Urgences, régulation, praticiens étrangers... Comment lutter contre les déserts médicaux dentaires ?

Devoir patienter des mois pour obtenir un rendez-vous dentaire, c’est le quotidien de nombreux patients dans les Pays de la Loire. Pour pallier le manque de praticiens plusieurs mesures et initiatives sont prises à l'échelle régionale comme nationale, entre régulation des installations et création d'urgences spécifiques.

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Sonia se dit rassurée, elle a souffert d'un mal de dents tout le week-end.

"Je travaille dans le chocolat, donc ça n'arrange rien", s'amuse à préciser la Mayennaise. Ce sont les risques du métier. Alors, au-delà de ce trait d'humour, Sonia, assure que c'est important pour elle d’être suivi par un dentiste. 

Et quelques mois auparavant, elle en avait une. Seulement, celle-ci est partie à la retraite sans avoir pu être remplacée. "Ça fait quand même peur à notre époque de voir qu'on n'a plus assez de dentistes", lance-t-elle, le regard inquiet. 

Seulement 100 dentistes en Mayenne

Son esprit est tout de même plus calme en ce lundi matin de janvier. Par chance, elle a décroché un rendez-vous rapidement aux urgences dentaires de Château-Gontier. "J'ai téléphoné à 9 heures et j'ai pu avoir ce rendez-vous à 11 h 15", se réjouit-elle.

Elle admet toutefois avoir dû faire preuve de patience pour obtenir ce créneau. "J'étais déjà venue une fois et je sais qu'il ne faut pas hésiter à appeler à plusieurs reprises pour avoir quelqu'un au bout du fil. J'ai donc téléphoné trois fois", détaille-t-elle. 

Il faut dire que depuis leur ouverture, ces urgences dentaires ne désemplissent pas : les prises de rendez-vous s'enchaînent à l'accueil où le personnel traite près de 300 appels par jour. Elles avaient été créées en 2022 pour pallier le manque de dentistes dans le département.

Avec seulement  3,3 praticiens dentaires pour 10 000 habitants, le Mayenne est le département le plus sous-doté des Pays de la Loire.

Intégrer des praticiens étrangers

Ce jour-là, installée sur un des fauteuils vert pomme des urgences dentaires, Sonia n'est pas soignée par un, mais deux dentistes.

D'abord, il y a le docteur Ferdi, spécialisé en prothèses dentaires. Originaire d'Irak, qu'il a dû quitter en 2014 à cause de la guerre, il est titulaire d’un diplôme étranger hors Union européenne. 

Ensuite, comme il n'a pas encore reçu l'équivalence pour travailler en France, il est accompagné d'un praticien senior. C'est pourquoi Philippe Leriche reste derrière ses épaules. Son rôle ? Superviser les actes du docteur Fredi. 

"Je suis content de pouvoir exercer mon métier et de rendre service aux patients qui en ont besoin. Ça me rend heureux", souligne le dentiste irakien.

À ses côtés, Philippe Leriche assure ne pas regretter d'avoir mis de côté sa vie de retraité. "Ce n'est pas que ça me pesait, mais presque", maintient-il tout en affichant un petit sourire. Celui d'un homme fier de continuer à prêter main forte. 

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La Mayenne est le département le plus sous-doté des Pays de la Loire avec 32.69 dentistes pour 100 000 habitants, selon l’Observatoire des territoires. Alors il y a deux ans l’hôpital de Château-Gontier s’est lancé dans une démarche innovante : ouvrir un service dédié aux urgences dentaires pour les Mayennais. Depuis sa création il ne désemplit pas, c’est même plutôt l’inverse. ©F. Cotenceau / D. Jouillat / N. Guilbaud

De jeunes étudiants français fourmillent aussi dans les couloirs de ces urgences dentaires. Également accompagnés par des médecins seniors, ils viennent des facultés de Nantes et de Rennes.

"On les fait venir dans notre département et on essaie de les implanter", assure Eric-Alban Giroux, directeur de l'hôpital de Château-Gontier.

Il précise par ailleurs que l'existence de ces urgences, dotées de cinq fauteuils, nécessite un gros investissement financier. "Au total, ça a coûté deux millions d'euros", fixe-t-il. C'est vraisemblablement le prix à payer pour faire face à la pénurie de praticien dans le département.

Une régulation nationale

La situation en Mayenne n'est pas isolée. Elle est une manifestation locale de ce qui se passe en France. En effet, les déserts dentaires sont un peu partout le territoire national où persistent des disparités d'un département à l'autre.

Alors, pour lutter contre ce déséquilibre, les dentistes sont désormais incités à s'installer dans des déserts médicaux depuis le 1er janvier 2025. C'est une petite révolution dans le monde médical.

L'Assurance maladie a conclu un accord avec les deux syndicats majoritaires de la profession, Chirurgiens-dentistes de France (CDF) et Fédérations des syndicats de dentistes libéraux (FSDL), pour instaurer un système de bonus-malus selon le lieu d'installation des praticiens.

Cela selon des zones définies par l’agence régionale de santé (ARS) comme étant "non-prioritaires" ou "très sous-doté".

Concrètement, si un dentiste s'engage à travailler pendant au moins cinq ans dans une zone qui manque de praticiens, il recevra une prime de 50 000 euros, le double de l'aide forfaitaire à l'installation actuellement octroyée.

À l’inverse, rien n'empêchera les dentistes de s'installer dans les zones "non-prioritaires", mais leurs patients ne seront alors pas remboursés par l'Assurance maladie. Une exception existe toutefois : en cas de départ à la retraite ou de cessation d'activité d'un professionnel.

Dans les Pays de la Loire, 92 zones et 894 communes sont fortement sous-dotées.

"Je viens d'une région où l'on a besoin de médecin, où l'on manque de dentiste, si j'y retourne pour travailler ça aiderait beaucoup de gens", relève Zoé Cirotteau, étudiante en cinquième année d'odontologie à Nantes. Cette régulation lui paraît donc normale.

Je veux bien aller dans des endroits ayant des besoins, mais je n'ai pas envie qu'on m'impose un territoire précis

Yuliana Getsova

Présidente de l'Association Etudiante Chirurgie Dentaire Nantes

"Seulement, si plus tard, j'ai envie de bouger, c'est vrai que cette mesure me fait peur", admet-elle toutefois. Plus loin, une de ses camarades assure que la prime de 50 000 euros ne la laisse pas indifférente.

"C'est un plus non négligeable, car tout le matériel nécessaire pour pratiquer coûte très cher", assure l'étudiante de la faculté dentaire de Nantes où, dans l'ensemble, ces nouvelles mesures semblent comprises.

Avec Sandrine Gadet et Florie Cotenceau

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