Des organisations de journalistes et les avocats de Loup Bureau, un reporter indépendant français détenu en Turquie réclament sa libération "immédiate", assurant qu'il est innocent. Les autorités turques le soupçonnent d'activités "terroristes". Loup Bureau est originaire d'Orvault, près de Nantes
Loup Bureau a notamment collaboré avec les chaînes TV5 Monde et Arte ainsi que le site Slate.Il a été interpellé la semaine dernière à la frontière entre l'Irak et la Turquie, après que des photos le montrant en compagnie
de combattants kurdes syriens des YPG (un mouvement considéré comme une organisation "terroriste" par Ankara), ont été trouvées en sa possession.
Dans un communiqué transmis jeudi à l'AFP, les avocats du journaliste, Martin Pradel et Rusen Aytac, ont précisé qu'il avait été mis en examen par un juge qui l'a considéré comme suspect d'appartenance à "une organisation terroriste armée", et ce malgré ses dénégations.
"Au cours des interrogatoires auxquels il a été soumis, il lui a été reproché d'avoir effectué un reportage en 2013 sur les conditions de vie des populations civiles au nord de la Syrie (...). Ce reportage avait été diffusé sur l'antenne de TV5 Monde.
Reportage au Kurdistan Syrien from Loup Bureau on Vimeo.
Loup Bureau, au cours de sa garde à vue et devant le juge a confirmé sa présence sur le terrain pour des raisons strictement professionnelles. Il a souligné que les contacts avec des protagonistes sur place sont nécessaires à son travail journalistique, et que les images sur lesquelles il a été invité à s'expliquer datent de l'époque du tournage de ce reportage", disent-ils.
"Le caractère extrêmement sommaire de la procédure mise en place est inquiétant, alors que la Turquie considère trop souvent comme des terroristes les journalistes qui font indépendamment et courageusement leur travail", ont ajouté les avocats du journaliste, soulignant "l'urgence" de sa libération.
A Orvault (Loire-Atlantique), le père de Loup Bureau est en contact avec les autorités consulaires françaises en Turquie afin de suivre la situation de son fils.
De leur côté, les syndicats français de journalistes SNJ, SNJ-CGT et CFDT-Journalistes, soutenus par la Fédération européenne des journalistes (EFJ) et la Fédération internationale des journalistes (IFJ), ont appelé à "la libération immédiate" de leur confrère.
Sa détention rappelle celle de Mathias Depardon, photojournaliste français arrêté en mai dans le sud-est de la Turquie et expulsé un mois plus tard.
Ces organisations exigent "que le gouvernement français mette tout en oeuvre" pour obtenir sa libération. "Les propos convenus ne suffisent plus", disent-elles, alors que le ministère des Affaires étrangères a dit suivre la situation "avec la plus grande attention".
Pour les trois syndicats, "il est clair que les dirigeants turcs et le président Erdogan en tête abhorrent les journalistes étrangers trop curieux et n'hésitent pas à les arrêter pour imposer un mur du silence sur la réalité de ce pays, qui est la plus grande prison au monde pour les journalistes où 160 de nos confrères sont derrière les barreaux".
L'EFJ et l'IFJ ont par ailleurs rappelé que Deniz Yücel, le correspondant en Turquie du quotidien allemand Die Zeit "est lui toujours derrière les barreaux depuis février", et qu'un autre journaliste français, Olivier Bertrand, qui effectuait un reportage sur l'après-coup d'Etat pour le média en ligne Les Jours, avait été expulsé en novembre.
Les organisations de défense de la liberté de la presse dénoncent des atteintes régulières à cette liberté de la part des autorités turques, notamment depuis la tentative de coup d'Etat du 15 juillet 2016.
La Turquie occupe la 155e place sur 180 au classement 2017 de la liberté de la presse établi par RSF.