"L'université fonctionne avec des ficelles", étudiants et enseignants main dans la main lors de la journée "fac morte" à Reims

Face aux nouvelles coupes budgétaires annoncées par le gouvernement, l'université de Reims Champagne-Ardenne (URCA) organisait une journée "fac morte" ce mardi 3 décembre, comme dans d'autres facultés en France. Étudiants et enseignants se sont mobilisés, alors que L'URCA souffre d'un manque de six millions d'euros pour l'année 2025.

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La scène est assez peu probable sur le campus universitaire de Reims. Sur les hauteurs de la bibliothèque Robert de Sorbon, une soixantaine d'étudiants - en majorité issus de la filière STAPS (sports) -, pointent vers le ciel des fumigènes bleus, jaunes et rouges, déambulant de manière circulaire, et brandissant des pancartes "STAPS en faillite, l'Etat nous évite", ou encore "STAPS en danger". 

Signe d'un ras-le-bol, alors que l'université de Reims-Champagne-Ardenne (URCA) tire la sonnette d'alarme et annonce un trou de six millions d'euros pour le budget 2025

Le président de l'URCA face à la foule

Parmi celles et ceux qui haranguent les mécontents, il y a Charline Noblot. Cheveux châtains attachés en queue-de-cheval, emmitouflée dans une veste noire, elle est présidente de l'ARES, l'association rémoise des étudiants en STAPS. "La filière est délaissée depuis de nombreuses années" commence-t-elle. "Et le fait qu'il y ait beaucoup moins d'argent dans les universités va impacter la qualité des enseignements [...] Les travaux dirigés qui sont obligatoires, vont se transformer en cours magistraux. On a plein de choses comme cela qui nous retombent dessus et c'est très grave, car on parle de notre avenir" poursuit la jeune femme. 

"On aura en moyenne deux heures de cours en moins par semaine, ce qui impacte forcément la qualité de l'enseignement" s'indigne Paul, étudiant de première année en STAPS. Ce grand gaillard aux yeux marron semble avoir une devise qui lui est chère : "on ne touche pas à la santé, et on ne touche pas à l'université".

Parmi les personnes présentes, des enseignants aussi. Ils ont tenu à honorer cette journée "fac morte" à l'appel de la présidence de l'université. "Voilà des années que la situation se dégrade à l'université, mais ça s'est précipité ces derniers mois et ces dernières semaines" explique Jean-Francis Ory, enseignant en gestion. Cet homme à l'écharpe noire et veste en cuir, affichant une mine inquiète, fait référence aux récentes annonces du gouvernement demandant aux universités de faire des économies pour l'année 2025. 

On est dans le même état que l'hôpital en fait, c'est une catastrophe.

Jean-Francis Ory

Enseignant en gestion

"On a une journée université morte, et ça montre ce qui va se passer si le projet de loi de finances prévoit autant de sacrifices. Des sacrifices, ça fait des années et des années qu'on en fait", prétend-il, prenant des exemples concrets sur "la qualité de vie au travail des personnels" qui continuerait de diminuer. 

Face aux coupes budgétaires, qui pourraient conduire à des réductions de capacité d'accueil en licence et à fermer certaines formations, le président de l'URCA s'est lui-même déplacé pour rencontrer les étudiants et enseignants en colère. Seul face à la foule, Christophe Clément parle de "nouvelles mesures prises" qui feraient vaciller le système universitaire. À la manière d'un tribun, le numéro un de la faculté rémoise partage sa rancune envers les décideurs. "On ne sait pas trop où va le gouvernement, mais on aura besoin de tout le monde, de tous les collègues et de tous les étudiants" encourage celui qui est contraint de réduire de 20% le budget fonctionnement de l'université pour l'année 2025. 

Des cours mutualisés, voire supprimés

Christophe Clément passera une bonne demi-heure face aux étudiants agités et remontés face à ce qu'ils considèrent comme un "abandon de l'Etat". "Ce n'est pas une baisse de la qualité de l'enseignement" répond-il, lorsque des étudiants lui font remarquer que supprimer des filières, c'est justement "rendre moins qualitatif l'enseignement supérieur".

Plus bas, la grande et moderne bibliothèque universitaire Robert de Sorbon, poumon étudiant de l'université de Reims. Si grande, que l'on peut remarquer qu'elle est moins fréquentée que d'habitude. Dans le couloir principal, situé en amont des allées silencieuses, Ilona discute avec une amie. Pour cette étudiante de 19 ans en licence "Accès Santé" spécialité psychologie et médecine, les restrictions budgétaires se voient déjà depuis longtemps. "Il y a des bâtiments qui ne sont plus chauffés, donc on va peut-être devoir se déplacer dans d'autres bâtiments" regrette-t-elle. "Il va y avoir pas mal de répercussions sur nos travaux dirigés et nos cours du second semestre". 

"On s'inquiète énormément, car il pourrait y avoir des mutualisations de cours" déplore Anaël Beutin, le vice-président des étudiants de l'URCA. "Les étudiants ne sentent plus les universités soutenues par l'Etat. La compensation que l'Etat alloue aux universités diminue et les étudiants le devinent et le vivent très mal" poursuit-il. 

Fait assez rare pour le souligner, "tous les étudiants sont en soutien de l'université puisqu'aujourd'hui, les décisions qui sont prises ne sont pas des décisions internes à l'université. Ce sont des décisions prises par l'Etat" conclut-il. 

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