"Vis ma vie" de membre du jury au Festival du Cinéma Espagnol de Nantes

Faire partie du jury pour le prix du meilleur premier film au Festival du Cinéma Espagnol, quel rôle ! Une expérience unique à partager dans mon journal de bord... 

Quand on m’a proposé de participer au Festival du Cinéma Espagnol en tant que jury de la Compétition Premiers Films… j’ai dit OUI… sans hésiter…

Oui... mais quel rôle !

Et puis j’ai commencé à réaliser l’importance de cette mission, et là je me suis dit en vrac :
"Est-ce que je suis légitime pour juger un film, un premier film ? Ma connaissance du cinéma espagnol est-elle suffisante ? Comment vais-je m’habiller pour la cérémonie de remise des prix ? Comment se passe le vote et comment faire entendre sa voix ?" 

Bref, autant de questions que j’ai balayées d’un revers de main.
J’ai décidé de prendre ce rôle très au sérieux mais sans me prendre la tête.
C’est une vraie chance de pouvoir voir de nouveaux films, de découvrir des réalisateurs qui viennent ici proposer leur première œuvre cinématographique, leur bébé.

Mon journal de bord :

 
  • Jeudi 28 mars, jour d’ouverture du festival
Première étape : l’accréditation, sésame pour aller voir les films. C’est à l’espace Cosmopolis que je récupère le précieux badge.
Je file ensuite prendre les places pour les 4 projections au cinéma le Katorza. Il est 13h30, il y a déjà la queue… Le public attend, le programme à la main, que les portes s’ouvrent pour la première projection du festival à 14h00 avec "Campeones" de Javier Fesser.
Au bout d’une demi-heure, j’ai récupéré toutes mes places.
Ce soir 19h30 à l’Opéra Graslin, c’est la soirée d’ouverture.
Je suis confortablement installée au premier balcon, très bien placée pour apprécier ce qui se passe sur la scène.
Au programme, les incontournables discours, plus ou moins inspirés. On sent le public s'impatienter au bout d'un certain temps... Nous sommes tous là pour le film.
L'avant-première de "Yuli" de Iciar Bollain est présentée par le producteur du film Juan Gordon, avec un petit message vidéo de la réalisatrice qui n'a pas pu faire le déplacement.
Les lumières s'éteignent...
 Le générique de fin défile sur l'écran, les lumières se rallument, l'accueil est chaleureux.
Direction l'espace Cosmopolis pour un cocktail.
L'occasion de retrouver quelques têtes connues et de discuter du film, de la programmation et de la venue de Javier Bardem. Dans la foule, je ne retrouve pas les autres membres du jury, tant pis, je vais essayer de les contacter plus tard.
Après un verre dans l'espace décoré façon kitsch à l'espagnol, abat-jours en crochet, tapisseries et autres fantaisies... je rentre pour être en forme pour la deuxième étape : aller voir, pendant la semaine à venir, les films de la compétition. 
 
  • Lundi 1er avril
Non ce n’est pas un poisson d’avril, je fais partie du jury pour la compétition Premiers Films au Festival du Cinéma Espagnol de Nantes !

Mais aujourd’hui est un jour particulier pour les festivaliers, l’arrivée de l’invité d’honneur de cette 29ème édition : l’acteur espagnol Javier Bardem
Alors comme toute bonne spectatrice, passionnée de cinéma et un peu groupie, je fais tout pour essayer de le rencontrer. Je me greffe donc à une équipe de tournage de France 3 Pays de la Loire et bingo !

Je me retrouve face à cet immense acteur, simple, avec un charisme fou, à la voix grave, au sourire charmeur (non, non, … je ne suis pas objective du tout !). Une photo avec lui, quelques mots bredouillés dans un espagnol un peu académique" buenos dias… muchas gracias…hasta luego" et me voilà heureuse !
 
Mais assez joué les midinettes, je reprends mon rôle de membre du jury et direction le cinéma Katorza pour ma première séance en tant que juré avec le film « Black is beltza » de Fermin Muguruza.
J’ai ma place, il est 18h50 et il n’y a pas encore trop de monde, étonnamment la file d’attente est plutôt clairsemée. C’est vrai que je suis arrivée un peu en avance pour voir le film dans les meilleures conditions.

