Vacances de printemps : une sélection de BD pour faire le plein d'aventures

Parce que les vacances sans histoires ne sont pas des vacances, voici une sélection de romans graphiques qu'on a adorés. Humour, aventure, western, témoignage… il y en a pour tous les goûts. À vous de choisir !

1/  Une ode à la liberté

Bousculer les codes, mieux encore, les inverser ! C'est ce que la jeune autrice française Marie Spénale a souhaité faire ici, avec ce nouvel album signé aux éditions Casterman. Il y a longtemps que je t'aime met en scène une femme proche de la soixantaine qui se retrouve seule sur une île déserte après le naufrage de son navire. Seule ? Pas tout à fait.

En s'enfonçant dans la forêt luxuriante, Annie, tel est son prénom, fait la rencontre d'un séduisant jeune homme, muet et un brin sauvage, qui va agir sur elle comme un révélateur. Débarrassée de tous les diktats de la société patriarcale, de toutes les convenances, à commencer par ses cheveux longs qu'elle s'empresse de couper, Annie s'interroge sur sa vie amoureuse, sur sa place de femme, son rôle auprès de son mari, et se laisse finalement aller à aimer librement et sans crainte du regard ce jeune homme sorti de nulle part et sans références sociales.

À travers ce récit aux couleurs chatoyantes et au graphisme épuré, parfois même abstrait, Marie Spénale évoque avec subtilité l'invisibilisation dont souffrent les femmes d'un certain âge dans le neuvième art, comme ailleurs, et illustre toute la difficulté d'échapper aux schémas traditionnels, aux conventions sociales. Elle montre enfin que l'amour n'a pas d'âge et que la liberté n'a pas de prix. Et rien que pour ça...

Il y a longtemps que je t'aime, de Marie Spénale. Casterman. 24€

2. Au charbon !

Le sol est noir, la végétation est noire, l'horizon est noir, les âmes elles-mêmes sont noires, tout est affreusement noir dans les pages de cette bande dessinée signée Aurélien Ducoudray et Fred Druart. Aussi noir que le charbon ! Rien d'étonnant puisque le combustible est partout dans ce coin reculé de la Chine.

Et on en vit plus ou moins en tant que mineur, marchand ou transporteur. Comme Yuan ! Routier de son état, il négocie son charbon à l'achat et à la revente avec, au passage, quelques billets sous la table, histoire de gagner du temps.

Un travail de dingue, le tout pour un salaire de misère, jusqu'au jour où Yuan se fait agresser et voler son camion, son seul bien, sa seule richesse. Impossible dès lors de rentrer chez lui tant qu'il ne l'aura pas retrouvé…

Dans ce polar social, très documenté, et qui rappellera à certains le film d'Henri-Georges Clouzot, Le Salaire de la peur, Aurélien Ducoudray et Fred Druart illustrent la face cachée de l'économie du charbon en Chine, avec les mines illégales, le marché noir, la violence inhérente et la pauvreté endémique. Un récit dur, âpre, au graphisme écorché, aux décors d'un autre temps, d'un autre monde.

Les Âmes noires, de Ducoudray et Druart. Dupuis. 21,95€

3. Souvenirs de dictature

Quarante-huit ans ! La dictature au Portugal est la plus longue que l'Europe ait connue au XXe siècle. Dépassant de loin celle instaurée par Hitler ou Mussolini et même celle du voisin espagnol. Et malgré tout, elle est la moins connue de toutes, la moins enseignée.

Madeleine Pereira est née en France, vit à Angoulême, mais ses racines familiales sont portugaises. Elle-même ne connaissait pas grand-chose à cette histoire avant qu'elle décide d'utiliser son art, la bande dessinée, pour recueillir des témoignages, ici des membres de sa famille, là des amis de son père, et les réunir dans cet album baptisé Borboleta, papillon en français.

À travers ces témoignages, Madeleine Pereira raconte l'histoire de sa famille et au delà celle de tout un pays. Elle raconte aussi son parcours personnel et intime, de la jeune fille refusant tout signe apparent d'une appartenance à la communauté franco-portugaise jusqu'à la jeune-femme curieuse de ses origines. 

Borboleta, de Madeleine Pereira. Sarbacane. 24€

4. Le sens de la vie 

Pour sa vie d'adulte, Olivia n'a pas d'idée, ou plutôt si : ne rien faire ! En tout cas, refuser "les jobs à la con", comme elle dit, refuser de servir à quelque chose, vivre tout simplement, comme les peuples autochtones qui, s'imagine-t-elle, vivaient ici même en harmonie avec la nature.

