Le Lion d'Angers : un éleveur bloque l'abattoir et appelle "à l'aide" : "Autrement, on va crever"...

"Monsieur le ministre, à l'aide. Autrement on va crever." Depuis dimanche, Mickael Trichet, éleveur et fils d'éleveurs, a déserté l'exploitation et dort dans sa voiture, devant l'abattoir du Lion d'Angers dont il bloque les accès avec une cinquantaine de collègues

Mickael Trichet attend avec anxiété l'issue de la table-ronde convoquée par Stéphane Le Foll, un rendez-vous pour sortir de la crise et convaincre acheteurs, abatteurs et distributeurs de payer la viande au juste prix, celui du travail du producteur.

"Mon défaut, c'est que je n'ai jamais fait que ça dans la vie, mon épouse aussi : l'élevage. On avait la rage, on aimait ça", confie cet éleveur de 39 ans, installé depuis 2004 en Loire-Atlantique, avec près de 400 charolais.
Chaque année, le couple et son jeune salarié gère 160 vélages entre le printemps et l'automne. Les enfants, 13 et 9 ans, vont à l'école avec pour seule consigne : "Travaillez bien. Vous verrez plus tard."

Depuis mars, les animaux sont au pré et les naissances se surveillent à distance grâce aux systèmes d'alertes sur smartphone et caméras, dont l'exploitation s'est équipée pour la sécurité des vaches et des veaux et le confort des éleveurs.
"Parce qu'à côté du travail, on a une vie que nos parents n'avaient pas", remarque Mickael. Chaque année, la famille prend huit jours de vacances. "On le fait pour nos enfants. Plus un à deux week-ends par an."

Au pays des RTT, ce n'est d'ailleurs pas la rareté des congés qui le chagrine : "Ce qui me peine, c'est qu'on fasse des efforts, sur l'environnement, le bien-être animal, qui ne sont pas reconnus par la société. On est stigmatisés, traités de pollueurs. Ce manque de reconnaissance, je ne le supporte plus." Sa voix, joviale et posée, se voile. L'émotion est réelle.

Dans ce contexte, la crise actuelle, ces prix qui se moquent du monde, c'est le trop-plein. "Depuis un an, on prend 250 euros (de perte) dans la vue par vache : de 4,50, le kilo de charolais est passé à 3,80 - 3,90 euros." Mais il lui en coûte 4,30 euros à produire. "L'impact", résume-t-il, "c'est 8 à 10.000 euros de pertes sèches."


Des prix, mais pas d'assistance

"Nos collègues du lait, du porc, on a déjà le genou à terre. On fait rentrer des produits des pays voisins qui, bien qu'européens, n'ont pas les mêmes contraintes.
Ca tire les prix vers le bas. A 1.000 euros de revenus par mois, on est endetté, on n'a pas de trésorerie, on ne prélève rien. Une économie du manque qui éprouve les relations au sein des couples: "Si les deux travaillent sur l'exploitation, ça déborde sur la vie privée. Mais quand l'un (30% des exploitants sont des femmes) travaille à l'extérieur, son salaire, surtout au regard du passé, est difficile à vivre pour celui qui reste."

Ce que réclament aujourd'hui Mickael Trichet et ses camarades postés devant les 18 abattoirs bloqués, ciblés pour leurs relations privilégiées avec la grande distribution, ce sont des "prix, des prix, des prix" - surtout pas d'assistance, d'allègement de charges. "Ras-le-bol d'être pris pour des mendiants."
"Mais que la grande distribution arrête son petit jeu mafieux : oui, ce sont des mafieux qui sabotent notre travail, assassinent nos exploitations avec la pression du toujours-moins-cher. En face, les entreprises (d'abattage et de négoce) jouent perso et se battent entre elles pour conserver leur marchés. Mais on ne peut pas toujours faire moins cher ! On apprend au consommateur à ne plus respecter la valeur de son alimentation."

Il prévient: "Ici (sur le barrage), l'ambiance est détendue, on fait des grillades, on boit un verre. Mais les gens sont graves, déterminés. L'Etat doit jouer son rôle d'arbitre. Et si la distribution ne joue pas le jeu, on sait comment s'occuper d'elle."

Avant de conclure, poliment, posément: "Monsieur le ministre, on compte sur vous : on vous demande de l'aide, autrement on va crever". 
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