La guerre des écrans à Nantes? Pas vraiment mais le projet d'agrandissement du cinéma indépendant "le Concorde" inquiète tout de même son homologue du centre ville. Le cinéma d'art et essai Le Katorza avait déposé via son groupe un recours contre cet agrandissement permettant au Concorde de passer de quatre à sept salles.
En matière de salles de cinéma, il en va de même qu'en matière de grandes surfaces commerciales, pas d'agrandissement sans l'autorisation d'une commission spéciale, en l'occurence la commission départementale d'aménagement cinématographique.
Accord de la commission nationale
C'est cette commission qui a donc été sollicitée et qui a donné en novembre 2022 son accord pour le projet d'agrandissement porté par le cinéma Le Concorde, à Nantes. Mais, suite à un recours formulé par le groupe Cinéville, propriétaire du Katorza, autre cinéma nantais, le projet a été étudié en appel par la commission nationale.
Celle-ci vient de valider en avril 2023 le projet. Fin donc, à priori, du volet judiciaire, le projet devrait pouvoir se faire, si toutefois le permis de construire est accordé.
"Nantes a un taux de fauteuils par habitant parmi les plus bas de France."
Pour Sylvain Clochard, le directeur du Concorde, il n'y a pas de concurrence entre le Concorde et le Katorza. Il y a de la place pour les deux à Nantes. Voire même pour d'autres, notamment à l'est de la ville qui manque de salles.
"Nantes est l'une des grandes villes de France les moins bien équipées, assure Sylvain Clochard. C'est une ville en pleine expansion qui attire de plus en plus de monde avec un taux de salles de cinéma et un taux de fauteuils par habitant qui est parmi les plus bas de France."
"Ça va bénéficier aux films d'avoir potentiellement plus de durée sur les écrans."
Ce que confirme Jérôme Baron, enseignant en cinéma et directeur artistique du festival des 3 Continents qui constate que la répartition des salles n'est pas homogène sur l'agglomération.
"On est du côté du Katorza, un cinéma qui est très ancré dans le centre ville, dit-il, et le Concorde qui est à l'ouest. En terme d'exposition, ça va (l'agrandissement du Concorde) bénéficier aux films d'avoir potentiellement plus de durée sur les écrans. On est sur une rotation très accélérée des films qui, lorsqu'ils ne rencontrent pas leur public la première semaine se retrouvent à la porte assez rapidement avec un nombre de séances très réduit. Le Concorde laisse aujourd'hui une grande place à des films qui n'ont pas de place dans les cinémas du centre-ville."
► voir le reportage de Vincent Calcagni, Olivier Quentin, Jean-Marc Lalier et Stéphane Kazadi.
Précisons que Caroline Grimault, la directrice du Katorza, n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet. Le directeur du groupe Cinéville, propriétaire du Katorza, a quant à lui expliqué sa position.
"Nous n'avons pas souhaité faire un recours contre l'extension du cinéma, tient-il à préciser, mais nous avons souhaité que le Concorde prenne des engagements sur sa programmation future."
Pas de concurrence sur la programmation
Jérôme Baron estime qu'il n'y a pas vraiment concurrence entre ces deux enseignes nantaises. En revanche, cela pourrait permettre au Concorde de pouvoir plus équilibrer ses entrées entre des films dits "difficiles" et des films plus porteurs.
"Le Concorde et le Katorza sont deux cinémas d'art et essai, explique-t-il. Les films art et essai porteurs, on va les voir au Katorza en première semaine. Le Concorde en a aussi mais qui sont des films un peu plus de niche et il reprend aussi des films qui quitte l'affiche du Kartorza."
Jérôme Baron est administrateur du cinéma associatif, le Cinématographe, également dans le centre ville de Nantes. Or, le Cinématographe va lui aussi s'agrandir pour proposer trois salles, au lieu d'une seule actuellement. Mais sa programmation est dédiée au patrimoine, à l'éducation à l'image, au cinéma documentaire ou expérimental. Pas de concurrence à craindre avec les deux autres structures que sont le Concorde et le Katorza selon Jérôme Baron.
Le projet
L'agrandissement prévoir de tripler le nombre de fauteuil du Concorde par la création de six nouvelles salles contigües aux quatre existantes.
"On a fait suffisamment d'acquisitions foncières et de parcelles pour pouvoir développer l'agrandissement par tranches sans qu'il y ait de fermeture des salles, rassure Sylvain Clochard. On va construire six nouvelles salles sur des parcelles mitoyennes du Concorde actuel sans toucher à l'existant. Le Concorde, pendant toute la durée des travaux va rester ouvert."
En précisant tout de même que, en semaine, le cinéma n'ouvrira qu'à partir de 17h à cause du chantier potentiellement bruyant en journée.
Sept salles
L'entrée se fera ensuite côté nouvelles salles pendant la rénovation des quatre anciennes salles puis les deux parties seront réunies. Le planning prévoit un début des travaux pour le premier semestre 2024. Livraison du nouveau Concorde pas avant 2026. Avec, au final, un total de sept salles.
Les mêmes fauteuils
Le Concorde ne va pas perdre son âme dans cette rénovation, Sylvain Clochard le promet. On pense notamment à l'aménagement des salles avec ces fauteuils si emblématique de l'enseigne, des fauteuils baquet, qui offrent une position plus allongée que dans les salles ordinaires, très confortables, uniques en leur genre.
"Ça va nous amener à reprototyper le fauteuil Concorde qui n'existe plus depuis les années 60 puisque toutes les armatures datent de ces années-là. On est donc en train de le reprotopyper avec deux entreprises nantaises et de relancer une production de ce fauteuil."
Quant à l'esthétique des salles, elle est en cours de conception avec l'agence d'architectes Drodelot.
Enfin, côté programmation, le Concorde confirme qu'il restera un cinéma d'art et d'essai.
"L'ADN de la programmation du Concorde restera le même, assure Sylvain Clochard. Le Concorde est une alternative de sortie pour les films fragiles et aussi une alternative d'exposition des films dans la durée. La programmation restera la même sauf qu'il y aura plus de salles, donc plus de séances pour chaque film."
Olivier Quentin avec Vincent Calcagni.