Alors, à la veille de ses 18 ans, Olivia décide de tout plaquer, lycée, petit ami, famille, et de rejoindre une communauté agricole utopiste baptisée Evergreen. Dans cette échappée existentielle, Olivia embarque ses amis Milo et Alvin. Ensemble, ils traversent les îles Gulf sur la côté ouest canadienne en espérant trouver enfin un sens à leur vie…

On le présente comme une étoile montante de la bande dessinée canadienne, Adam de Souza affiche en tout cas une belle aisance graphique et scénaristique dans cet album paru aux éditions Gallimard BD.

L'univers développé sur 240 pages est très séduisant, quasi envoutant. Les moments drôles et graves se succèdent avec bonheur autour de ces trois personnages attachants, essayant de trouver leur place dans un monde qui ne leur convient pas. 

Les Herbes sauvages, d'Adam de Souza. Gallimard BD. 26€

5. Au cœur du chaos…

Petit pays, premier roman de Gaël Faye a été publié en 2016 aux éditions Grasset. Il a depuis connu un immense succès, plus d'un million d'exemplaires vendus, reçu une dizaine de prix plus prestigieux les uns que les autres, dont le prix Goncourt des lycéens, avant d'être adapté au cinéma et au théâtre.

À l'occasion des 30 ans du génocide des Tutsi au Rwanda, Sylvain Savoia, Marzena Sowa, avec la participation active de Gaël Faye lui-même, offrent une nouvelle dimension à l'histoire de Petit pays avec cette adaptation en bande dessinée.

À travers l'histoire du jeune Gabriel, né d'un père français et d'une mère rwandaise, Petit pays nous replonge dans l'horreur des massacres au Burundi et bien sûr au Rwanda de 1994 avec toute la charge émotionnelle du livre renforcée par le découpage dynamique de Marzena Sowa et la mise en images résolument fluide et soignée de Sylvain Savoïa.

Sans rechercher la précision documentaire, les auteurs parviennent à offrir une fiction portée par une dimension historique et politique. Incontournable ! 

Petit pays, de Gaël Faye, Marzena Sowa et Sylvain Savoia. Dupuis. 26€

6. Rencontre du troisième type

Une rencontre du troisième type ! C'est ainsi que les auteurs de Vivre libre ou mourir qualifient leur découverte du mouvement punk et underground dans les années 80 en France. Une rencontre du troisième type ? En tout cas une révolution ! Avec pour locomotives Les Béruriers noirs, Mano Negra, Les Négresses Vertes, Ludwig Von 88, Gogol 1er, La Souris Déglinguée, OTH, les Thugs et tant d'autres...

Et de remonter le temps, depuis l'éclosion du mouvement punk au milieu des années 70 aux USA ou en Angleterre et son arrivée en France avec les Stinky Toys, Bijou, Starshooter ou encore Les Olivensteins. Plus qu'un genre musical, le punk est un mouvement culturel et philosophique qui marque une rupture avec la bienséance générale.

Dans ce beau livre de 180 pages, Nicolas Moog et Arnaud Le Gouëfflec racontent cette histoire du punk rock alternatif en France entre 1981 et 1989 en donnant la parole à quelques-uns de ses acteurs, qu'ils soient musiciens, journalistes, graphistes ou encore écrivains.

D'une grande richesse, dans un style graphique proche de l'underground américain, Vivre libre ou mourir ne s'adresse pas seulement aux nostalgiques de l'époque mais à tous ceux qui s'intéressent un tant soit peu à la musique. Un beau boulot à lire avant de mourir libre !   

Vivre libre ou mourir, de Nicolas Moog et Arnaud Le Gouëfflec. Glénat. 22,50€

7. Un mystère qui fait plop

Ce soir, c'est hockey devant la télé. Les Canadiens de Montréal rencontrent les Lightning de Tampa Bay. Un match historique. Tout le monde retient son souffle quand le ventre d'Alex fait subitement plop, oui plop. Et de constater dans la foulée qu'il a changé de sexe. Plus de pénis mais une vulve en lieu et place. De quoi se sentir bien seul. Ou seule.

Mais Alex s'aperçoit très vite qu'il n'est pas un cas unique. De nombreux hommes ont subi la même transformation soudaine au point d'inquiéter le gouvernement. Et si ce phénomène étrange provenait d'une contamination alimentaire...

Plop! a beau être une comédie drôle à souhait, elle en pose pas moins certaines questions judicieuses autour de la condition féminine, de la masculinité et de notre mode de vie. Simon Vergnol signe le dessin de ce roman graphique paru chez Steinkis, et Sébastien Fleuret, le scénario.

Géographe de la santé, directeur de recherche au CNRS, Sébastien Fleuret est un jour tombé sur une étude autour du fleuve Potomac et de poissons qui auraient changé de sexe à la suite d'une contamination. Ceci explique cela !