Je m’installe au centre de la salle qui se remplit peu à peu, mais le film ne fait pas salle comble.
Je fais ma bonne élève, j’ai emmené un petit cahier pour y noter mes premières impressions, pas sûre que cela soit nécessaire, mais ça me rassure.

Après la traditionnelle diffusion de la bande annonce du festival et de celle de la sélection de la compétition des premiers films, la séance commence…
1 heure et 26 minutes plus tard les lumières se rallument. Avant de quitter la salle, j'écris quelques idées, ce qui m’a plu, ce qui m’a dérangé, je ne fais pas la liste des + et des -, mais je prends le temps de noter "à chaud" mon ressenti face à ce film d’animation.

Il me reste 3 films à voir avant la délibération vendredi midi pour un déjeuner avec les autres membres du jury.
 
  • Mardi 2 avril
Il est 18h00,  j’ai mon ticket d’entrée pour assister à la très attendue materclass à l’Opéra Graslin en présence de Javier Bardem et José Luis Rebordinos, directeur du Festival international de Cinéma de San Sébastian.

Une masterclass sous le signe de l’humour et de la générosité.

De l’humour, Javier n’en manque pas, il a envahi la scène, fait allumer la salle pour être en contact avec le public, exécuté une imitation parfaite de Robert de Niro, plaisanté avec la traductrice…
Générosité, l’acteur espagnol n’a pas été avare de confidences ou de bons mots, pour répondre aux questions de son ami José Luis Rebordinos sur sa carrière.
Élevé dans une famille d’artistes (acteurs, réalisateurs), Javier confie n’avoir pas tout de suite voulu être acteur, c’est arrivé presque par accident, au hasard d’un casting où il accompagnait sa soeur pour "Les vies de Loulou" du réalisateur Bigas Luna.
Pour Javier : "Papa Bigas, comme je l’appelais, je lui dois ma carrière et ma femme". C’est dans le film "Jamon, Jamon" qu’il rencontre le succès et qu’il tourne pour la première fois avec celle qui deviendra sa femme : Penelope Cruz. On le sent ému à cette évocation, comme s'il n’en revenait toujours pas.

D’autres réalisateurs ont marqué la carrière de l’acteur espagnol comme Manuel Gomez Pereira, Pedro Almodóvar ou encore Julian Schnabel avec "Before the night". Avec chacun, il y va de son anecdote ou de son admiration comme à l’évocation d’Alejandro Amenábar avec qui il a tourné "Mar Adentro" et qu’il voit "comme un frère de sang profondément humble".

Il a incarné des méchants exceptionnels au cinéma avec des transformations physiques impressionnantes. Et l’on sent son plaisir à jouer ce type de rôle "tu enlèves ce qui est à toi, tu mets le costume et ta tête elle s’ouvre au rôle". Pour Fernando León, il devient Pablo Escobar, pour Sam Mendes, le plus méchant des méchants de James Bond.

Quelques mots aussi sur son tournage actuel "Dune" de Denis Villeneuve, en Jordanie, où il joue un guerrier Fremen : "je me sens comme un enfant dans une boutique de jouets".

Grand défenseur des droits de l’homme et de la planète, Javier Bardem, face à la montée de l’extrême droite en Europe, insiste sur la nécessité de ne pas céder, de s’adresser à la jeunesse et finit par un très beau "Jamais l’extrême droite n’aura ma peur"

La masterclass se termine sur ses mots et quelques questions du public auxquelles il répond avec enthousiasme et humour.
Une belle leçon de cinéma et de vie !
 
  • Vendredi 5 avril
C’est le jour J, le jour des délibérations avec les autres membres du jury pour le prix du meilleur premier film.

Vu le dernier film de la sélection hier soir, alors, avant de me rendre au rendez-vous, je fais le point sur mes impressions sur les 4 films en compétition. Mon avis est assez précis, à voir si les autres jurés seront d’accord avec mon choix.12h00, opéra Graslin, je retrouve les 4 autres membres du jury : Laurence Aubron (Euradionantes), Anne Augié (Ouest France), Romain Meneval (FIP) et Patrick Thibault (Wik/Kostar).

Nous avons rendez-vous avec Jorge Fuembuena, le photographe officiel pour une séance photo. Aïe, je n’étais pas au courant, je regrette d’avoir mis mes DrMartens, mais bon après tout ce n’est pas pour mes chaussures que je fais partie de ce jury !
Jorge, nous fait prendre la pose tout en plaisantant, il nous met tout de suite très à l’aise avec son faux air de Jim Morrison et son accent espagnol très chaleureux.

