Sans-abris en Loire-Atlantique : "les collectivités locales n'ont pas assez de pouvoir pour lutter", des associations poussent un cri d'alarme

L'été, face au manque de bénévoles et au ralentissement des services publics, il devient encore plus difficile de trouver des solutions d'hébergement pour les personnes à la rue. À Nantes, des associations déplorent l'insuffisance des compétences des collectivités locales sur ce sujet.

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"La France, je la connais en long, en large, en travers… Pas besoin de carte pour me repérer", lance Renz dans un rire rauque. Depuis ses 16 ans, l'homme parcourt l'hexagone de région en région. Un périple sans fin qu'il effectue seul. 

Ça fait une vingtaine d'années que Renz est à la rue. Sa maison, il la porte sur son dos. "Je me suis habitué à cette vie, mais ce n'est pas un choix. Vivre dehors n'est jamais un choix", martèle-t-il. Au détour d'anecdote, il raconte comment la rue peut rendre fou, malade et associable.

Les travailleurs sociaux sont en vacances et nous, on doit pallier ce manque de personnel…

Renz

Membre fondateur de la Maison du Peuple

Arrivé en Pays de la Loire en 2019, Renz a souhaité donner un sens à sa vie en donnant un coup de pouce à celle des autres. Il participe alors à la création de la Maison du Peuple cette année-là. Depuis cinq ans, ce collectif lutte contre le sans-abrisme à Nantes en essayant, notamment, de trouver des hébergements d'urgences aux personnes à la rue.

Une mission qui s'intensifie l'été à cause du ralentissement des services d'aide de l'État. "Les travailleurs sociaux sont en vacances et nous, on doit pallier ce manque de personnel…", déplore Renz. Le quadragénaire se dit aussi plus inquiet que d'habitude par la situation des SDF en France.

Augmentation des appels pour hébergement d'urgences

Renz assure que le nombre de sans-abri augmente à un rythme que les aides publics ne suivent pas. "Et je sais de quoi je parle, appuie-t-il. En ce moment, je vis dans un squat. On est une quinzaine et on ne peut pas accueillir plus de monde : ça créer des tensions, voire de la violence".

Il est impossible de savoir combien de personnes dorment dehors en Loire-Atlantique, puisqu'aucun recensement des SDF n'est fait en France. Les derniers chiffres du SIAO 44, le service départemental de l'État chargé de réguler l'accueil, l'hébergement et l'accompagnement des personnes sans domicile, montre néanmoins une hausse.

La centrale indique une augmentation de 13 % des appels pour une demande d’hébergement d'urgence, auprès du 115, entre 2022 et 2023. Un bond qui n'est que le symptôme local d'un phénomène national. Dans son 29ᵉ rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre estime à 330 000 le nombre de personnes sans domicile en France cette année. Ce chiffre a doublé en 12 ans. 

En Loire-Atlantique, l’offre totale d’hébergement d’urgence en nombre de places a légèrement augmenté ces dernières années. "C'est un héritage positif de la COVID-19. Comme plus personnes n'allaient dehors, les SDF étaient visibles et donc il a fallu s'en occuper. Ainsi, les services de l'État se sont davantage organisés pour les mettre à l'abri", assure Philippe Gallis, coprésident de l'association Droit au logement 44 (DAL). 

Malgré cela, la plupart des personnes à la rue restent sur le carreau dans le département. "Et malheureusement, les collectivités locales n'ont pas assez de pouvoir pour lutter contre ça et les associations sont débordées. C'est vrai tout au long de l'année et d'autant plus l'été quand les effectifs sont réduits", déplore Philippe Gallis.

Les communes demandent aux préfectures pour réquisitionner des logements, ça prend des plombes et ça abouti rarement

Philippe Gallis

coprésident de l'association DAL44

Le militant souhaiterait notamment que les municipalités aient plus de compétences pour réquisitionner les logements vacants. Au nom des pouvoirs de polices dont ils disposent, les maires jouissent déjà d'un pouvoir de réquisitions. Mais, une décision du Conseil d'état de 1997 considère qu'un édile ne peut en faire usage "que lorsque le défaut de logement de famille dont il s'agit est de nature à apporter un trouble grave à l'ordre public".

"Résultat ? Les communes demandent aux préfectures pour réquisitionner des logements, ça prend des plombes et ça abouti rarement", soutien Philippe Gallis. D'après lui, la Loire-Atlantique compterait près de 25 000 habitats inoccupés.

Un fond métropolitain pour l'hébergement d'urgence

L'État est effectivement l'acteur majeur en matière de mise à l'abri des personnes à la rue. La préfecture applique les politiques étatiques et les communes peuvent les compléter en fonction de leurs moyens.

Ainsi, depuis 2021, la Nantes Métropole réserve 1 % de son budget total à la lutte contre le sans abrisme. Un fond qui vise à accompagner les projets d'hébergements d'urgences des communes. Cela a notamment permis l'ouverture de 80 places dans les anciens locaux du CREPS, sur le site du Broussais à Nantes. 

"C'est une belle solution, mais elle ne pourra pas tout résoudre parce qu'elle n'est pas pérenne", regrette Philippe Gallis. En effet, ce dispositif n'est pas voué à perdurer. Mis en place par le conseil métropolitain actuel, il devrait s'arrêter à la fin du mandat en 2026.

De fait, les initiatives financées par ce fond ne le sont qu'à un moment donné, dans l'incertitude qu'il soit reconduit par le prochain conseil. Abbassia Hakem, élue de la Métropole déléguée aux solidarités et à l'inclusion sociale, se veut rassurante : "Chaque année, on ouvre des centres d'hébergement. C'est déjà le gros du travail, donc on enclenche des solutions destinées à rester."

D'ici 2026, la Métropole souhaite déployer près de 10 millions d'euros grâce à ce fond, mais dans une lettre ouverte publiée le 12 mars 2024, 46 collectifs et associations regrettaient une faible utilisation. Selon eux, seuls 2,7 millions d'euros auraient été dépensés entre le début du mandat et juin 2023. 

"C'est le temps de tout mettre en place, de créer des projets et de trouver les bons endroits pour héberger les personnes. Parfois, des bâtiments sont vides, mais ils sont inexploitables parce qu'insalubre", détaille Abbassia Hakem.

Une réunion est prévue à la rentrée entre plusieurs associations, dont la Maison du Peuple et le DAL 44, et la mairie pour échanger à ce sujet.

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