Zaho de Sagazan déprogrammée des antennes du groupe Bolloré pour avoir critiqué le RN et Cyril Hanouna

La chanteuse nazairienne Zaho de Sagazan a été l'une des rares artistes à prendre la parole lors des élections législatives. Engagée contre le RN et l'animateur Cyril Hanouna, elle vient d'être déprogrammée des antennes d'Europe 1, Europe 2 et de RTL. Réactions au festival "les Escales".

Vincent Bolloré et Arnaud Lagardère, patron de presse, ne supportent visiblement pas la contradiction. Les milliardaires, propriétaires des antennes d'Europe 1, d'Europe 2 et RFM, ont la censure facile.

La chanteuse nazairienne Zaho de Sagazan vient d'en faire les frais. "La Symphonie des éclairs", son titre phare qui inondait les ondes et était diffusé jusqu'à 24 fois par semaine, a brutalement disparu des antennes.

Une sanction qui ulcère les fans de la chanteuse, mais n'étonne guère.

À saint-Nazaire, la ville natale de l'artiste, la 32 e édition du festival "les Escales se termine sous la grisaille. Avec 34 groupes et DJ dont la moitié viennent de l'étranger, le festival a attiré 50 000 personnes. 

"Il y a toujours un coût"

Bertrand Belin, auteur compositeur, présent cette année, soutient sa jeune consœur.

"Il suffit d'ouvrir la page de son réseau social pour aller s'exprimer, poser un texte, dire ce qu'on a sur le cœur, donc on peut le faire sans aucune difficulté". 

Concernant le coût d'une telle initiative, je pense qu'il y a toujours un coût dans le conflit. On ne peut pas s'attendre à envoyer son mécontentement et ses doléances de façon très appuyée ou virulente en espérant qu'il ne se passe rien de l'autre côté.

Bertrand Belin

Auteur compositeur

"Quand on pousse un cri comme ça de colère, c'est plutôt une bonne chose que ça réagisse en face", ajoute l'artiste. 

"Moi, entre-deux-tours, j'ai aussi, sur les réseaux sociaux, publié mes impressions concernant la situation du pays. Bon, ma musique, elle n'est pas diffusée par ces médias-là, donc je ne risque pas grand-chose", avoue-t-il.

On peut très bien imaginer que mener un combat politique ça peut être très fort pour soi et ses proches, ça demande un certain nombre de sacrifices de s'engager, c'est sûr. Il y a toujours un prix à payer

Bertrand Belin

Auteur compositeur

Dans une moindre mesure, le chanteur a, lui aussi, été attaqué. "Je ne suis pas une personnalité culturelle, donc pas une cible. Des gens que je ne connais pas et qui m'insultent, ça arrive depuis très longtemps, je ne souffre pas de ça."

 Il y a comme une relation conflictuelle qui s'installe de façon de plus en plus permanente, deux camps retranchés, il y a un face-à-face inévitable aujourd'hui, mais un des deux adversaires se trompe 

Bertrand Belin

Auteur compositeur

"Pas mal d'artistes se sont exprimés"

Antoine Dabrowski est journaliste à Tsugi Radio. "C'est vrai que quand on remonte très loin dans les années 80 avec la vague punk, on a l'impression que les artistes s'exprimaient sans problème sur des questions politiques", constate le journaliste.

"Je trouve quand même qu'avec la dissolution, la campagne précipitée des Législatives et les scores de l'extrême droite, pas mal d'artistes se sont exprimés. Plus qu'attendu en tout cas et il semblerait que la mobilisation notamment du monde de la Culture, je pense à ce grand rassemblement qu'il y a eu le mercredi entre les deux tours place de la République, a fait un peu bouger les lignes, et en tout cas a rassuré certains artistes qui auraient pu être plus réticents à s'exprimer, parce qu'ils n'étaient pas tout seuls", ajoute-t-il.

Maintenant, c'est vrai qu'on vit dans un monde compliqué où chaque prise de position, chaque expression sur les réseaux sociaux notamment peut faire l'objet d'une attaque de troll, avec des choses qui sont ahurissantes.

Antoine Dabrowski

Journaliste à Tsugi Radio

"Je garde en mémoire très fortement le moment où Juliette Armanet avait un peu dit du mal d'une chanson de Michel Sardou, et qu'il y avait eu des menaces, du harcèlement. C'est quand même problématique, et ça engendre peut-être de la réserve chez les artistes qui effectivement ne veulent plus s'exprimer", poursuit Antoine Dabrowski.

"À mon avis, le problème vient davantage des réseaux sociaux que de la peur d'exprimer une opinion politique. Et je vois, là encore une fois, sur l'entre-deux-tours, tous les artistes qui se sont exprimés sur leurs réseaux sociaux, 

je pense à Benjamin Biolay, qui prenait le temps de répondre à chaque commentaire futile, désagréable, hostile, voire insultant", déplore le journaliste.

Pour le spécialiste de musique techno, il n'y a pas matière à polémique, encore moins à censure. "Ce qu'a fait Zaho de Sagazan, en s'inquiétant, en citant un travail journalistique, qui était celui de l'enquête du monde sur la dédiabolisation en cours de l'extrême droite, elle a quand même le droit de le faire." 

Quand elle monte sur scène, elle incarne des valeurs aussi de rassemblement, de partage, Et on doit tous être capables de regarder un concert de Zaho de Sagazan de chanter la symphonie des éclairs, quelles que soient nos opinions politiques et le bulletin qu'on a glissé dans l'urne pendant les législatives

Antoine Dabrowki

Journaliste à Tsugi Radio

La déprogrammation, une surprise ? "Chaque radio diffuse la musique qu'elle veut. Donc ça, là-dessus, on touche à la liberté d'expression", répond-il. 

