Cannabis, alcool, drogues dures, Aurore a consommé toute sorte de drogues pendant 25 ans. Un mal-être et de mauvaises relations l'ont piégée dans cet enfer. Désormais abstinente, elle nous raconte son parcours chaotique et le cercle vicieux de l’addiction.
Aurore est tombée dans la drogue alors qu’elle avait 12 ou 13 ans, se souvient-elle.
"De mes 8 ans à mes 12 ans, j’ai subi des attouchements, on a abusé de moi. C’était une personne amie de mes parents. Je ne voulais pas le montrer, j’avais honte, peur. Et puis, une copine m’a dit tiens tu veux venir fumer ? C’était du shit. C’était la première fois. Je me souviens que ça a été une libération ".
Après le cannabis, Aurore découvre l’alcool "j’aimais le fait de ne plus être moi-même, je ne voulais plus être cette petite fille qui avait peur, honte, qui était sale et cassée" .
Les joints, l’alcool et les autres drogues consommées en soirées permettent à la jeune fille de ne plus penser à ce qu’elle a subi. "Je ne voulais pas ressentir mes émotions, j’étais bien… puissante. Je ne savais pas que ça pouvait me détruire".
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Quand tu vends de la came, tu peux te faire tuer… Je ne me rendais pas compte
Aurore
Et puis Aurore rencontre un garçon. Celui-ci deale de la drogue, dure. "J’ai goûté l’héroïne, une fois, et je suis tombée dedans tout de suite. Il m’en fallait encore ".
C’est le début d’une descente aux enfers. Le jeune homme cache la drogue chez elle et Aurore commence à consommer quotidiennement. Elle se met à dealer et va chercher la drogue à Rotterdam pour le compte de son petit ami, avec qui elle va rester 4 ans.
"J'étais sa mule, j'étais sa pute. Je me faisais tabasser par les gens… Quand tu vends de la came, tu peux te faire tuer… Je ne me rendais pas compte" raconte, sans retenue, la jeune femme. Témoigner, est devenu pour elle une sorte de mission.
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La case prison
Le 2 octobre 2003, alors qu’elle rentre d’un de ses voyages, elle se fait arrêter à la gare. Aurore a 24 ans et met tout sur elle. Elle est condamnée à huit mois ferme, qu’elle passera à la prison de Rennes. Ce séjour la marque durablement.
"De me retrouver avec des femmes qui étaient soit des meurtrières, soit qui avaient touché leur gamin, c’était très dur…"
Mais en prison, Aurore continue de consommer, "il y avait de la drogue qui circulait, et des médicaments. Entre détenues, on s’échangeait des médicaments". Mais les produits ne circulent pas assez pour lui éviter des crises de manque. Elle décrit cette sensation terrible "Ils m’ont laissée en manque…tu transpires, tu as envie de vomir, de taper…t’as tous tes muscles en tension. C’est horrible la sensation de manque, ça fait mal…je ne dormais pas. Après ils m’ont mise sous subutex@, j’étais bien ".
Retour à la conso
À sa sortie de prison, Aurore est hébergée chez sa grande sœur, mais la cohabitation ne se passe pas bien. Elle décide de retourner voir son ex à Paris, qui lui demande de retourner à Rotterdam, ce qu’elle va faire.
"Je ne me souviens pas de ce qu’il s’est passé…Il y avait de la drogue du violeur…Je suis rentrée le lendemain, je n’étais pas bien du tout…Et en rentrant à Paris je me suis fait taper…"
Elle finit par quitter cet homme et revient vivre à Rennes.
Mais un nouveau drame la frappe de plein fouet. Sa petite sœur, âgée de 16 ans, meurt, victime de la drogue.
"Elle est décédée dans son lit, elle avait consommé. Elle devait aménager chez moi, je devais l’aider, mais je ne savais pas que je pouvais l’aider".
Aurore recommence à consommer, et à boire.
Maman, je ne veux plus te voir comme ça
Le fils d'Aurore
Pour pouvoir payer sa consommation de cannabis, la jeune femme se remet à dealer de l’herbe et rencontre un autre homme, un client. Contre toute attente, elle tombe enceinte. Elle arrête alors de boire, mais continue de fumer.
Durant 9 ans, Aurore élève seule son fils, travaille dans des commerces, mais continue de boire et de fumer. Jusqu’à ce jour où, au réveil, son fils lui dit : "maman, je ne veux plus te voir comme ça". Le même jour, sa mère et sa sœur la menacent d’appeler les services sociaux, si elle n’arrête pas la drogue et l’alcool. Aurore décide de se soigner, pour ne pas perdre son fils.
Le chemin de la guérison
Alors âgée de 37 ans, Aurore s’engage dans une cure de désintoxication qui va durer six mois. "Je ne pensais pas que ce serait aussi dur. C’est là-bas que j’ai su que la dépendance était une maladie".
En fin de cure, Aurore va découvrir une association d’entraide. Une rencontre déterminante. "J’ai rencontré des gens bien, qui avaient eu un parcours similaire". Les témoignages, l’empathie et les soutiens reçus lui permettent de tenir.
Cela fait 5 ans et 9 mois qu’Aurore a tout arrêté. Elle est désormais mariée et tente de se reconstruire.
"Je réapprends à vivre. Ça fait drôle. Je ressens des émotions que je ne connaissais pas. C'est bizarre de dire ça à l'âge que j'ai. Des fois, je ressens de la tristesse ou de la colère et je ne sais même pas que c’est ça. J’ai dit, c'est quoi maman ce que je ressens là ? et elle me dit "et bien ma fille, tu es amoureuse"".
On peut vivre sans consommer, mais il ne faut pas rester tout seul
Aurore, 5 ans et 9 mois d'abstinence
Depuis qu’elle a décroché, Aurore s’investit pleinement dans la vie associative et dans le soutien aux consommateurs dépendants qui veulent arrêter. "On peut vivre sans consommer, mais il ne faut pas rester tout seul" insiste Aurore.