Plop!, de Sébastien Fleuret et Simon Vergnol. Steinkis. 18€

8. Aux origines de la justice internationale

Cette bande dessinée volumineuse de Jean-Christophe Camus et Christophe Picau, d'après le roman de Philippe Sands, débute à Lviv. Cette ville située à l'ouest de l'Ukraine changea plusieurs fois de nom, passant de Lemberg sous l'empire austro-hongrois à Lwów après la Première Guerre mondiale, puis Lvov au début de la Seconde Guerre mondiale et de nouveau Lemberg sous l'occupation allemande.

Philippe Sands, juriste international connu pour ses recherches sur le procès de Nuremberg, sur différentes affaires liées au Chili, à l'ex-Yougoslavie ou encore au Rwanda, mais aussi pour sa participation aux négociations ayant mené à la création de la Cour pénale internationale, doit y donner une conférence sur ses travaux autour des crimes contre l'humanité et des génocides.

Cette invitation est aussi pour lui l'occasion d'explorer l'histoire de cette ville dans laquelle fût annoncée la mise en place de la solution finale en 1942 et dans laquelle ont justement habité les deux juristes à l'origine des concepts de crime contre l'humanité et de génocide. C'est enfin et surtout pour lui le moment de lever un coin du voile sur son histoire familiale et notamment sur le passé de son grand-père qui a un temps vécu ici avant de fuir l'Holocauste et de rejoindre la France.

Jean-Christophe Camus et Christophe Picaud ont réussi à adapter et à mettre à la portée d'un public élargi le récit particulièrement dense de Philippe Sands portant à la fois sur son histoire personnelle, sur l'histoire de la Shoah, l'histoire du droit international et de ces notions de génocide et de crime contre l'humanité qui devaient changer le monde.

À l'image du livre, la BD reste tout à fait digeste et accessible grâce notamment ici au choix d'un graphisme réaliste en noir et blanc jamais surchargé.  

Retour à Lemberg, de Jean-Christophe Camus, Philippe Sands et Christophe Picau. Delcourt. 34,95€

9. En eaux troubles

C'est une maison au milieu d'un bois sombre. À rafraichir ! Mais Huub et Sara sont bien décidés à lui redonner son éclat d'antan. Lui, architecte, elle, artiste peintre, ont souhaité s'y installer après le mort tragique de leur enfant unique. Pour oublier ? Tout au moins pour tenter de reprendre une vie à peu près normale !

Mais Sara, qui n'a pas touché un pinceau depuis des lustres, s'enfonce chaque jour un peu plus dans la dépression et la folie. Et la découverte d'étranges marques sur les arbres, d'une mare à l'eau noire comme du charbon ou encore de vieux croquis laissés par le propriétaire précédent ne vont pas arranger les choses...

Auteur de L'Exilé, un western au temps des Vikings qui avait reçu un bon accueil en 2020, le Néerlandais Erik Kriek développe ici un récit d'horreur assez classique dans sa trame mais magnifiquement mis en images et en couleur.

Tout ici participe au sentiment de malaise et d'oppression laissé par sa lecture. Pages après pages, l'auteur nous plonge dans l'horreur mais aussi dans le doute. Assistons-nous à la descente en enfer de Sara ou à ses hallucinations. Entre le réel et l'imaginaire, les lignes se troublent.

La Mare, d'Erik Kriek. Anspach. 29€

10. Ruée vers l'or noir

À la tête de la Foxton Inc, Jay Foxton a l'habitude de racheter des terres pour un verre de whisky et une poignée de dollars. Et si ça ne suffit pas, l'affaire peut éventuellement se conclure à coups de flingue. Mais avec Gus Carcajou, les choses ne vont pas se passer d'une façon aussi expéditive.

Il faut dire que le Gus en question a un sacré tempérament et que son bout de terrain, même s'il regorge du pétrole tant convoité par Foxton, est aussi une mine d'or à ciel ouvert qui lui permet de vivoter et d'acheter sa gnôle. Et ça lui suffit amplement ! Face à l'avidité de l'entrepreneur, Gus Carcajou résiste jusqu'au jour où il est soupçonné d'avoir tué deux fillettes...

Magnifique ! Sur plus de 200 pages, ce western signé Eldiablo et Djilian Deroche aux éditions Sarbacane nous emmène dans le Grand Nord canadien à la fin du XIXe siècle pour un western haletant qui reflète toute la noirceur de l'âme humaine.

Un trait nerveux et séduisant, un découpage dynamique, des plans audacieux, des personnages aux caractères bien trempés et un scénario diabolique à souhait qui n'exclut pas l'humour, tout est réuni ici pour passer un bon moment ! Vous pouvez ranger les colts !

Carcajou, de Eldiablo et Deroche. Sarbacane. 26€

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