Besoin d'un peu de légèreté pour cette nouvelle année ? Vœu exaucé, voici Dorrr, un projet né sur la route entre deux concerts du groupe de rock angevin The Blind Suns. Au menu ? De la pop effervescente. Synthés pour tou.te.s...
Ce visage vous est familier ? Logique ! Avec Scarlett puis The Blind Suns, Dorota a embrasé toutes les scènes angevines et au-delà. Bien au-delà même. Ainsi, lorsque nous l'avons interviewée en mars dernier, juste avant le confinement, Dorota et Romain, son compagnon de scène, revenaient précipitamment des États-Unis, plus précisément du Texas où ils devaient se produire.
Après des années en groupe, Dorota lance en 2021 son projet solo, Dorrr comme le diminutif de Dorota, un projet solo mais bien entouré puisque Romain Lejeune, même s'il est ici plus en retrait, fait partie de l'aventure. Moins rock, plus pop, plus aérien, plus lumineux, avec une bonne couche de synthés et des mélodies entraînantes, dansantes, comme celle-ci, The Future is now, oui c'est maintenant...
La dernière fois qu'on a échangé, c'était en mars dernier, vous reveniez toi et Romain des États-Unis pour vous confiner. Comment as-tu, comment avez-vous, vécu cette période aussi étrange qu'anxiogène ?
Dorota. C'est vrai que cette période, en particulier le début d'année et le premier confinement, paraît abstraite. Nous n’avons pas vraiment réalisé ce qui était en train de se passer quand nous sommes arrivés aux USA. Le retour forcé a eu le même effet sur nous que de l'huile sur le feu. On ne s'est pas laissé aller, bien au contraire, le fait de rester la tête dans le boulot et de préparer le plan B nous a assez occupé l'esprit et on n’a clairement pas eu le temps d'angoisser plus que ça. Il faut dire que nous étions plutôt optimistes au départ en pensant que la situation allait s’améliorer rapidement et que nous pourrions retourner en tournée à l'automne, voire en fin d'année. Aujourd'hui, on sait malheureusement que tout cela n'est pas terminé et que le retour à la « normale » n'est pas imminent. En revanche, on n’a pas arrêté de travailler et nous continuons à créer et à nous adapter comme on peut. Pour info, cette étrange période 2020 nous a permis de signer avec un nouveau label basé à Liverpool, UK, finir le 3ème album pour les Blind Suns (sortie prévue pour mai 2021), lancer mon projet solo et terminer mon premier album qui verra le jour fin janvier et je ne parle même pas de tous les live streams et collaborations qu'on a pu mettre en place entre temps :) Keeping busy, c'est le secret.
Qu'est-ce qui vous a manqué finalement pendant ces deux confinements ?
Dorota. La route. Autant, on en avait un peu marre de vivre sur nos valises et on avait une forte envie de repos et de calme, autant à la rentrée on a ressenti un vide incroyable à ce niveau. Le fait de ne pouvoir se déplacer librement, de jouer devant un vrai public non masqué, de faire de nouvelles rencontres internationales et tout simplement d'être sur la route, dans notre camion... c'est un mode de vie auquel nous avons été habitués (et un peu accros) depuis deux ans... Le fait de ne pas savoir quand est-ce qu'on pourra revivre tout cela crée une frustration au fur et à mesure. Cependant, nous gardons le moral et restons optimistes.
Tu te lances aujourd'hui dans un nouveau projet, Dorrr, avec 3 r. Pourquoi ? The Blind Suns ne te suffisait plus ?
Dorota. Oui, j'en avais marre d'être juste une fille dans le groupe, j'avais besoin de plus d'attention que ça !!! :) Blagues à part, DORRR c'est un peu un effet (in)désirable de nos tournées avec TBS (The Blind Suns, ndlr) depuis deux ans. J'avais beaucoup de temps et d'inspiration en étant sur la route avec le groupe, j'ai fini par écrire plein de textes. C'était aussi une période où j'écoutais beaucoup de synth et dream pop, pour la plupart très influencés par les années 80 (Chvrches, Cyndi Lauper, Chromatics, Wild Nothing, Still Corners...).
On a fini par enregistrer plein de chansons au studio creusois de Romain. Au départ, on pensait avoir créé le 3 ème album du groupe mais, suite aux problèmes avec notre label de l'époque, on n’a pas pu sortir de disque de suite et au bout d'un moment on a eu envie de retourner dans un univers plus rock pour TBS. J'ai donc décidé de garder ces chansons et de les sortir sous mon nom, en tant que projet parallèle (side project).
Cela reste un projet studio avant tout. Mais qui sait, peut-être que je vais finir par l'amener sur scène aussi, il ne faut jamais dire jamais, :)
Tu en parles comme d'un projet solo mais Romain est encore avec toi à la guitare. Quelle est la différence finalement ?
Dorota. Romain a créé toute la partie instrumentale pour DORRR et il s'est occupé de la partie production du disque mais visuellement reste dans l'ombre. Il est aussi le guitariste du projet mais, à la différence de TBS, l'univers penche plus vers de la vraie dream pop, le son global est plus mélancolique et les chansons sont plus personnelles. Au niveau instrumental, il y a peu de guitares, on a plus opté pour les synthés. On est dans un mood « feel good » nostalgique alors qu'avec TBS on mise de plus en plus sur de l'énergie brute et le rock'n'roll, surtout sur scène.
