Sur l'île de Nantes, la polémique enfle autour d'une future plateforme de recyclage de déblais de chantiers à proximité des habitations

Un écocentre doit être mis en service à l'automne 2023. Présenté comme vertueux, il concassera, recyclera et traitera les déblais des nombreux chantiers en cours sur l'île de Nantes. Problème, son emprise de trois hectares est située à 50 mètres à vol d'oiseau des premiers immeubles, des habitants qui n'ont découvert que récemment le projet.

Quand on leur a fait visiter le "Mayflower", l'Ilink" ou encore la "Canopée", ces immeubles sortis de terre ces dernières années sur la pointe ouest de l'île, on ne leur a pas dit, pas même en passant, qu'en 2023, un chantier de recyclage de 3 hectares allait voir le jour sous leurs fenêtres.

"J'ai emménagé en 2020, raconte Agathe Vandekerkhove, au début, on m'a expliqué que la friche sur laquelle passait les rails de train (démantelés en 2023) allait devenir un grand parc, et puis, petit à petit, par le bouche-à-oreille, j'ai appris que d'autres immeubles allaient finalement être construits. Mais avant le 19 avril, je n'avais jamais entendu parler de cet "Ecocentre".

Et pourtant, cette professeure d'histoire-géo est généralement à la pointe des informations ayant trait à l'urbanisme. Elle les utilise même volontiers en cours avec ses élèves pour évoquer l'évolution et les transformations des villes.

"Pour moi, c'est un scandale que personne ne nous ait avertis avant la diffusion de la plaquette de quatre pages dans nos boites aux lettres !"

"Ils ont réalisé des études d'impact sur l'économie, les réductions de gaz à effets de serre, mais ils ont juste oublié les effets que cela aurait sur les humains !"

Agathe Vanderkerkhove

habitante d'un immeuble avec vue directe sur le futur Ecocentre

Une plateforme vertueuse selon son promoteur

Implantée à la pointe ouest de l'île, cette plateforme sera exploitée jusqu’en 2035 par l'entreprise Brézillon.

"Elle sera chargée de prendre en charge les granulats, terre et sable issus des chantiers à venir dans le futur quartier République, situé plus à l'est. Tous ces matériaux seront recyclés pour pouvoir être réutilisés sur les autres chantiers. La station de criblage fonctionnera ponctuellement, il ne faut pas imaginer que les minéraux seront concassés et traités 24h/24h et 7 jours sur 7. Pendant les phases de concassage, il y aura une surveillance pour répondre à des adaptations nécessaires", explique-t-on à la Samoa, la société d'aménagement de l'île.

Avec cet outil, la Samoa, souhaite limiter l’empreinte écologique de ses chantiers, en gérant tous les déblais au même endroit. "Cette démarche vertueuse, écologique et durable permettant de donner une seconde vie aux matériaux est un exemple d’économie circulaire" est-il écrit dans la plaquette de présentation.

La Samoa  avance que cet écocentre ne dégagera pas plus de bruit qu'un aspirateur en marche, 70 décibels, quand une route en émet 90. Une palissade anti-bruit devrait être installée.

"Nous, on se félicite de ce projet, il est exemplaire, ambitieux et nous espérons qu'il fera école. D'ailleurs, on a été surpris de la réaction de certains habitants. À aucun moment, il ne nous a semblé problématique" souligne-t-on à la Samoa.

Un projet rejeté par un collectif d'habitants

Pourtant, les arguments avancés par la Samoa ne semblent pas convaincre de nombreux habitants.

Eux, craignent le bruit, l'importance de l'emprise foncière sous leurs fenêtres, la durée d'exploitation, douze ans... pour l'instant.

Agathe, elle, redoute particulièrement la pollution de l'air ambiant. " Je suis en situation de handicap, je souffre d'insuffisance respiratoire sévère, comme les 48 000 personnes qui meurent prématurément en France chaque année à cause de la pollution. Et je n'ai aucune garantie que ce projet ne produira pas d'émanation de poussières et de microparticules !" s'inquiète cette locataire.

Elle a rejoint le collectif "Stop Ecocentre" à la fois pour obtenir des informations sur ce projet, mais aussi pour le contester et le faire annuler.

Si Agathe est soucieuse, Souâd, elle, bouillonne. Cette riveraine du futur écocentre a décidé de communiquer sur les réseaux sociaux pour dénoncer ce qu'elle estime être "un exemple de mépris des citoyens".

"C'est en tout cas ce que je ressens, En tant que future cobaye à l’exposition à la pollution aux particules fines, contaminants et un niveau supérieur de pollution sonore déjà conséquent. Le positionnement des riverains est raisonné et raisonnable, ce n’est pas un cas de NIMBY (not in my backyard, pas dans mon jardin) mais la dénonciation de la dérive bétonnière en cours sur l’ile de Nantes, un parc de trois hectares transformé en usine de traitement de polluants sous les fenêtres d’une crèche."

"Je faisais partie des citoyens investis dans les consultations sur l’aménagement. À aucun moment, cette étape “temporaire” de 12 ans et prévue de longue date n’a été communiquée aux groupes de travail."

Souâd

Riveraine du futur écocentre

"Nous participons, pour la plupart, depuis au moins 2016 à des réunions d'information et de concertation sur l'avenir du quartier, et jamais ce projet n'avait été évoqué", confirme le collectif sur son site. Du côté de la Samoa, on explique avoir communiqué tardivement "car sur un projet comme celui-là, il faut comprendre qu'on ne peut pas anticiper une communication sans avoir toutes les données."

Le collectif d'habitants qui, en quelques jours d'existence, a déjà réuni quelque soixante-dix personnes, entend bien protester et mettre tout en œuvre pour ne pas laisser s'installer les engins de chantiers sous leurs fenêtres sans rien faire. Ils envisagent de déposer un référé.

"Cette opération risque de lui coûter très cher"

"Nous avons acheté des biens plus chers que d'autres qui devaient bénéficier d'une vue sur un grand parc Métropolitain, s'insurge une propriétaire, nous ne laisserons pas nos biens perdre de leur valeur, la Samoa va devoir comprendre que cette opération risque de lui coûter très cher".

Car, une fois la ligne d'immeubles terminée, l'écocentre fonctionnera sous les balcons de 3600 habitants, autant de riverains possiblement impactés par ses activités.

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