Il était à la tête d'un point de deal du quartier Kercado à Vannes. Condamné à cinq années de prison, il y a quelques mois, il a fait appel. Mais cette fois, devant la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes, pour des faits de séquestration, il a été condamné à quatre ans et demi de prison ferme. Ses hommes de main, chargés de "sécuriser" le point de deal, écopent de peines allant de onze mois à deux ans et quatre mois de prison.
La Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Rennes a condamné ce jeudi 7 novembre 2024 six hommes, parmi lesquels figure Marwan, l'un des frères B., à la tête du trafic de stupéfiants du quartier de Kercado à Vannes (Morbihan), mais aussi un habitant de Brest (Finistère) et quatre de Tours (Indre-et-Loire) chargés de "sécuriser" le point de deal.
À seulement 23 ans, Marwan a déjà été condamné il y a quelques mois à Vannes, avec son frère cadet de 22 ans, à cinq années de prison. Une peine dont il a fait appel. Cette fois, devant la JIRS de Rennes, il a été condamné à quatre ans et demi de prison. Il était accusé d'avoir été à l'initiative d'une séquestration ultra-violente de deux jeunes revendeurs.
Un point de deal lucratif et disputé
Pour comprendre le contexte de l'affaire dans laquelle s'est plongée la Juridiction interrégionale spécialisée de Rennes pendant trois jours, il faut revenir au printemps 2021. Cette année-là, le quartier Kercado est le théâtre d'une montée en puissance de la violence sur fond de narcotrafic. Plusieurs clans se disputent les points de deal, pour le moins lucratifs de ce quartier. Dix mille euros par jour, selon les sonorisations opérées par les policiers.
Deux clans s'y opposent. Les gérants historiques du trafic, deux frères bien connus des juridictions bretonnes, dont l'un a d'ailleurs fini "comme un légume" en 2017 à cause de règlements de comptes, viennent de se faire doubler par deux jeunes frères originaires de Colombes (Hauts-de-Seine), Marwan B. et son frère.
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Les violences se multiplient
Le 11 juin 2021, le cadet avait d'ailleurs été visé par des tirs à Carnac (Morbihan), en début de soirée. Ensuite, les violences se sont multipliées, et la justice n'est pas toujours parvenue à identifier les auteurs des différentes "tentatives de meurtre" intervenues cette année-là. Pour assurer la sécurisation des points de deal, et ainsi s'éviter une reprise par le clan rival, les deux frères des Hauts-de-Seine avaient donc fait appel à des hommes de main, le plus souvent de nationalité tchétchène, chargés de faire peur.
À l'époque, les parquets de Vannes, Lorient et de la JIRS de Rennes s'étaient même réunis pour agir conjointement contre ces règlements de comptes. "Ce qui compte, c'est d'arriver (...) à mettre les frères B. en prison le plus longtemps possible (...), de les faire tomber, avant de démontrer quoi que ce soit", grince leur avocat, Me Sami Khankan, déplorant le "saucissonnage" opportuniste des poursuites à leur encontre dans plusieurs dossiers distincts.
Objectif : lui "couper le doigt" et le "brûler"
Le 29 juillet 2021, deux jeunes dealers d'Angers (49) et de Saint-Nazaire (44) soupçonnés de travailler pour le clan rival des deux frères, avaient ainsi trouvé refuge chez des habitants d'Arradon (Morbihan), qui avaient appelé les secours. L'un d'eux était en effet "grièvement blessé à la main" : on avait manqué de lui "couper le doigt". Ils avaient alors expliqué avoir été enlevés alors qu'ils étaient juste "venus passer des vacances" à Vannes. Mais en réalité, les déclarations d'autres protagonistes permettront de dire qu'ils étaient plutôt venus, non pour le tourisme, mais plutôt pour "faire de l'argent". Les deux "vacanciers" n'étaient d'ailleurs ni présents, ni représentés au procès.
Des "Tchétchènes" les avaient "mis de force" ce jour-là dans un coffre de voiture au beau milieu du quartier Kercado. Un troisième homme, visé aussi par l'enlèvement, était parvenu à fuir. Après avoir reçu des coups, l'un des deux avait été menacé de se faire "couper un doigt" et d'être "brûlé dans la voiture" par leurs agresseurs, qui avaient effectivement tenté de le lui couper, en vain. Au final, les deux jeunes avaient attendu "plusieurs heures" dans le coffre avant d'être relâchés dans un champ.
"Je ne pensais pas qu'ils allaient être torturés à ce point-là"
Dans cette affaire, quatre ressortissants tchétchènes installés en Indre-et-Loire ont ainsi été identifiés : ils avaient déjà été repérés, voire interpellés, sur les points de deal du quartier Kercado. Des "liens entre leurs lignes téléphoniques" et celle de Marwan avaient aussi été établis par les enquêteurs. Ils avaient également été reconnus par les victimes sur des "planches photographiques". Parmi eux, leur "recruteur" d'origine arménienne, un proche de Marwan. Il avait expliqué qu'il avait recruté des hommes de main pour "sécuriser les enfants" qui dealaient : les "seuls adultes" présents sur le point de deal percevaient "300 € par jour" en jouant les gros bras à Kercado. "Je ne savais pas qu'ils allaient subir de telles violences, sinon je ne les aurais pas emmenés là-bas", dira d'ailleurs l'un des Tchétchènes, qui avait joué les chauffeurs. "Je ne pensais pas qu'ils allaient être torturés à ce point-là"...
Dans la matinée, la représentante du parquet Jirs avait requis des peines allant d’un an à quatre ans de prison ferme pour les "hommes de main" de ce dossier. Elle avait surtout réclamé la condamnation du responsable du point de deal à sept ans de prison. Mais finalement Marwan a été condamné à quatre ans et demi de prison ferme, avec maintien en détention.
En revanche, les cinq autres ont écopé de peines allant de onze mois à deux ans et quatre mois de prison ferme. Ces condamnations "couvrent la détention provisoire" ou "pourront être réalisées sous la forme d'un bracelet électronique", a détaillé la présidente de la Jirs de Rennes. Aucun d'entre eux n'est donc reparti en détention.
(Avec Press Pepper)