"Si on loupe une mise à jour, on peut tout perdre", avec Virtual Regatta, ils se sont offert le Vendée Globe

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Véritable phénomène de société, le jeu vidéo Virtual Regatta a attiré plus de 800 000 amateurs de navigation en ligne pour l'édition 2024 du Vendée Globe. En quête de grands espaces ou amateurs de stratégies, ces marins virtuels n'hésitent pas à consacrer des heures à ce jeu aussi simple que chronophage.

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Dans la voiture, au restaurant, dans les transports au commun… On y joue partout, tout le temps. Virtual Regatta, est devenu un jeu vidéo en ligne incontournable. Fondée par l’ancien skipper professionnel français Philippe Guigné en 2006, l'application bat des records de popularité. 

Cette année, 820 000 personnes ont pris le départ du Vendée Globe virtuel. D’une simplicité déconcertante, ce jeu au graphisme épuré propose de boucler l’"Everest des mers" depuis un téléphone ou un ordinateur. Trois mois d’épopée en ligne, comme si on y était…

Un tour du monde depuis son salon 

Boucler un tour du monde… Un rêve, pour Pierre-Louis Jouan et son père, Erwan Jouan. Faute de pouvoir le faire pour de vrai, ils se sont pris de passion pour la navigation virtuelle il y a plus de dix ans. Ensemble, pour cette édition du Vendée Globe, ils se partagent la gestion d’un IMOCA baptisé Shohei Maru.

Erwan, à gauche, et Pierre-Louis Jouan, à droite, jouent en famille à Virtual Regatta. © France Télévisions

"Y a un trou qui va arriver, va falloir prendre ouest, les premiers vont sûrement prendre par ici !" lance Pierre-Louis à son père. Ce jour-là, comme tous les jours pendant la course, ils organisent une réunion d’équipe depuis le salon du jeune homme, à La Turballe (Loire-Atlantique).

Erwan, marin-pêcheur depuis 40 ans, scrute son téléphone. Il observe une carte avec des données météorologiques pour aider son fils à choisir le meilleur cap pour leur bateau.

Le bateau de Pierre-Louis et Erwan Jouan est baptisé Shohei Maru pour cette édition du Vendée Globe © Virtual Regatta

"Là on voit bien le poteau noir !" prévient le marin, qui a lui-même déjà navigué dans cette zone avec son bateau de pêche. "On essaie toujours de voir les trajectoires qu’on peut prendre, trouver des opportunités de gagner des places", explique Pierre-Louis, qui peut s’appuyer sur l’expertise de son père.

On ne vit pas au quotidien dans le bateau mais ce qui est chouette c’est qu’on analyse vraiment les conditions météorologiques au quotidien, et on en apprend tous les jours que ce soit sur la météo mais aussi sur la cartographie.

Pierre-Louis Jouan

Joueur de Virtual Regatta

"Ça devient une drogue"

Analyser… encore et encore, pour choisir la meilleure stratégie. Yoann Musset est devenu un expert en la matière. Pourtant, ce quadragénaire n’a jamais eu le pied marin. Il est ce qu’on appelle un E-Sailor. Pour lui, Virtual Regatta n’est rien de plus qu’un jeu vidéo.

Cap du bateau, position des adversaires, données GPS... les joueurs pilotent leur bateau depuis ce tableau de bord virtuel. © France Télévisions

C’est un peu comme une grande partie d’échecs, mais qui dure trois mois

Yoann Musset

Joueur de Virtual Regatta

Installé à Bouaye, près de Nantes, il s’est hissé pendant quelques heures en tête de la course. Mais pour arriver à un tel résultat, il a fallu être très assidu : pendant trois mois, ce salarié s’est astreint, jour et nuit, à jouer toutes les six heures.

Yoann Musset avait bien l'intention de remporter cette édition du Vendée Globe sur Virtual Regatta. Il est finalement arrivé 16ème, après près de 3 mois d'effort. © France Télévisions

"Samedi 11 janvier, 4 h 50, je parle doucement parce que tout le monde dort à la maison… je suis sixième", raconte le joueur, levé très tôt ce matin-là.

Quatre fois par jour, pendant trois mois, il s’est connecté au jeu pour changer le cap de son IMOCA et régler ses voiles. "Il suffit que le vent tourne complètement, le bateau, il part dans un sens et en fait, il faut aller dans l’autre… les heures de retard, on peut potentiellement ne jamais les rattraper", explique le marin "d'eau douce", un peu fatigué après deux mois et demi de course. 

Ça devient une drogue à partir du moment où on veut performer sur le jeu, parce que sans être addict on est contraint à ces quatre mises à jour météo. Si on loupe une mise à jour, on peut tout perdre.

Yoann Musset

Joueur de Virtual Regatta

Une passion très chronophage, d'autant plus que Yoann Musset ne se contente pas de participer au Vendée Globe. Il a déjà bouclé des dizaines d'autres courses, comme la Transat Jacques Vabre ou la Route du Rhum depuis son téléphone. 

Dans certaines entreprises, des lots à remporter 

La folie Virtual Regatta a aussi gagné les entreprises… Près de La-Roche-sur-Yon, dans les locaux du groupe Dubreuil, principal sponsor de Sébastien Simon, arrivé troisième au véritable Vendée Globe cette année, la compétition est partout.

