"Nous faisons du tri, nous choisissons les cas les plus urgents", la psychiatrie en souffrance en Loire-Atlantique

Les annonces de fermetures de lits se multiplient dans les hôpitaux psychiatriques de Loire-Atlantique. Les effectifs de médecins sont en chute libre alors même que la demande de soins s’intensifie, particulièrement chez les plus jeunes.

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À compter du 9 juin prochain, l’hospitalisation des adolescents ne sera plus possible à l’hôpital de Saint-Nazaire. Ouvert en janvier 2021, le service d'hospitalisation pour adolescents (SHADO) dispose de 11 lits et accompagne des jeunes en état de détresse psychique majeure, de 11 à 17 ans. Le départ de l’une des deux médecins pédopsychiatres du service et l’impossibilité de la remplacer contraint la direction à fermer le service, pour une durée indéterminée.

"La pédopsychiatrie est une spécialité, d'un point de vue démographique, très en difficulté au plan national", explique Julien Couvreur, directeur de l’hôpital de Saint-Nazaire. Depuis janvier et l'annonce du départ du médecin, nous n'avons reçu aucune candidature sérieuse."

Cette fermeture est vécue comme un échec par les professionnels de santé. Historiquement confrontée à un déficit de capacité d'accueil, la Loire-Atlantique disposait enfin depuis un an et demi de moyens de prise en charge des adolescents sur deux sites, le SHADO de Saint-Nazaire et le centre hospitalier Georges Daumézon à Bouguenais d'une capacité de 14 lits.

"La crise sanitaire récente a accéléré la détresse et l’isolement chez les plus jeunes"

"Nous allons maintenir la liste d'admission commune, le même fonctionnement et la même hiérarchisation des demandes", assure Julien Couvreur, mais seule la structure de Bouguenais pourra désormais prendre en charge en hospitalisation les jeunes en souffrance de Loire-Atlantique.

La situation est d'autant plus difficile que les besoins en soins chez les plus jeunes a nettement augmenté. "Ils sont notamment liés à la crise sanitaire récente, qui a accéléré la détresse et l’isolement chez les plus jeunes, à laquelle s’est ajouté plus globalement un contexte anxiogène autour des questions d’environnement, de conflits militaires à nos portes", confirme l'Agence Régionale de Santé.

À Saint-Nazaire, la prise en charge sera assurée en hôpital de jour et dans les centres médico-psychologiques. "Dans les cas les plus complexes, les adolescents seront orientés en service de pédiatrie et en dernier recours en psychiatrie adulte", détaille Julien Couvreur. D'autres dispositifs vont être développés, comme les soins à domicile, déjà en place pour les adultes. 

À Blain, 17 lits fermés, soit 25% des capacités

"L’ensemble des établissements de la région Pays de la Loire sont impactés par les tensions sur les ressources humaines qui les empêchent de déployer pleinement la capacité pour laquelle l’ARS les finance", souligne l'ARS. 50 lits sont actuellement fermés de façon temporaire, sur les 505 autorisés dans le département.

Jeudi 27 avril, les soignants de l'hôpital psychiatrique de Blain manifestaient leur inquiétude, après la décision de fermeture de 17 lits d'hospitalisation. L'établissement public de santé mentale, EPSYLAN de Blain couvre 55% du territoire du département et répond aux besoins d'un quart de la population.

"Actuellement, deux tiers des personnes qui nous appellent ne pourront pas être prises en charge dans nos centres médico-psychologiques", s'alarme Mariel Odul, médecin psychiatre à l'hôpital EPSYLAN. 

Nous faisons du tri, nous choisissons les cas les plus urgents, comme les crise aiguës suicidaires. Tout ce qui pourrait relever d'un suivi ou de la prévention, nous ne pouvons plus les accueillir.

Docteur Mariel Odul

Psychiatre Hôpital EPSYLAN

"Le risque pour la population, c’est que les personnes ne trouvent plus le soin dont ils ont besoin. Qu’ils s’isolent chez eux, qu’il y ait des passages à l’acte, des suicides, des troubles du comportement dus aux maladies psychiques envahissantes", s'inquiète Emmanuelle Megie, psychiatre et chef de pôle à l'hôpital EPSYLAN. 

Comme à Saint-Nazaire, le manque d'effectif est l'unique raison de ces fermetures de lits. Il manque aujourd'hui 11 médecins à l'hôpital de Blain, qui tente sans succès de recruter huit psychiatres.

"Les internes choisissent de moins en moins la psychiatrie, constate Yves Praud, directeur d’Epsylan. Et quand ils la choisissent, ce n’est pas forcément pour venir travailler à l’hôpital public. C’est plutôt pour s’installer en libéral ou pour travailler en clinique."

L'hôpital public reste moins attractif en raison notamment des conditions de travail, les gardes de nuit et de week-end, et du niveau de rémunération. "Un des axes de travail serait d’améliorer sensiblement la rémunération des praticiens en hôpital public", suggère Yves Praud.

De nouveaux outils déployés par l'ARS

Face aux enjeux de santé publique et aux besoins croissants de soins en santé mentale, l'Agence Régionale de Santé accompagne le déploiement de nouveaux outils comme les téléconsultations, la mise en place d’infirmiers en pratique avancés (IPA), le renforcement des centres médicaux psychologiques par des psychologues et IPA. 

"D’autre part, des actions sont menées avec les partenaires du médicosocial et du social et les collectivités territoriales, pour faire en sorte que des patients, qui n’ont plus besoin de soins à l’hôpital, mais qui y restent faute de solution d’accueil en dehors, trouvent des modalités d’hébergement ou des lieux de vie adaptés", précise l'ARS.

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