La maladie d'Alzheimer touche en France près d'un million de personnes qui, peu à peu, perdent leur autonomie. Une souffrance pour ces malades, mais aussi pour leurs proches, qui doivent prendre en charge leur conjoint, leur père ou leur mère 24h/24. Une épreuve terrible qui use, physiquement et moralement. Jean-Claude est marié à Chantal, atteinte par la maladie. Un témoignage bouleversant
Jean-Claude connaît ce chemin par cœur. Deux fois par semaine, il l'emprunte pour rendre visite à celle qu'il aime. Chantal, sa femme, est touchée par la maladie d'Alzheimer.
"C'est le joli dessin que Mélo t'a fait, explique Jean-Claude en se penchant vers Chantal, elle m'a dit qu'il y avait de la grande herbe ici, qu'il y avait de la pluie ici. Tu le trouves joli ? Est-ce que tu le trouves joli, ce dessin ?", lui demande-t-il.
Je ne suis pas sûr qu'elle sache si je suis son père, son mari ou son fils. Et ça, c'est... Je ne sais pas.
Jean-ClaudeA propos de Chantal
Une mémoire qui s'est évanouie petit à petit
"Elle reste ma femme. La mère de mes enfants. J'ai sa petite marmotte. Elle adore être avec sa petite marmotte, c'est son petit doudou, raconte Jean-Claude, qui demande à Chantal C'est ton petit doudou ?", elle lui répond d'un sourire.
Le couple s'est marié il y a 35 ans. La mémoire de Chantal, elle, s'est évanouie petit à petit. Les premiers signes de la maladie sont apparus il y a 20 ans. En 2019, un médecin pose le diagnostic.
Pendant trois ans ensuite, Jean-Claude passe ses jours et ses nuits à s'occuper de sa femme.
"Quand je partais, je fermais tout à clé et malgré tout, elle est partie quatre fois, raconte Jean-Claude, deux fois, les voisins l'ont rattrapée avant qu'elle aille trop loin".
"Il y a un moment comique, elle est partie avec une lampe de chevet. Et la dame qui l'a récupérée, elle lui a simplement demandé si elle avait une prise de courant pour brancher sa lampe de chevet en pleine rue comme ça"
Un placement nécessaire
Il y a deux ans, épuisé, Jean-Claude se résout à placer Chantal, alors âgée de 68 ans, en maison de retraite.
"Ça devenait de plus en plus compliqué. Et quand on sait que 40 % des aidants disparaissent avant les aider, il fallait prendre des positions. Et mes enfants m'ont vraiment poussé".
"On ne peut pas s'occuper de sa femme comme on s'occupe d'un bébé de six mois. Alors que là, c'est exactement la situation. C'est un bébé de six mois, témoigne encore Jean-Claude, j'ai changé des enfants, j'ai changé mes enfants, j'ai changé mes petits enfants. Faire ça avec sa femme, ce n'est pas possible. Et j'imagine que c'est la même chose si la situation était inversée".
Elle a besoin de tendresse. Mais je ne sais pas ce que signifient pour elle tous ces moments. C'est tendre et j'ai des sourires. Donc moi, c'est mon rayon de soleil ça. Je sais que c'est des moments rares. Donc chers.
Jean-ClaudeLe mari de Chantal
Pour que sa maison ne lui paraisse pas trop vide, Jean-Claude part souvent prendre l'air.
Dans des groupes de parole aussi comme ceux organisés par France Alzheimer, il parle de la maladie de sa femme. Mais toujours, il garde des projets plein la tête.
"Il faut que je vive autre chose que la maladie. Sans oublier Chantal, mais il faut que je vive autre chose", conclut-il.
Le reportage de Carla Butting, Denis Leroy, Stéphane Hérel
Trois millions de personnes concernées par la maladie
Selon la Fondation pour la recherche médicale, trois millions de personnes sont aujourd'hui touchées directement ou indirectement par la maladie d'Alzheimer en France. Ce chiffre inclut les personnes touchées, au nombre de 900 000, mais aussi leurs aidants.
"Les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer apparaissent en général vers l’âge moyen de 73 ans", précise France Alzheimer.
Cette pathologie touche 15 % de la population de plus de 80 ans. La maladie d’Alzheimer précoce est rare, mais touche cependant en France 33 000 personnes âgées de moins de 60 ans.
225 000 nouveaux cas d'Alzheimer sont dépistés chaque année en France.
Un espoir pour les malades d'Alzheimer avec un anticorps anti-amyloïde, autorisé pour le moment aux États-Unis, "qui a montré une efficacité, encore modeste, mais indéniable pour ralentir l'évolution de la maladie", selon la neurologue Claire Boutoleau-Bretonniere.
"On est vraiment à l'aube d'une nouvelle ère, ce serait le premier traitement qui aurait démontré un effet pour changer le cours évolutif de cette maladie, poursuit la neurologue du CHU de Nantes, c'est un début, c'est encore modeste, il y a encore beaucoup de travail, mais c'est vraiment beaucoup d'espoir".
"En ce moment, il y a sept essais thérapeutiques internationaux, selon Claire Boutoleau-Bretonniere, le but, c'est de guérir, mais on n'y est pas pour l'instant, on en est à modifier certaines protéines dans le cerveau". Des protéines anormales qui s'accumulent et qui, en se propageant, permettent à la maladie d'Alzheimer de se développer.