Il a eu l'impression d'être un intrus au "déjeuner des best-sellers" organisé comme chaque année par l'hebdomadaire L'Express. Pourtant non, Jean-François Pasques explose les ventes avec son roman, Prix du Quai des Orfèvres 2022. Il raconte.
Ce mercredi 8 mars 2023, le capitaine Jean-François Pasques, officier de la voie publique à Nantes déjeunait à Paris, sur l'avenue Hoche, près de l'Arc de Triomphe. A l'hôtel Royal Monceau. Rien que ça. Il n'y aurait pas comme un blème dans cette histoire ? Genre, le petit flic de province qui se fait inviter là où il n'a même pas les moyens de regarder le menu ? Un truc pas réglo quoi.
Stop ! On arrête là les délires de roman de quai de gare !
La situation est tout à fait réelle et vécue, c'est juste l'interprétation qui est mauvaise. On remonte quelques chapitres en arrière.
Prix du Quai des Orfèvres
Novembre 2022, Jean-François Pasques (capitaine de police à Nantes, mais ça, on l'a déjà dit) est distingué, pour son roman "Fils de personne", par le prestigieux Prix du Quai des Orfèvres qui récompense les meilleurs romans policiers pour leurs qualités littéraires et leur respect des réalités du monde judiciaire.
C'est au-delà de ce que j'imaginais, c'est une formidable reconnaissance"
Jean-François Pasques
Et voilà le flic nantais, déjà auteur de quelques romans et nouvelles, propulsé via la maison d'édition Fayard et ce prix très convoité parmi les auteurs en vu.
"Le PQO (Prix du Quai des Orfèvres pour les experts) va apporter une visibilité sans pareil" déclarait à l'époque Jean-François Pasques.
Voilà pour les chapitres précédents. Retour au présent.
182 000 exemplaires vendus
Quatre mois plus tard, la "visibilité sans pareil" s'est concrétisée avec 182 000 ventes, chiffre officiel de ce 8 mars 2023. C'est du très lourd. Mieux que le précédent Prix du Quai qui avait déjà battu des records avec 175 000 ventes... en un an.
"Le bandeau rouge du PQO assure des ventes, confirme l'écrivain. Après, il y a aussi Fayard (la maison d'édition) qui apporte une plus-value avec sa force de distribution et puis il y a le bouche à oreille qui se met en place."
"Fils de personne" est l'histoire d'une enquête policière qui débute avec trois disparitions de femmes et la découverte du cadavre d'un SDF. On y ajoute un dossier d'accouchement sous X et voilà l'intrigue. Le tout solidement cimenté par ce que le capitaine Pasques connait du terrain et de la procédure.
A côté d'Amélie Nothomb
Ce mardi 8 mars, Jean-François Pasques était donc invité au déjeuner des best-sellers qu'organise chaque année l'Express pour les 20 meilleures ventes de l'année écoulée. Déjeuner qui avait lieu au Royal Monceau, à Paris. Et voilà le poulet dégustant sa volaille, à côté d'autre plumes du style Olivier Norek ou Amélie Nothomb.
"C'est nouveau pour moi, sourit Jean-François Pasques. Un repas avec un peu d'orgueil et d'égos. J'ai observé les gens, les comportements à table. C'était la première fois qu'un Prix du Quai des Orfèvres était invité à ce déjeuner. J'étais l'intrus, J'ai croqué à fond !"
Et c'était bon ? Ben en fait, il ne se souvient même pas de ce qu'il a mangé.
"J'ai pris le menu avant de partir, en rigole encore le capitaine Pasques. Pour savoir ce que j'ai mangé."
"Mon créneau, c'est du vrai policier transposé en littérature"
L'écrivain a surtout piqué ici et là quelques idées de personnages, pour un prochain roman. Parce que le tout prochain est déjà écrit. Mais il convient d'attendre que le succès de "Fils de personne" soit retombé avant de remettre le couvert. On n'en dira pas plus.
En attendant, l'officier de la voie publique va retourner à "Waldec", l'hôtel de police de Nantes. Certains collègues ont un peu changé d'attitude depuis que le dossier Pasques s'est enrichi du prix du Quai des Orfèvres. Certains lui ont envoyé une photo de son livre en tête de gondole à la FNAC. D'autres viennent discuter avec lui à la machine à café.
"Les gens à mon travail découvrent le capitaine à travers ce que j'écris. Ils m'en parlent. Ça met du lien, c'est agréable."
Jean-François Pasques
Ce qui le touche le plus ? Quand des gardiens de la paix l'ont félicité en lui disant : "C'est comme si c'était nous qui l'avions eu ! (le prix)" Parce qu'ils ont reconnu leur vrai métier dans ce que Pasques décrivait de l'enquête.
"Mon créneau, dit-il, c'est du vrai policier transposé en littérature. Parler du quotidien des collègues, la police de la rue et celle des grands flics de la PJ. On est dépendants les uns des autres !"
"Ils me laissent libre d'écrire"
Et sa hiérarchie dans tout ça ? Comment accueille-t-elle ce soudain passage sous les projecteurs d'un officier des "bleus" (policier en uniforme).
"Ils prennent acte, déclare sobrement Jean-François Pasques. Ils me laissent libre d'écrire, de publier, de faire mes salons." Sur ses jours de repos bien sûr.
L'écrivain qui reste un policier dans l'âme comprend que cette hiérarchie a d'autres préoccupations. Pourtant, chaque fois qu'il va signer son livre sur un rendez-vous littéraire, Jean-François Pasques estime être en représentation de la Police Nationale et qu'il contribue à vendre aussi une image positive des flics.
Alors il fait avec cette relative indifférence.
"Mon métier m'a appris que la vie pouvait s'arrêter du jour au lendemain, déclare-t-il. Le bonheur se conjugue au présent."
Policier, écrivain... et philosophe.