"C’est ici que se passent tous les débats tous les jours puisqu’on affiche le classement par pôle, par filiale et au global du groupe", explique Olivier Billion alors qu’il déambule dans la salle de pause. Le directeur marketing du Groupe Dubreuil a fortement encouragé les salariés à se lancer dans la course... Au total, 700 salariés participent au jeu, en individuel ou en équipe.

"On se chambre, on regarde où ils sont, on se dit qu’on va se dépasser les uns les autres… ", explique David, salarié du service finances.

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Un après-midi en mer avec Sébastien Simon 

Pour les motiver, l’entreprise a mis en jeu plusieurs lots, à remporter tout au long du périple. La première équipe à franchir le cap Horn, baptisée Wonder Woman, a remporté une bouteille de Pisco, spécialité chilienne alcoolisée. "On est très fières", sourit l’une des membres de l’équipe.

Les grands gagnants de la course interne à l'entreprise, eux, remporteront un après-midi de navigation, pour de vrai, avec Sébastien Simon à bord de son voilier.

Dans les locaux du Groupe Dubreuil près de La Roche-sur-Yon (Vendée), les salariés jouent des coudes pour remporter l'un des lots. © France Télévisions

"Au sein de mon service, c'est vraiment la guerre, ils cherchent tous à être devant… Moi j’ai intérêt en tant que chef de service à être devant, sinon, je souffre", rigole Olivier Billion.

Sur l’application, les joueurs peuvent accéder à la position et aux données de leurs concurrents en temps réel. En mer virtuelle, il n’est pas rare de croiser des célébrités ou des skippers professionnels qui participent à la régate en ligne.

"Tout le monde a envie de battre le cousin Jean-Claude ou la sœur Marie"

Selon Corentin Benoit-Gonin, journaliste spécialisé jeux-vidéos, c’est l'une des explications à la popularité du jeu. "On prend un évènement sportif qui existe dans la vraie vie, auquel tout le monde s’identifie, et on propose de faire la compétition avec des gens qu’on connaît, ça excite tout le monde", analyse le journaliste. "Tout le monde a envie de battre le cousin Jean-Claude ou la sœur Marie".

Pas besoin de graphisme immense, pas besoin de s’équiper en matériel, n’importe qui peut y jouer, donc ça amène de gros succès

Corentin Benoit-Gonin

Journaliste spécialisé jeux-vidéos

30 euros pour débloquer toutes les options 

Un jeu "ultra grand public", particulièrement lucratif… Construit sur un mode "free to play", littéralement "libre de jouer", Virtual Regatta est accessible gratuitement. Mais pour performer, l’application propose de réaliser des "microtransactions".

Cette année par exemple, pour quelques euros, il est possible d’acheter du café ou des barres de céréales pour redonner de l’énergie à son skipper. Les plus ambitieux peuvent même investir 30 euros dans un "full-pack", un mode qui permet de débloquer toutes les options du jeu.

Interrogé à ce propos, le développeur du jeu indique ne pas connaître le nombre de personnes ayant souscrit à ce "full pack" pour l’édition 2024 du Vendée Globe sur Virtual Regatta. Tous les joueurs que nous avons interrogés dans le cadre de cet article l’avaient acheté.

Un simulateur pour les "vrais" skippeurs 

Basile Bourgnon, skipper professionnel, a, lui aussi, acheté le "full pack" lorsqu’il a commencé la course, en novembre dernier. Grand espoir de la navigation à la voile, alors qu’il était tout juste âgé de 21 ans, il a terminé deuxième de la Solitaire du Figaro en 2023. Depuis plusieurs mois, il est coincé à terre en attendant la fin du chantier de construction de son nouveau bateau.

Basile Bourgnon participe à l'élaboration de son nouveau bateau sous les couleurs de son sponsor, Edenred. © France Télévisions

Alors en attendant de pouvoir reprendre la mer, le jeune homme, installé dans le Morbihan, utilise Virtual Regatta comme un simulateur. "On peut considérer ça comme bosser, là, j'ai un bateau en construction, donc je n’en profite pas encore, mais j’essaie de garder de travail minutieux de stratégie", explique le sportif de la team Edenred.

Pour piloter son IMOCA virtuel, Basile Bourgnon se sert des mêmes outils qu’à bord : routeur, cartographie, données météorologiques… Il passe des heures chaque jour à analyser.

Les mers du Sud ce sont des mers où je ne suis jamais allé, donc là de faire de la stratégie dans les mers du Sud c’est quelque chose qui peut-être dans la suite pourra m’aider

Basile Bourgnon

Skipper

 Arrivé 21 453ème au Vendée Globe virtuel cette année, Basile Bourgnon rêve de boucler un jour son véritable "Everest des mers", et pourquoi pas, d’en franchir la ligne d’arrivée en premier.

En ce qui concerne l’édition 2024 de la course sur Virtual Regatta, c’est Gilles Boulard, alias "SkipperGilou", qui est revenu aux Sables-d’Olonne le premier après 75 jours, 14 heures et 41 minutes de jeu. Soit onze jours après le véritable vainqueur du Vendée Globe, Charlie Dalin, qui, dans la vraie vie, a encore un peu d'avance sur les meilleurs skippers virtuels. 

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