Après plusieurs prises, Maëlle Dousset-Brochard, la responsable presse du festival, nous emmène tous dans un restaurant pour pouvoir discuter ensemble des films et sélectionner l’œuvre à récompenser.
 
On prend notre commande et les délibérations commencent, chacun donne son opinion sur les films sélectionnés. Les discussions vont bon train sur le fond comme sur la forme : chacun apporte des précisions sur son ressenti, ce qui nous a plu, ce qui nous a dérangé,... Les plats s'enchainent, les idées aussi, mais on s’aperçoit très vite que les avis sont assez proches, il y a bien un film qui se détache de cette sélection.

La décision est prise à l’unanimité, le prix du meilleur premier film est attribué à… chut !
Révélation du palmarès, dimanche à partir de 18h00, lors de la soirée de clôture. 
 
  • Dimanche 7 avril, soirée de clôture
C’est la dernière fois pour cette 29ème édition que j’endosse le rôle de membre du jury au Festival du Cinéma Espagnol, car ce soir c’est la soirée de clôture.

Le rendez-vous est fixé à 17h30 dans les salons de l’opéra Graslin pour un cocktail. Dernières interrogations : va-t-on devoir monter tous sur la scène ? et la fameuse question : comment est-ce que je m’habille ? 
Arrivée à l’opéra Graslin, je retrouve mes partenaires, les membres du jury : Laurence Aubron (Euradionantes), Anne Augié (Ouest France), Romain Meneval (FIP) et Patrick Thibault (Wik/Kostar).
Nous échangeons sur nos dernières impressions, sur les films hors-compétition vus ce week-end, sur notre choix.... C'est aussi l'occasion de croiser les jurés des autres catégories, quelques réalisateurs comme Paco León, un habitué du festival, et les institutionnels.

Il est temps de se rendre dans la salle à nos places réservées, c'est protocolaire et en même temps très décontracté.
La soirée débute par un discours des deux co-directeurs, Pilar Martinez-Vasseur et José Márquez, émus que cette édition se termine, mais fiers de l’accueil du public qui a vibré au son du flamenco et de la générosité de Javier Bardem, un invité d'honneur remarquable et remarqué.

Il est temps de remettre les prix… notre prix du meilleur premier film.

Le représentant de la Dama, association du droit d’auteur des médias audiovisuelles, qui parraine cette catégorie, monte sur scène pour un court discours sur l’importance du festival et de ce prix.
La pression monte un peu, ça va être à nous…
Nous sommes tous invités à monter sur scène. C’est assez impressionnant de voir cette salle magnifique, aux balcons bien remplis, du point de vue de la scène. 
Laurence Aubron s’acquitte de son rôle de présidente du jury avec un discours sur notre choix et termine par la phrase de circonstance…
"Le prix du meilleur premier film est attribué à "Viaje al cuarto de una madre" de Celia Rico."

La réalisatrice n’est pas à Nantes, mais elle a prévu un message vidéo de remerciement.
C’est une sensation étrange d’être là sur scène, face au public, à écouter cette vidéo projetée derrière nous. C’est une petite frustration de ne pas lui remettre son trophée en main propre, et c’est dommage car cela a été le cas pour tous les prix décernés ce soir.

Il est temps de quitter la scène et de retrouver nos places. C’était un moment fugace, une sensation forte, une expérience qui restera une petite bulle à part. Ce n’est que du cinéma mais quel cinéma !

C’est la fin de cette belle aventure, il y a un mélange de nostalgie et de fierté d’avoir participé à cet événement. C'était aussi l’occasion de belles rencontres avec les membres du jury, avec les gens du festival qui se sont occupés de nous. Un grand merci à eux.

A l'année prochaine... 
¡Nos vemos el año que viene!
 


Les films en compétition dans la catégorie Premiers Films :

► "Black is beltza" de Fermin Muguruza, un film d’animation 

Connu du grand public en tant que chanteur, il s’est ensuite lancé dans la musique de films, puis la réalisation de documentaires. En 2014, il publie un roman graphique "Black is beltza" qui est à la source de ce film éponyme qu’il présente cette année au festival.