Je trouve ça navrant et assez inquiétant de priver les auditeurs de certaines radios d'une chanson et d'une artiste, qui est une artiste populaire, fédératrice, rassembleuse, une jeune artiste qui a un succès exceptionnel

Antoine Dabrowski

Journaliste à Tsugi Radio

"Je ne pense pas que le rôle d'un média, soit d'accentuer la fracturation de la société et de dire que cet artiste a eu des prises de position qui ne nous conviennent pas, donc on ne la diffuse pas. Les rôles des médias, ça doit être de s'adresser à tout le monde, surtout des médias aussi généralistes comme ceux dont on parle", ajoute le journaliste.

Julien Clerc et Étienne Rodagil ont écrit  "à quoi sert une chanson si elle est désarmée, je pense qu'on en est toujours là

Antoine Dabrowski

Journaliste à Tsugi Radio

"C'est quand même assez inquiétant aussi de voir la droite radicale, l'extrême droite, les propos qui peuvent être tenus dans certaines émissions, etc., qui s'inquiètent en permanence du wokisme et de la cancel culture, de ce qu'ils appellent la cancel culture. Et finalement, ce sont eux qui cancellent l'œuvre d'une artiste. La Symphonie des éclairs n'est pas une chanson politique, c'est une chanson sur l'accomplissement personnel, une trajectoire de vie. Et d'un seul coup, ce sont eux qui censurent", conclut Antoine Dabrowski.

"Quand on n'est pas content, on coupe le son ! "

Vivien Govery lui, est codirecteur du label Yo Tanka. "Malheureusement, ça ne me surprend pas parce qu'on sait qu'aujourd'hui, on a des groupes de médias qui sont détenus par des gens qui veulent, selon moi, imposer une vision ou des choses. Quand on n'est pas content, on coupe", dénonce-t-il.

On l'a vu ces dernières semaines, beaucoup d'artistes ont pris position. Il y a eu des torrents de haine et des messages violents à leur rencontre

Vivien Gouery

Codirecteur du label Yo Tanka

Cette censure l'inquiète." Aujourd'hui, on parle de la déprogrammation de Zaho de Sagazan, de chants nazis dans les festivals cet été, de torrents de messages de haine sur les réseaux sociaux, de dates qui ont été annulées sur pression politique ou religieuse. Malheureusement, nous sommes confrontés à ça." 

Elle est en pleine ascension, elle prend position, elle le fait très intelligemment. C'est violent et c'est très mal joué de la part de la radio parce que ça va donner encore plus de poids à Zaho de Sagazan

Vivien Gouery

Codirecteur du label Yo Tanka

Un titre zappé peut-il avoir des conséquences financières ? 

"Il faut savoir que quand un artiste passe à la radio, il y a deux types de droits. Il y a les droits voisins, côté producteur phonographique, et les droits d'auteur, côté Sacem. Chaque passage radio génère ces deux types de droits différents. Il génère aussi de l'audience, de la visibilité pour l'artiste. Aujourd'hui, on sait que c'est compliqué pour un artiste, surtout dans le développement, d'arriver sur des programmations radio. Après, je ne pense pas que les artistes pensent à cela", rétorque le codirecteur du label Yo tanka.

Quand ils prennent position, c'est ancré en eux. Ils ont envie de le faire et je ne pense pas qu'ils vont calculer le nombre de droits qu'ils vont toucher en moins

Vivien Gouery

Co-directeur du label Yo Tanka

Celle à qui tout réussi vient donc l'air de rien de se faire virer des play-lists pour s'être opposée au RN et au sulfureux animateur Cyril Hanouna, régulièrement sanctionné par l'Arcom, le gendarme de l'audiovisuel.

Une censure qui affole les réseaux, d'autant que la jeune prodige de 24 ans est devenue en quelques mois, l'enfant chéri du public français, toutes générations confondues.

Émotive et sensible, adolescente, elle écrasait ses larmes et ses angoisses sur un piano. Aujourd'hui, la jeune femme n'étrangle plus ses mots et sait les dire tout haut. Elle a été une des rares artistes à prendre clairement position après l'annonce de la dissolution et les résultats du 1ᵉʳ tour des législatives. Le 30 juin au soir, elle était place Graslin à Nantes, au milieu du peuple de gauche, la mine défaite et les yeux rougis.

"Un gros Fuck à Cyril Hanouna"

Dans la foulée, l'artiste avait publié dans l’une de ses stories, le 2 juillet, une vidéo dans laquelle elle adressait un "gros fuck" à Cyril Hanouna.

Partageant une enquête du Monde consacrée à l’émission de l'animateur sur Europe 1, la chanteuse dénonçait "une diabolisation de la gauche et dédiabolisation de l’extrême droite par les médias absolument immondes".

Zaho de sagazan avait participé au rassemblement organisé par le Nouveau front populaire place de la République dans l'entre-deux-tours. Sur scène, elle avait ajusté certaines de ses paroles pour dire ses inquiétudes face à une possible arrivée au pouvoir du RN.

Cet été, la nazairienne fait le tour des plus grands festivals français. Après la Belgique et la Suisse, elle sera à l'affiche de "Rock en Seine" le dimanche 25 août à Paris.

En mars dernier, pour sa première participation aux Victoires de la musique, Zaho de sagazan avait raflé 4 trophées. Elle était nominée dans 5 catégories. Du jamais vu dans l'histoire de l'industrie du disque. La polémique ne devrait en rien ternir la fulgurante carrière de la chanteuse la plus en vue du moment. elle continuera sans nul doute à poser sa voix, là où il fait toujours beau, au-dessus des nuages...

Le reportage de Denis Leroy, Christophe François et Christophe Person

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