Plus aucun territoire n'est épargné par la consommation et le trafic de drogue en Bretagne. Alors, pour lutter contre ce "tsunami blanc", les gendarmes bretons mènent un combat tous azimuts pour mettre la pression sur les dealers mais aussi sur les consommateurs. Ils font aussi de la prévention auprès des plus jeunes, qui sont de plus en plus sollicités par les dealers, même dans les petits villages bretons.
"Savez-vous quels sont les noms familiers donnés à la drogue?". C’est un quizz plutôt inattendu que propose un gendarme aux élèves du lycée Professionnel Sainte-Marie-de-Plouigneau ( Finistère). Les jeunes ont 14 ou 15 ans. Ils sont déjà bien au fait de l’existence de stupéfiants… Au fond de la classe, les enseignantes sont sidérées par les nombreuses connaissances de leurs jeunes élèves.
Pendant deux heures, l’adjudant Joseph Derbal du Groupement de gendarmerie du Finistère, mène sa mission de prévention anti-drogue auprès des élèves. Il aborde les différents produits sur le marché mais aussi les risques sur la santé.
Une campagne de prévention sans tabou
"On ne réagit pas tous de la même façon aux mêmes produits, note-t-il. Je parle notamment de décès. Le dealer il s'en moque, lui tout ce qui l'intéresse c'est le billet. Parce que lui après, il a des comptes à rendre".
Le militaire insiste notamment sur la composition des drogues, parfois mélangées avec de l’huile de vidange, du pneu, de la colle et même des excréments.
Ici aucun tabou, le gendarme n’hésite pas à entrer dans les détails
"Concernant le crack, vous avez une dépendance quasi immédiate. Les effets sont très rapides, mais très court. La descente, le bad trip, est très violent".
Les jeunes ruraux cernés par les propositions
Pour évoquer cette omniprésence de la drogue dans les campagnes, quatre élèves de cet établissement, accompagnés de leurs professeures, se sont portés volontaires pour parler de leur quotidien. Ils habitent dans des petites communes alentour.
Tous nous affirment ne pas être consommateurs. Et pourtant, les propositions de stupéfiants sont quasi-quotidiennes…
"Sur les réseaux sociaux, raconte Mathis, 18 ans, élève de terminale Pro, parfois nous voyons certains qui proposent de vendre ou d'acheter".
"Même des fois dans les rues, appuie Elias 15 ans élève de seconde pro, ils tagguent des choses et voilà, c'est un peu en libre-service".
En milieu rural, la drogue s’est clairement installée dans le paysage.
"Ils n'ont pas honte de le faire quoi", estime Louna 15 ans élève de 3ème pro (SAPAT Service aux personnes et aux Territoires).
"C'est tellement devenu banal auprès des jeunes, complète Coline, 18 ans élève de Terminale Pro (SAPAT), que chacun se sent libre d'en parler".
Selon eux, le marché, notamment pour le cannabis, s’est même adapté à la jeune clientèle. "Certains, explique Mathis, vendent le cannabis pas trop cher pour être sûr que certains puissent en acheter".
C'est tellement devenu banal auprès des jeunes que chacun se sent libre d'en parler.
Coline, 18 ans, élève en Terminale pro
Il y en a certains qui consomment à n'importe quel moment de la journée, n'importe où, sans aucune honte.
Elias, 15 ans, élève en seconde pro
Ils décrivent de jeunes consommateurs déjà très dépendants…
"Il y en a certains, confie Elias, qui consomment à n'importe quel moment de la journée, n'importe où, sans aucune honte".
"J'ai discuté avec des gens qui en consommaient, confie Louna. Ils me disent que c'est parce qu'ils ont des problèmes familiaux, ou des problèmes dans leur vie".
J'ai discuté avec des gens qui en consommaient. Ils me disent que c'est parce qu'ils ont des problèmes familiaux, ou des problèmes dans leur vie"
Louna, 15 ans, élève en troisème Pro
Autour d’eux, des consommateurs… mais aussi des dealers.
"Je connais quelqu'un qui deale, révèle Mathis, pour se faire de l'argent. Une fois, en une semaine, il a réussi à se faire 450 euros!"
Les propos de ces élèves laissent leurs enseignantes complètement incrédules.
"Qu'on soit capable de se procurer de la drogue au petit bistrot du coin, s'étonne Catherine Thomas,
enseignante au lycée professionnel Sainte-Marie de Plouigneau, en pleine campagne, c'est surprenant!
"Que les tarifs soient fonction du jour de la semaine, du public, c'est incroyable!", renchérit Christiane Rolland, une collègue.
Que les tarifs soient fonction du jour de la semaine, du pouvoir d'achat du public, c'est incroyable!
Christiane Rolland, enseignante au lycée professionnel Sainte-Marie de Plouigneau
Des jeunes comme Mathis, Coline, Louna, Elias et tous les autres ne sont plus à l’abri du tsunami blanc…même dans leur verte campagne.
"En Bretagne, on voit une multiplication des points de chute, notamment pour la cocaïne, dans des endroits inattendus souvent des zones rurales"
Regardez notre entretien avec Arnaud Bauer, criminologue