On parle effectivement ici plus de pop que de rock avec plus de synthés et - un peu - moins de guitare. Qu'est-ce qui a éveillé en toi ce besoin ?
Dorota. J'écoute beaucoup de choses et plein de styles m'intéressent. Nos goûts évoluent au fur et à mesure qu'on avance dans la vie. La synth pop me faisait du bien et m'apaisait lors de nos tournées. Ça changeait aussi de ce qu'on jouait. J'avais juste envie de faire des chansons et je pense que j'ai été imprégnée de tous ces nouveaux sons à ce moment-là. Il fallait que cela sorte et maintenant un album arrive ;) On sent clairement l'influence de la dream pop... Parfois on a juste envie de plonger dans cette masse de sons réverbérés et nous laisser bercer... N'est-ce pas ?
The Future is now est le premier single de Dorrr, Le Futur est maintenant. Vraiment ? Qu'est-ce qu'il raconte ce titre ?
Dorota. Ce titre a été écrit bien avant que la situation sanitaire mondiale se dégrade, je tiens à le préciser car le titre The Future Is Now résonne encore différemment dans le contexte actuel. À la base, c'est un morceau qui remet en question nos objectifs dans la vie, la finalité de notre voyage humain et pour ma part artistique. Le choix de faire sa vie sur la route, de vivre de l'art tout court n'est pas quelque chose qui est facile à gérer tous les jours. Il y a beaucoup de moments où on a des doutes et on se pose des questions du type "mais … pourquoi je fais ça …", surtout quand on a vu l'envers du décor et plein de choses qui ne font pas vraiment rêver là-dedans... Quel est le prix, jusqu'où peut-on aller dans le sacrifice d'une vie soi-disant "normale" ? Toutes ces questions sont naturelles, on a tous des doutes sur nos parcours et le temps qui passe ne nous aide pas à trouver les réponses, bien au contraire. Voilà le vrai thème de ce morceau.
Mais aujourd'hui les paroles du refrain « Where do we go? I can't tell » ont encore une autre connotation. Celle d'un avenir incertain, flou pour l'être humain mais aussi pour la planète. Personnellement je pense que notre avenir se déroule dans le présent désormais et il faut vivre ainsi. Changer d'attitude à ce niveau peut nous éviter pas mal de maux de têtes et d'insomnies...
Quels thèmes aborderas-tu plus généralement dans ton album Glitch & Glitter qui doit sortir en ce mois de janvier ?
Dorota. L'album sort fin janvier, je confirme même si je n'ai pas encore choisi la date précise. Patience ! Les thèmes abordés dans mes textes portent sur du vécu personnel, principalement sur mes relations avec d'autres humains plus ou moins proches. On est dans la période rythmée par nos voyages avec le groupe, des nouvelles rencontres, des situations joyeuses et surtout pas mal de déceptions personnelles et professionnelles. Il y a une chanson qui aborde le sujet du harcèlement sexuel par exemple (Hashtag Song), une chose dont on parle (heureusement) plus et plus fort aujourd’hui et avec laquelle je suis à 100% solidaire. Globalement, comme souvent, mes textes et les thèmes sont plutôt mélancoliques et tristes mais toujours avec une lueur d'espoir à la fin. C'est très important !:)
Un nouveau projet, c'est toujours un peu un nouveau départ. Comment vis-tu ce moment ?
Dorota. Très bien. Le fait de m'occuper du lancement et de la promo de ce nouveau projet en cette période de confinement(s) m'aide à ne pas rester trop isolée et à reprendre contact avec mon public et celui des Blind Suns de façon active même si cela reste virtuel. Au-delà de l’excitation du « nouveau » projet cela me procure beaucoup de joie et permet de garder le moral même si tout ce dont je rêve en ce moment est de revoir les vrais visages des gens, d'échanger personnellement et trinquer avec nos verres en plastique après les concerts... En attendant je reçois beaucoup d'amour et de soutien virtuellement et ça me fait chaud au cœur, j'ai hâte de sortir cet album et de voir la suite, les réactions, le feedback...Il y a toujours un petit stress qui se cache derrière tout ça:-) J'espère que ce disque va plaire !
On a bien sûr envie de te voir sur scène avec ton nouveau projet et de retrouver The Blind Suns. Comment imagines-tu ce retour sur scène ?
Dorota. Je trépigne d'impatience ! Je ne me fais pas de soucis sur le côté technique, je sais qu'on sera prêts et qu'on retrouvera l’énergie et les sensations qu'il faudra pour que le retour sur scène se passe bien autant pour TBS que pour DORRR. La question est : à quoi va ressembler le milieu du spectacle après la covid ? On sait déjà que la culture est menacée et que plein d'endroits ne s'en sortiront peut-être pas. Est-ce qu'il y aura assez de lieux pour accueillir à nouveau les groupes comme nous ? Quelles seront les restrictions sanitaires ? Est-ce que les concerts reprendront débout pour commencer ? À part tout ce flou, je pense qu'il est essentiel que les spectacles reprennent au plus vite et nous, on s'adaptera derrière, comme d'habitude. On finit toujours par s'adapter. Rendez-nous juste nos salles !
Merci Dorota. Propos recueillis par Eric Guillaud le 21 décembre 2020
Plus d'infos sur Dorrr ici, sur The Blind Suns là