Balcon effondré à Angers : des peines de prison avec sursis requises contre l'architecte et le conducteur de travaux

L'avocat général a requis trois ans de prison avec sursis contre l'architecte et deux ans avec sursis pour le conducteur de travaux pour "fautes caractérisées". Le procès en appel suite au balcon effondré à Angers se tient devant la cour d'appel depuis lundi 25 septembre.

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"Si les malfaçons sont à l'origine de l'effondrement, elles sont le résultat de fautes caractérisées : le défaut de mise à jour des plans et l'absence de contrôle et de surveillance du chantier", a déclaré Thierry Phelippeau  l'avocat général.

Ses réquisitions ont duré plus de deux heures. Ses premiers mots ont été pour "les quatre jeunes décédés dans cet accident, tous les autres blessés dans leur cœur et leur chair ainsi que pour leurs proches. Il a ajouté : "Si ce procès doit contribuer à quelque chose, c'est 'au plus jamais ça".

Un drame qui pour lui est arrivé "par routine et par excès de confiance. "Tous les acteurs de ce chantier ont perdu de vue les règles essentielles de leur pratique. "Une chaîne causale" dont les fautes commises ont, selon lui, joué un rôle dans la mauvaise exécution des balcons.

Interdiction d'exercer la profession d'architecte

L'avocat général a requis trois ans de prison avec sursis contre l'architecte et deux ans avec sursis pour le conducteur de travaux pour "fautes caractérisées".

Il a également requis des peines d'amende de 40 000 euros, plus 1 500 euros d'amende contraventionnelle pour l'architecte. Et 1 500 euros d'amende à l'encontre du conducteur de travaux. 

Enfin, il a réclamé une interdiction définitive d'exercer la profession d'architecte à l'encontre de Frédéric Rolland.

Ce procès en appel se tient depuis lundi 25 septembre à l'encontre de l'architecte et du conducteur de travaux mis en cause dans l'effondrement d'un balcon d'un immeuble à Angers le 15 octobre 2016 qui avait provoqué la mort de quatre jeunes.

Pour rappel, en mai 2022, en première instance, le patron de l'entreprise de maçonnerie, Patrick Bonnel, avait été reconnu coupable et condamné à trois ans de prison avec sursis et 24 500 euros d'amende par le tribunal correctionnel. 

Jean-Marcel Moreau, le chef de chantier, et André de Douvan, le contrôleur de l'Apave (bureau de vérification) avaient écopé de 18 mois de prison avec sursis et de 1 000 euros d'amende.

Le conducteur de travaux, Eric Morand, lui aussi poursuivi pour blessures et homicides involontaires, avait été entièrement relaxé.

L’architecte de l’immeuble, Frédéric Rolland, avait seulement été reconnu responsable sur le plan civil, mais pas pénal. Le tribunal l'avait effectivement rendu coupable d’une faute simple de surveillance et de suivi du chantier, ce qui n’engageait pas sa responsabilité pénale.

Faute pénale ?

En appel, depuis huit jours, les deux prévenus sont interrogés sur l'absence d'un nouveau plan à la suite du changement de mode de construction des balcons.

L'avocat général est revenu longuement sur le changement de mode de construction de l’ouvrage, réalisé sans une mise à jour de plan d’exécution. La construction du balcon est passé de préfabriqués à un coulage sur place. "Un plan conforme ne pouvait certes pas empêcher une erreur, mais son absence avait toute chance d’en provoquer".

Un risque constructif mis en évidence par les experts. 

L'avocat général a également pointé l’absence de vérification du mauvais positionnement des aciers. "Ceux qui avaient la conduite, la surveillance de ce chantier n’ont pas effectué ce contrôle".

Ce à quoi le conducteur de travaux a répondu : "C'est l'action du chef de chantier, ce n'était pas de ma responsabilité".   

Quant à l'architecte, Frédéric Rolland, il a reconnu qu'un nouveau plan aurait dû être réalisé, mais il dit n'avoir pas été informé des modifications. "C'est un problème de chantier et c'est le bureau de contrôle qui doit regarder ça", a-t-il dit à la barre.

Pour Maître Louis- René Peneau, avocat de partie civile, "les réquisitions sont extrêmement claires sur les responsabilités et les culpabilités des deux prévenus. Elles sont cohérentes avec les peines prononcées en première instance et les parties civiles acceptent et comprennent que M. Rolland soit interdit d’exercice et exclu de la profession tant il a été démontré dans ce dossier qu’il ne savait pas diriger un cabinet d’architecture".

Pour lui, "il a été mis en évidence que personne ne contrôlait personne, que tout le monde était en autocontrôle.

C’est important que l’on reconnaisse la responsabilité pénale des acteurs au chantier dans ce dossier. Ils étaient totalement déresponsabilisés. Il faut qu’ils sachent qu’il est important d'apprendre à construire de manière secure pour les gens qui habiteront les bâtiments qu’ils construisent.

Maître Louis-René Peneau

Avocat de la partie civile

Mais pour Isabelle Guérin, l'avocate du conducteur de travaux, les réquisitions de l'avocat général "paraissent extrêmement sévères"

"Ces réquisitions sont difficilement compréhensibles pour Eric Morand dès lors que nous avons été relaxés en première instance. Aucune faute caractérisée n’avait été retenue à son encontre. Il y avait une co-action qui ne permettait pas un contrôle du conducteur de travaux sur le chef de chantier. Le conducteur de travaux n’est pas un permanent contrairement au chef du chantier qui réside en permanence sur le chantier dont il a la charge".

A l’époque le conducteur de travaux avait entre 5 et 10 chantiers à surveiller. Il ne pouvait pas être présent sur tous les chantiers aux moments cruciaux de construction et d’exécution.

Maître Isabelle Guérin

Avocate du conducteur de travaux

4 personnes décédées, 14 blessées

Pour rappel, en octobre 2016, la chute dans le vide d’un balcon au 4ᵉ étage d'une résidence située rue Maillé, à Angers a couté la vie à 4 jeunes et fait 14 blessés parmi les invités de la fête - une pendaison de crémaillère - organisée dans la résidence. Les victimes décédées étaient âgées de 18 à 25 ans.

Un drame pour les familles des victimes constituées partie civile. Le père d'une des victimes décédées regrette que "les détenus ne sentent pas coupables".

Durant le procès en première instance déjà, l’architecte s’était toujours défendu d’avoir participé personnellement à la conception de l’immeuble.

Le procès en appel de l'architecte et du conducteur de travaux se tient depuis le 25 septembre.

Ce mercredi après-midi et jeudi 5 octobre, la parole sera donnée aux avocats de la défense pour clore ces débats devant la cour d’appel.

Le délibéré est attendu fin mai 2024.

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