Octobre 1965, la troupe des Géants de la San Fermin est invitée à défiler à New York, mais pour des motifs raciaux, on a interdit aux géants noirs de participer à l’événement. Inspiré de faits réels, le film nous donne à voir des événements qui révolutionnèrent la société du milieu des années 60.

On y retrouve les voix de Sergi Lopez, Maria de Medeiros ou encore Rossy de Palma et à la musique la collaboration d’artistes comme Maika Makovski, Yacine ou Manu Chao.

► "Trinta lumes" de Diana Toucedo

Monteuse de cinéma reconnue avec pas moins de 16 longs-métrages à son actif. Elle a réalisé différents courts-métrages expérimentaux et documentaires projetés dans de nombreux festivals. Diana Toucedo présente ici un premier long métrage, explorant la limite entre documentaire et fiction, entre légende et réalité.

Alba a douze ans et vit dans un petit village de montagne en Galice où le temps semble s’être arrêté. Elle explore les forêts alentours, écoute les murmures des âmes dans les feuilles… À travers les récits et contes qui se transmettent, la mort revêt pour elle un aspect fascinant. Dans ce mystérieux paysage, Diana Toucedo installe le doute.

"Trinta Lumes" a déjà été présenté dans de nombreux festivals dont la Berlinale 2018 ou le Festival de Málaga.
 

► "Trote" de Xacio Baño

Xacio produit, écrit et réalise plusieurs courts métrages depuis 2011, apparaissant dans de nombreux festivals nationaux et internationaux. En 2016, il est sélectionné par le magazine Variety comme l’une des 10 étoiles montantes du cinéma espagnol.

Carme vit dans un village de montagne en Galice entouré de chevaux avec sa mère malade et son père Ramón, avec qui elle parle à peine. Elle travaille dans une boulangerie et ressent le besoin de s'échapper de cette atmosphère oppressante, mais les circonstances l'empêchent toujours de se libérer.

Une phrase dirige le film : "Les êtres humains, autant que la nourriture et le sommeil, ont besoin de s'échapper." W.H. Auden.

► "Viaje al cuarto de una madre" de Celia Rico

Celia Rico est l'un des nouveaux jeunes réalisateurs espagnols à suivre. Elle écrit et réalise le court métrage "Luisa no está en casa" qui a remporté un prix Gaudí en 2013, elle a collaboré à la production de nombreux films et en 2018 écrit pour une série télévisée.

Leonor veut quitter la maison, mais elle n’ose pas le dire à sa mère. Estrella elle ne veut pas que sa fille parte, mais elle est incapable de lui demander de rester à ses côtés. Mère et fille devront faire face à une nouvelle étape pour trouver leur propre place dans le monde.

Cette histoire est inspirée des sensations de l’enfance de Celia Rico. La peur de quitter la chaleur du nid. Le film explore cette étape de la vie du point de vue de la personne qui reste.
 

Une belle année pour le cinéma espagnol :

Une sélection de 4 films dans cette catégorie, c'est peu.

Les explications de Pilar Martinez-Vasseur, co-directrice du Festival du Cinéma Espagnol :
"Cette année le cinéma espagnol a eu un succès énorme au niveau de la distribution en France. Il y a quand même 8 films qui sont sortis en septembre ce qui est rarissime. Des films comme "Campeones" de Javier Fesser ou "Carmen y Lola" de Arantxa Echevarria auraient pu faire partie de la compétition Premiers Films.
Mais le fait qu'ils soient sortis en salle à la rentrée, nous a privé de mettre ces films en compétition, par contre ils vont être projetés pendant le festival mais hors compétition. On est très content qu'ils aient déjà eu une vie avant que le festival ne commence."


Le Palmarès 2019 :

Pris Jules Verne du Meilleur Film : "Petra" de Jaime Rosales
Prix du Public : "Yuli" de Iciar Bollain
Prix du Jury Jeune : "Petra" de Jaime Rosales
Prix du Meilleur Documentaire : "Apuntes para una película de atracos" de León Siminiani
Prix du Meilleur Premier Film : "Viaje al cuarto de una madre" de Celia Rico 
Prix du Meilleur Court-Métrage : "Un cuento familiar" de José Corral
Prix du Jury Scolaire : "El silencio de otros" de Almudena Carracedo et Robert Bahar
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