n'avais pas accumulé assez de congés. J'ai envoyé un mail pour demander des explications, et je n'ai pas eu de réponses", relate l'enseignante. Le lendemain, elle est convoquée dans le bureau de la directrice.
"On m'a sorti de ma classe sans me prévenir, poursuit Clara. Dans le bureau, il y avait une lettre d'avertissement prête à partir. La directrice a essayé de faire pression sur moi, en me disant que j'avais outrepassé mon statut parce que j'avais échangé avec mon homologue anglais sur le contenu d'un cours." L'enseignante démissionne après cet épisode. Une professeure de yoga avait, elle aussi, rencontré des difficultés pour obtenir le règlement de ses factures après des prestations effectuées à l'ISN.
Rotation fréquente des enseignants
Un climat hostile semble s'être installé au fil du temps dans l'établissement. De nombreux professeurs ont fui l'ISN dès qu'ils l'ont pu, créant une rotation fréquente de personnel en contact avec les enfants. Plusieurs loyers n'auraient pas été payés pour les bâtiments abritant l'école, et la nourriture aurait manqué à la cantine, où le personnel n'aurait également pas vu la couleur de plusieurs salaires.
La directrice, Nathalie Paulin, est pointée du doigt en raison de sa gestion de plus en plus hasardeuse de l'école. Pour Clara, "elle ne supportait pas les questions, les contradictions. Poser une question, c'était remettre en cause son autorité. La directrice, soit on est avec elle et on dit oui à tout, soit on est contre elle".
"Tant que Mme Paulin sera aux commandes, je pense que la culture de l'école restera hautement toxique et qu'elle gâchera l'expérience de tout le monde", fustigeait un parent d'élève sur le site de l'ISN en juin.
Une équipe pédagogique saluée
La fille aînée de Cécile* (nom d'emprunt) a été scolarisée pendant 2 ans à l'ISN, à partir de la très petite section. "La première année s'est plutôt bien passée, même s'il y a toujours eu des problèmes de communication", relève-t-elle. Sa fille a connu trois maîtresses en deux ans. L'avant-dernière est partie au milieu de l'année scolaire, le 31 décembre.
Cécile regrette quant à elle que la directrice n'ait jamais voulu impliquer les parents. "J'ai voulu proposer de monter une association de parents d'élèves. Plusieurs avaient essayé avant moi, mais elle avait peur qu'on lui vole son projet", rapporte-t-elle.
C'est un énorme gâchis d'un projet éducatif qui était différent et intéressant.
Cécile (nom d'emprunt)Mère d'une ancienne élève de l'ISN
Sentant que l'ambiance était de plus en plus tendue, Cécile a retiré sa fille de l'ISN après les vacances de Pâques. Elle sera scolarisée dans un établissement privé, mais sous contrat à la rentrée 2023. "C'est dommage parce que l'équipe enseignante était géniale, même si tous les intervenants n'étaient pas toujours qualifiés", souligne Cécile.
L'arrêt de versements de frais de scolarité
De son côté, Nathalie Paulin se défend d'être responsable des défaillances en série de son école. Elle y voit l'œuvre collective des salariés et des parents d'élèves qui se seraient ligués contre elle pour saboter l'établissement. "Ils ont fait tout exploser en l'espace de quelques mois. Les enseignants ont passé des semaines à parler aux parents devant le portail pour leur dire de désinscrire leurs enfants, c’est une faute grave", affirme-t-elle.
La directrice nie en bloc toute maltraitance, manquement aux règles d'hygiène et absence de suivi des élèves et dénonce des mensonges et coups montés d'employés malhonnêtes pour la démettre de ses fonctions. Elle accuse les parents d'avoir "vidé les comptes" en cessant de payer les frais mensuels, conduisant à l'impossibilité de rémunérer les employés.
Un potentiel repreneur
Contradictoires, ces versions ne sauraient masquer que les enfants sont en première ligne dans cette histoire. Les témoignages des parents font part de traumatismes liés à leur passage à l'ISN.
"Nos récupérions notre fils affamé le soir, il se ruait littéralement sur la nourriture, nous avons appris qu'il n'y avait pas assez de viande pour tous", dénonce une mère d'élève.
"Nous avons mis des semaines à faire remonter la pente à notre enfant depuis qu'il n'est plus scolarisé dans cette école cauchemardesque", relate un père dont le fils "pleurait et crisait" lors de la dépose le matin.
Difficile d'imaginer que des parents puissent encore placer leur confiance dans l'établissement. Beaucoup sont déçus par l'illusion perdue d'une pédagogie bilingue de qualité pour leurs enfants.
La directrice affirme pourtant que l'école reste ouverte et sera désormais gérée par une nouvelle structure juridique dirigée par une autre personne. Le rectorat n'a pas confirmé l'information à ce jour.